« Hitler est un produit de l’histoire allemande. Il a compris mieux que quiconque que le peuple allemand abreuvé de modernité, de sciences et de progrès, avait besoin d’une foi, d’une transcendance. »
Thomas Snégaroff
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Les jardins de Torcello enserrent la maison de Maxence, avocat de père français et de mère vénitienne. Ces jardins sont des vestiges magnifiques du passé de Venise et Maxence n’abandonne pas son rêve de construire un havre de paix et de sérénité avec ces jardins devenus fragiles et menacés qui demandent entretiens. Il veut conserver ce petit miracle, préserver sa beauté et la développer, la partager mais aussi la dresser en barrière face à la montée des eaux pour protéger l’île de Torcello en danger. Vivent à ses côtés son jeune amant Colin, traducteur et sous-titreur, et Elio un homme à tout faire qu’il a jadis défendu et qui lui est totalement dévoué. Après un voyage au Vietnam et les pressions insistantes de sa mère, Maxence a adopté Jess devenue guide dans cette ville après son départ précipité de France. Dernier personnage qui accompagne cette visite guidée de Venise, un migrant, un migrant les pieds dans l’eau, un migrant né d’un pochoir de Bansky (« Ce n’est pas un simple dessin. On dirait un cri. ») témoignage politique de notre société contemporaine. Superbe hommage à Venise et un hymne à la beauté pour les amoureux de Venise et ceux à venir.
« La beauté, en dernier recours, pour sauver l’humanité. L’idée lui plaît… La beauté est un axe fixe autour duquel tout le reste tourne. Et l’art, dans son ensemble, résistera à l’usure, à la défaite… Si la beauté disparaît, plus personne ne saura qu’elle peut exister, et alors notre monde sera sans espoir. »
« Un papillon bleu entre par la fenêtre ouverte. Il vole dans la chambre. Les papillons ne font pas de bruit, mais en étant très attentifs, on peut entendre battre leurs ailes, et dans ce bruissement à peine audible, se tient quelque chose d'immensément grand que Jess ressent et qu'elle ne parvient pas à nommer, et qui est la force ou la poésie commune à toutes formes de vie. »
Fiche #3250
Thème(s) : Littérature française
Jeanne et Rémy forment un couple heureux. Depuis longtemps. Très longtemps. Ils se sont mariés jeunes, ont eu deux jumelles et la vie continue, sereinement, simplement, comme un petit ronronnement répétitif et sans surprise, dans la vie intime comme dans la vie professionnelle. Alors Jeanne tente de s’accorder, de capter quelques instants, quelques éclairs de liberté, filets de lumière éblouissants. D’abord dans sa vie routinière par quelques actions singulières, quelques beaux moments inattendus, mais aussi dans son admiration ultime de la plasticienne Marina Abramović qu’un professeur lui avait fait découvrir l’année du bac. Jeanne vivra un été particulier, sa meilleure amie se fait plaquer par son mari pour une plus jeune femme, elle croise son amour d’adolescente jamais oublié, elle rencontre la performeuse dans une entrevue silencieuse mais mémorable, autant d’évènements où Jeanne pourra choisir, apprécier quelques espaces de liberté mais aussi ressentir la poésie de la vie, appréhender « l’utilité de l’inutile » et l’élégance du quotidien.
« Les femmes ne sont pas moins fortes que les hommes, non, ce n’est pas ça, mais elles renoncent. Elles laissent leurs rêves pour réaliser ceux des hommes. »
Fiche #1997
Thème(s) : Littérature française
Alors que l’hiver approche, Carole est de retour dans sa vallée natale, au cœur de la Vanoise ("Je suis née ici, d'un ventre et de ce lieu."). Son père lui a promis de la rejoindre, elle, son frère et sa soeur. Elle a quitté le village de longue date alors que son frère et sa soeur sont restés. Elle craint légèrement ces retrouvailles, les liens se sont effrités, eux sont restés soudés, ont accepté le passé, pourra-t-elle retrouver sa place dans la fratrie ? Mais, cette fois, elle a le temps, elle attendra son père, comme auparavant sa mère l’a tant fait. Claudie Gallay établit tranquillement, sereinement, l’atmosphère au coeur de ce village à l’ancienne. Les personnages sont simples mais cabossés, toujours si humains. Tous conservent une part de rêve, lueur d’espoir et béquille d’existences souvent rudes. Dans ces villages, dans ces familles, les secrets perdurent et Carole mettra à profit cette pause pour parler, revenir sur le passé, notamment sur l’incendie de leur maison qui les a tous éprouvés pour repartir grandie et apaisée. Claudie Gallay avec un style direct et sec et de nombreux dialogues, nous enchante encore avec ce beau roman, ses personnages attachants, et comme Christo dont Carole traduit une biographie, elle sait dévoiler quand il le faut, les non-dits, les secrets et la vérité de ses personnages.
« Ici, comme ailleurs, c’est l’ennui qui fait devenir salaud. »
« Les pères sont les failles des filles. »
« La vie, on ne la refait pas. On fait des choix et on laisse des choses. »
« Tu te souviens trop, Carole, il faut te dépolluer de tout ça. »
Fiche #1353
Thème(s) : Littérature française
Cet été là, le festival d’Avignon sera singulier. La grève des intermittents vient perturber son déroulement et les sentiments des spectateurs, acteurs, organisateurs seront exacerbés. Parmi eux, Odon Schnadel toujours artistiquement ambitieux présente avec sa compagnie la pièce d’un auteur inconnu et décédé, Paul Selliès. Mathilde, dite la Jogar, revient en star à Avignon et tentera de retrouver les traces de son passé avignonnais. Enfin, la jeune Marie, qui n’appartient pas au monde du théâtre, écorchée vive (au sens figuré comme au sens propre), toujours sur le fil du rasoir, vient trouver des réponses notamment concernant le suicide de son frère Paul Selliès qu’elle n’accepte toujours pas. Ces trois personnages principaux égratignés et blessés par la vie et le temps se croisent, se repoussent, s’attirent, s’aiment, toujours sur fond de théâtre, mais le théâtre est la vie et la vie est le théâtre : la totalité de la palette des sentiments s’exprimera donc autour d’eux, sentiments pour lesquels l’œuvre et la disparition de Paul Selliès demeurent le personnage principal : "Associer la beauté et la mort, il voulait ça, cette union infernale".
Fiche #802
Thème(s) : Littérature française
La narratrice d’une quarantaine d’années vit depuis six mois dans le Cotentin à la Hague. Professeur de biologie, elle participe à un programme du Centre Ornithologique de Caen mais vient aussi oublier son passé et peut-être en guérir. Peu à peu, au rythme des marées (ou des déferlantes), Claudie Gallay installe magistralement une atmosphère singulière à mesure que la narratrice découvre les habitants de ce bourg. Solitaire, elle observe la mer et fait corps avec elle, lui crie son désespoir et sa douleur. Pourtant les habitants l'accepteront et elle découvrira les histoires enfouies et tues du village ; étrangère au village, elle s’intéresse malgré tout à tous et à leurs trajectoires. Elle loge dans une maison balayée par le vent et les embruns où vit également Raphaël sculpteur insatiable et passionné qui regarde avec circonspection le monde et en propose sa vision d'artiste. Il vit une relation privilégiée avec sa soeur Morgane, belle femme de 30 ans admirée de tous les hommes. Autour d’eux s’animent une série de personnages (« A la Hague, les vieux et les arbres se ressemblent pareillement torturés et silencieux ») comme Nan une vieille folle habillée de noir qui a vu disparaître toute sa famille en mer ou La Cigogne une petite fille décharnée au quotidien difficile mais qui continue de rêver… Jusqu’au jour où Lambert arrive au village pour vendre la maison où il venait en vacances avec ses parents. Le passé va ressurgir… Nan prendra Lambert pour un autre, un certain Michel. Progressivement se révèleront les liens exacts qui unissent tragiquement Lambert à ce village et peu à peu, le miroir se brisera et chacun aura son rôle ou sa vision des évènements… Un grand roman fait de rancunes, de haine, de mensonges, de non-dits où la mer est omniprésente (« Ces vagues les déferlantes. Je les ai aimées. Elles m’ont fait peur »), la mer cruelle qui broie et détruit mais qui accueille aussi les passagers éphémères que sont les hommes et les oiseaux.
« C’est son rêve et les gens qui ont des rêves ne risquent pas grand chose. Et ceux qui n’en ont pas, ils risquent quoi ? Je ne sais pas… mais c’est moins facile pour eux »
"Des oiseaux par milliers volent vers les feux
Par milliers ils tombent par milliers ils se cognent
Par milliers aveuglés par milliers assommés
Par milliers ils meurent.
Le gardien ne peut supporter des choses pareilles
Les oiseaux ils les aiment trop
Alors il dit tant pis je m'en fous
Et il éteint tout..."
Jacques Prévert, le gardien de phare aime trop les oiseaux
Fiche #368
Thème(s) : Littérature française