« Je vais vous dire, moi : le seul charme du tourisme dans les pays pauvres, quand on ne s’est pas fait arnaquer par des truands, c’est de transformer le moindre pékin en maharadjah pendant une ou deux semaines. Ca n’a jamais été la meilleure façon de se cultiver. Si on voulait vraiment s’instruire, il faudrait commencer par reconnaître qu’on ne sait presque rien. Observer, écouter. Mais les gens sont vaniteux et pressés, ils songent surtout à se distraire vite fait et à épater leur entourage. Ca leur évite de se demander ce qu’ils foutent sur leur terre. »
Jean-François Sonnay
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14 juillet, une date universelle ! Connue de tous, un jour historique, une journée charnière mais que sait précisément chacun de nous de ce jour si particulier ? L’histoire officielle, académique, nous a appris les grands noms, les grands discours, les grands effets de manche, les grandes joutes oratoires, le théâtre habituel. En effet, la Révolution ne se situe pas seulement dans les gymnases et les couloirs de l’Assemblée. D’autres peut-être sans toujours savoir réellement pourquoi sont sortis de leur maison, ont abandonné une femme et un enfant, ont pris la rue, les armes, ont crié, couru, sont morts et ce sont ces anonymes qui ont rendu possible ce bouleversement. Et Eric Vuillard se range ostensiblement à leur côté, il recadre, donne chair, remet l’humain au centre des événements, c’est aussi un charretier de Bourgogne arrivé on ne sait comment à Paris et on ne sait quand qui a fait la Révolution ne supportant plus le prix des perruques (les coiffeurs de nos têtes couronnées nous ont donc toujours coûté cher !) et le faste de la cour. Le récit nous plonge au cœur de la révolte, dans la place, loin de l’histoire lisse et propre, au plus près des acteurs anonymes, qui prennent part, souvent de façon très fugace (« Son épopée n’a duré que quelques minutes. ») aux actions du jour, même si « Personne ne sait de quoi la liberté est faite, de quelle façon l’égalité s’obtient. ». Un récit épique haletant qui revient de manière originale sur une journée fondatrice et arrive à point nommé tant l’éloignement entre le peuple et le pouvoir demeure une constante historique !
« Les nobles bouffent les rogatons de première main. Les domestiques rongent les carcasses. Et puis on jette les écailles d’huîtres, les os par les fenêtres. Les pauvres et les chiens récupèrent les reliefs. On appelle ça la chaîne alimentaire. »
« Dès qu’un esprit fermente, on l’emprisonne, dès que cent ou mille esprits fermentent, on envoie les gendarmes leur tirer dessus, mais quand des dizaines de milliers d’esprits fermentent de conserve, alors on envoie une députation, on noue un tire-jus au bout de son stick, et on l’ébroue gentiment. »
Fiche #1827
Thème(s) : Littérature française