« C’est son rêve et les gens qui ont des rêves ne risquent pas grand chose. Et ceux qui n’en ont pas, ils risquent quoi ? Je ne sais pas… mais c’est moins facile pour eux. »
Claudie Gallay

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Timothée Demeillers - Jusqu'à la bête

Timothée DEMEILLERS

Jusqu'à la bête
Asphalte

150 pages | 15-07-2017 | 16€

en stock

Erwan a du temps devant lui pour réfléchir. Il est en cellule et encore pour de longues années. Il lui est donc possible de songer à l’évènement, à l’instant où tout a basculé, où sa vie a définitivement pris une autre direction, loin de celles de son frère, sa femme et ses deux petites filles. Erwan était ouvrier dans un abattoir de la banlieue d’Angers. Chaque jour, il prend sa voiture pour rejoindre les frigos, ses collègues, ses chefs mais surtout les carcasses et les machines inépuisables qui transportent, coupent… Travail à la chaîne, dans le froid et le bruit, des sons métalliques qui vous habitent bien longtemps après avoir quitté l’usine (« Je vis pour l’usine. Je vis par l’usine. Même ici. Elle s’est greffée à moi. »), des odeurs, des images qui vous font réveiller en sueur en pleine nuit. Rien pour s’échapper, pour fuir, tenter simplement de survivre. Une répétition à l’infini des gestes et des carcasses qui défilent les unes après les autres. A peine embauché, le seul espoir réside en la retraite et de pouvoir en profiter quelques temps, quelques mois, quelques années au plus... Seul rayon de soleil, sa rencontre avec Laëtitia, une étudiante venue pour un stage d’été. Mais qui peut envisager de vivre durablement avec un gars travaillant aux abattoirs, dans les carcasses et le sang ? Un texte prenant qui met en avant un invisible, bien loin des reportages habituels qui vont exclusivement évoquer la souffrance animale, pourtant l’un n’excluant pas l’autre, Timothée Demeillers nous parle aussi sans artifice de la souffrance humaine, du monde du travail où s’accomplir demeure une affirmation simplement inenvisageable, une utopie. L’écriture et le style rendent parfaitement l’ambiance, l’âpreté et la difficulté du travail, sa répétitivité, les odeurs, l’agressivité des machines et des supérieurs. Une très belle et percutante découverte.

« Ceux que les mêmes gestes répétés à l’infini sur quarante ans n’ont pas trop amochés. Les mêmes gestes. Les mêmes mouvements du corps. Les mêmes muscles qui travaillent. Les mêmes tendons, les mêmes os. Les mêmes os, qui au fil du temps se déforment, se calcifient. On devient des sortes de mutants, à travailler à la chaîne. On devrait étudier ça en anatomie. Le corps d’un ouvrier à la chaîne. Les transformations du corps d’un ouvrier à la chaîne. Les douleurs. Les maux. La journée, ça va encore. Parce que les muscles sont chauds. Parce que les tendons sont chauds. Mais une fois au repos. La nuit. Les douleurs apparaissent. Les sales douleurs de trop répéter les mêmes mouvements mécaniques. Avec l’angoisse croissante de se dire que demain ça n’ira que plus mal. Parce qu’il faudra y retourner. Il faudra recommencer. »

Ecouter la lecture de la première page de "Jusqu'à la bête"

Fiche #1985
Thème(s) : Littérature française


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