« Il ne faut pas être surpris qu’il y ait de plus en plus de criminels envoyés à l’asile plutôt qu’en prison : tant qu’on a affaire à des dingues, on n’a pas à se poser de questions. On laisse le fou dans son coin, on le regarde se débattre, comme s’il n’avait rien à voir avec nous. »
Marie-Eve Sévigny

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Estelle-Sarah Bulle - Là où les chiens aboient par la queue

Estelle-Sarah BULLE

Là où les chiens aboient par la queue
Liana Levi

285 pages | 26-07-2018 | 19€

Une jeune trentenaire née en banlieue parisienne vit un quotidien bien éloigné de ses origines guadeloupéennes. C’est peut-être néanmoins l’instant de se retourner une dernière fois vers son passé familial et interroger ses racines. En effet elle ne connaît la Guadeloupe que comme « une métropolitaine en vacances », sa « vie était ailleurs. » et tout le monde le savait, le sentait, et lui faisait ressentir. Or, coup de chance, elle a une tante, véritable conteuse hors pair, à la parole libérée, qui depuis son lit d’hôpital parisien est toute prête à lui relater l’histoire familiale, les Ezechiel descendants d’esclaves, emblématique de l’histoire de la Guadeloupe et à exposer aussi bien son parcours (et celui de sa famille) qu'à dresser le portrait sans fard de la société antillaise (« D’ailleurs les Antillais critiquent les Antillais. »). Le discours d’Apollone, surnommée Antoine, parfois entrecoupée par les avis d’autres membres de la famille, revient sur les années guadeloupéennes, « Quelques éblouissements et puis rien que des blessures. », des années de débrouille de la campagne au taudis de Pointe-À-Pitre, suivi de l’exil. Antoine subira en effet deux ruptures, le départ de Morne-Galant en 1947 puis l’envol depuis Pointe-À-Pitre vers la métropole vingt ans plus tard abandonnant tout ce qu'elle avait construit. L’installation en banlieue, « quitté un nulle part pour un autre nulle part », perdus, isolés, à l’écart, à une époque où la France se construit grâce à eux mais aussi sans eux, « Nous, les Antillais, nous avons toujours su nous adapter, pas vrai ? De la case d’esclaves aux HLM, nous savons ce que signifie survivre. » Puis le travail se fait rare, les regards changent, « Je dirais qu’en métropole, nous sommes devenus noirs vers 1980 à partir du moment où avoir du boulot n’est plus allé de soi. » et néanmoins ces « immigrés de l’intérieur » choisiront de rester, toujours, jusqu’au bout de leur histoire. L’écriture est imagée, le vocabulaire précis, le ton singulier, quelques expressions créoles colorées viennent installer une ambiance particulière et un rythme tonique. Un premier roman qu’on ne lâche pas et permet notamment d’« aimer mon histoire et la matière dont elle était faite ; une succession de violences, de destins liés de force entre eux, de soumissions et de révoltes. »

Premier roman

« La nuit n’est pas menteuse comme le jour. C’est la nuit que tu peux lire en toi-même comme dans un livre, et voir les autres comme ils sont vraiment. »

Ecouter la lecture de la première page de "Là où les chiens aboient par la queue"

Fiche #2174
Thème(s) : Littérature française


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