« Car aimer, tu en es désormais certain, aimer ne dure que le temps où l’on se persuade que l’on aime. »
Violaine Bérot
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« L’homme coquillage » est narré par une femme turque : « Je suis née et j’ai grandi en Turquie, moi ! » et ce n’est pas anodin ! Elle est physicienne et partie en Suisse pour poursuivre ses recherches. C’est lors d’un voyage pour un séminaire avec ses collègues à la Caraïbe qu’elle rencontre Tony, pêcheur de coquillages, qu’elle nommera L’homme coquillage. Première femme blanche à lui adresser la parole, elle décidera d’aller vers cet inconnu au physique singulier (« Mais ce n’est pas juste en regardant la couverture d’un livre qu’on peut savoir ce qu’il contient. »), rejoindre l’inconnu qui deviendra son mythe. Elle n’est guère heureuse dans son monde qu’elle décrit sans concession alors, solitaire, elle préfère, malgré le danger, rencontrer un autre monde, un autre regard, plus libre, plus ouvert, « l’homme coquillage qui m’a appris le chant de l’océan, Tony l’Homme Coquillage que j’ai aimé d’un amour profond, féroce et irréel ». Tony est particulier, à double facettes, comme chaque homme, bienveillant ou malveillant, sorcier ou magicien, « habile aux caresses autant qu’aux coups. Tony était comme ces enfants siamois dont le corps unique est coiffé de deux visages contraires. Le premier était dur et intrépide comme celui d’un corsaire aux larges balafres, le second, sensible et doux, celui d’un saint miséricordieux. ». Le lieu est aussi particulier, scindé en deux, les blancs et les autres, un « ghetto situé à même pas deux cents mètres des hôtels quatre étoiles » dans lequel « s’appliquait la loi universelle de tous les ghettos du monde ; la loi de la faim, de l’exclusion, du désespoir, de la violence. ». Enfin, elle est également particulière, son histoire personnelle et intime douloureuse l’a marquée à jamais, « Ne pas savoir oublier. Implacable vengeance de la mémoire. » Le récit intime courageux et sans concession d’un voyage fondateur aux frontières de l’amour et de la mort. Le premier roman d’Asli Erdogan enfin disponible en France qui livrait déjà quelques indices évidents de son regard sur la souffrance, son amour de la liberté et sa résistance absolue à toute oppression.
Premier roman
« Sous les tropiques, sur cette île éloignée de tout, j’ai appris que l’enfer et le paradis ne font qu’un, que seul un assassin peut être prophète, et qu’un homme, comme dans les séances de magie noire, peut en devenir un autre, car le contraire absolu de l’homme, c’est encore lui-même. »
« Son esprit n’était pas induit en confusion par des concepts tels que la psychanalyse, la névrose, l’existentialisme, et il savait ressentir cette chose à vrai dire élémentaire qu’est la douleur de l’autre. Il savait être triste pour l’autre. Il y avait en lui une sensibilité sans équivalent dans le monde hypocrite des gens trop instruits. »
« Car selon moi, écrire ne vient à l’idée que de ceux qui souffrent de ce mal que j’appelle ''la constipation de vivre''. »
Fiche #2153
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Julien Lapeyre de Cabanes