« Si le monde est grand, on ne peut pour autant en sortir. »
Jakuta Alikavazovic
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Hokee, une jeune Navajo, est née du viol de sa mère par un général du Bureau des affaires indiennes. Elle vit seule dans une grotte à l’écart de son clan, le clan de l’Homme qui Marche, et observe de loin la vie des siens mais aussi les liens qui se créent entre certains et le général Bouton d’or. De son père, elle ne possède en effet qu’un bouton, un bouton d’or qui la suivra de son enfance jusqu’au moment où elle réglera le problème de ses origines et de son identité. Le général est aux ordres d’une compagnie minière, qui exploite, surexploite les sols pour en tirer minerais, uranium, pétrole sans se préoccuper des conséquences sur les Navajos et du désastre écologique. Le glas qui sonne, les terres sont confisquées, le clan doit partir… On suit le parcours initiatique de cette jeune fille, elle se construira en parallèle de la disparition du clan de l’Homme qui Marche, sous les coups, les violences, les ruses de l’homme blanc, son alcool (« … l’alcool est un monstre dont le sang bouillant déversé par les Blancs sur notre peuple s’empare de l’esprit de nos hommes, le torture, pour mieux l’asservir finalement. ») et ses billets verts. Elle passera par de terribles traumatismes, des souffrances extrêmes. Elle se glissera dans plusieurs identités, Hokee, l’abandonnée puis Fille du Vent, et enfin June, un chemin chaotique pour accéder à un espoir de liberté sans jamais oublier les siens et sa culture première. Catherine Gucher rend compte par ce récit fouillé, érudit et précis de l’histoire d’un peuple, hommage à une culture asservie, violentée par les Blancs accompagnés de leur puissance destructrice. Elle donne corps à une palette de personnages variés, aux caractères multiples, permettant d’évoquer les rites, croyances et légendes de leur peuple : histoire d’un peuple, histoire d’un pays, triste histoire de l’humanité (a-t-on appris quelque chose ?). Un superbe roman qui prend une belle place à côté de ceux de Louise Erdrich
« Cette terre est leur coffre-fort et c’est pour ça qu’ils nous en chassent. Ils n’auront de cesse d’avoir épuisé toutes les ressources du sol, et ils n’auront de cesse de nous avoir exterminés. »
« A quoi sert de lire si vous devez souffrir de tout ce qui est écrit ? »
Fiche #2842
Thème(s) : Littérature française
Dans la montagne ardéchoise, éloignée de tout, une petite communauté d’amis partagent un quotidien fait de vrais hivers, de vrais étés, de lumière, de solitude, d’entraide, d’amitié, une vie sauvage proche de la nature, une vie simple, vraie « Mais lorsque la nuit tombait, une vieille nostalgie ranimait leurs anciennes convictions. » En effet, ils se sont retrouvés là après de longues années d’engagement, ils ont cru en la justice, la fraternité, en un monde sans frontières, toujours aux côtés des pauvres, des opprimés, luttes incessantes et puis ils sont venus là, un peu retirés du monde, mais libres et en accord avec leurs convictions restées intactes. Jeanne gardera toujours la tête haute et clamera toujours avec la même conviction « Hasta la victoria sempre ». Mais qui reprendra le flambeau ? Pas son fils qui a choisi un autre modèle de vie, de société et reste en colère face à cette mère distante, trop engagée et libre. Fidel Castro n’est pas loin d’être son messie, en tous cas, elle refuse de croire en son échec, même si elle a douté évidemment face à l’évolution en Amérique latine ou à l’Est, « j’ai détesté ces hommes qui portaient la mort en même temps que la révolution » mais reste sur l’admiration de ses années de jeunesse, Fidel continue d’incarner ses idéaux qu’elle n’a pas abandonnés et Cuba le seul rayon de soleil. Alors à l’annonce de sa mort, le passé se fait plus prégnant et elle doit retourner une dernière fois sur les terres de sa révolution. Mais pas avec n’importe qui. Avec Ruben, son grand amour inachevé. Arrivé en France pendant la retirada à l’âge de trois ans, devant le terrible accueil de la France, il fut contraint de s’exiler à Oran avec sa grand-mère et jamais l’odeur de sang ne le quittera. Alors il la laissera partir à Cuba pour éviter de revivre les horreurs qu’il a toujours en tête et fera alors office de traitre à la cause. Mais il est temps aujourd’hui de s’expliquer, de refaire ce voyage pour vivre ensemble une dernière épopée. Un superbe et émouvant hommage que ce portrait d’une femme libre et engagée qui restera fidèle à elle-même mais aussi d’une amoureuse de la vie. Un récit d’une très belle écriture raffinée et maîtrisée, empreint d’une émotion constante décrivant Jeanne emblème d’une génération où l’idéologie n’était pas encore un gros mot, où l’homme pouvait encore être une priorité et passer avant l’économie, où un monde meilleur pouvait poindre au bout du chemin mais une génération qui a vu aussi les obstacles se multiplier et le sang couler à flots, les échecs s’enchaîner. Pour peut-être se rassurer, on (ré)écoutera l’inoubliable Mano Solo et son couplet « Dans la vie, ce qui compte c’est pas l’issue c’est le combat. »
« Les souvenirs ont les dents longues ; dans les armoires de famille se cachent des brigades de fantômes. »
« La vie, finalement, c’est toujours beaucoup de sang. »
« ... malgré nos désirs de croire, rien ne correspond jamais aux images que nous nous faisons de la vie, qu’il s’agisse de l’amour ou de la politique. »
« La compassion se nourrit de pitié et je déteste la pitié à cause de tout le mépris et de la suffisance qu’elle contient. »
Fiche #2392
Thème(s) : Littérature française