« Quand nous oublions, c’est que nous avons perdu moins la mémoire que le désir. »
Juan José Saer
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Elle est jeune, venue à Paris pour suivre des études littéraires, écrit déjà mais enchaîne les refus et les petits boulots ingrats pour payer ses études. Elle voudrait trouver un travail intéressant et valorisant et trouver sa place grâce à ses capacités. Car sa place en effet ne l’attend pas, toute prête, bien au chaud dans la lignée familiale, ni dans la société ni en amour. Alors ou ils l’ignorent ou ils la regardent, le sourire aux lèvres, le mépris au coin de l’œil, pesant, insistant. Jusqu’à ce que la honte la submerge, la honte de ne pas être à sa place, de ne pas maîtriser les codes, les références, le langage (« Je n’avais pas les armes, je n’avais pas les mots. »), la honte d’être pauvre. Mais elle refuse d’être paralysée et enfermée par cette honte, envie de crier, la colère gronde, s’installe, une colère qui se mue souvent en haine. Et puis, elle publie, passe de l’autre côté (« Je suis passée du bon côté de la vitre teintée. »), profite enfin d’une certaine liberté, mais en réalité, rien ne change (« …que fréquenter toutes ces personnes d’un certain milieu ne change rien, ne permet jamais d’en être, qu’on en est jamais sauf à y être né, et quand bien même vous en êtes, qu’est-ce que tout ça peut bien changer ? Cela vous aide-t-il à trouver ne serait-ce que le très petit début d’un sens ou d’une raison de continuer à jouer ? »), elle n’oublie pas (« J’ai été à leur service avant de les fréquenter. Je n’oublie rien. »), elle continue d’observer de ressentir cette condescendance, cette arrogance et ce mépris, de ceux qui sont persuadés de savoir, ont le pouvoir : « Ces gens qui ne se sont jamais sali les mains à la boue de la moindre nécessite subie. ». Ils s’octroient le droit de la juger vulgaire. Alors la colère croît, et la haine avant la révolte surgit, « J’avais la rage. », processus d’une radicalisation que la société et sa classe dirigeante engendrent. Le roman, au plus près des émotions, un cri, un coup de poing, décrit le chemin chaotique et dangereux emprunté par une jeune femme pour trouver sa place. Un souffle violent le parcourt de la première à la dernière ligne et en effet l’écriture et le rythme y sont pour beaucoup et traduisent parfaitement les sentiments, les impressions, les ressentiments, de sa désintégration naîtra une énergie d’écriture hors norme. La claque de la rentrée !
Ecouter la lecture de la première page de "Désintégration"Fiche #2222
Thème(s) : Littérature française