« La revanche en amour n’existe pas. »
Agnès Desarthe
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Une carte postale qui parait anodine et la trajectoire de Jeff Valdera s’en voit détournée, retour vers le passé ! La carte représente des photos d’un ancien hôtel de Davos et un texte anonyme dans un français approximatif les accompagne. Or, jeune, Jeff accompagna régulièrement sa tante dans cet hôtel. Adolescent au milieu d’adultes, il avait l’art de faire le beau, de pérorer, provoquer, interpeller, questionner dans une insouciance libre. Connu de tous, il partageait son temps entre les pensionnaires et les parties d’échecs ou de go insouciant face aux oppositions (étatiques ou individuelles) entre la RDA et la RFA de l’époque qui pourtant intéressaient les autres pensionnaires de l’hôtel. Or, l’auteur de la carte est Frieda Steigl, fille d’un ancien pensionnaire, elle a parcouru les archives de la Stasi (Jeff Valdera y est cité explicitement) et l’accuse d’avoir aidé la Stasi donc d’avoir une part de responsabilité dans sa mort. Le duel est âpre : histoire contre mémoire (« ... ma version personnelle semble en décalage avec la sienne. »), mémoire officielle contre mémoire individuelle, fiction ou réalité : « Ce n’est pas rien de ne plus maîtriser qui on est, au moins qui on a été, ce qu’on a fait ou pas fait, ce que d’autres ont fait de soi. Nous avons vécu la même histoire et une autre, comment est-ce possible ? Ou alors c’est toute notre vie qui est comme ça, on se goure jour après jour sur ce qu’on croit vivre, la plupart du temps sans s’en apercevoir. » Français Vallejo nous offre un nouvel opus sous forme de questionnement intime ou non mêlant à nouveau histoire et Histoire pendant la période de la guerre froide et des rivalités germaniques.
Ecouter la lecture de la première page de "Hôtel Waldheim"Fiche #2187
Thème(s) : Littérature française
Deux hommes. Deux destins. Deux époques. Un jeune novice sur les traces de son père, maître chirurgien-apothicaire du XVIIe, un chirurgien cardiologue réputé du XXIe. Deux amoureux de leur art, du geste parfait, de leurs patients et de la guérison, jusqu’à la folie. François Vallejo croise les deux histoires, les vocations, les destins aussi éloignés que proches, différents que similaires. Urbain le Jeune Delatour accompagne son père sur les chemins de la paroisse de Neville-au-Désert, aussi bien dans les lieux les plus reculés que chez le seigneur de Montchevreüil et sa fille. Il voue une grande admiration pour son père mais ressent parfois quelques doutes concernant son avenir dans le métier que l’amour pour son père saura lever. Urbain l’Aîné Delatour se consacre en effet totalement à son métier et à ses patients et ira très loin dans le secours apporté aux ouailles de Neville-au-Désert sous l’œil attendri et parfois circonspect de son fils. Quatre siècles plus tard, Etienne Delacour passionné d’archéologie deviendra chirurgien cardiologue notamment par amour, pour Irène Saint-Aubin rencontrée sur un chantier de fouilles et fille d’un administrateur d’un établissement hospitalier parisien. Etienne fera ses armes à Tours et rejoindra l’établissement du père d’Irène. Passionné, il se consacrera corps et âme à son métier, jusqu’à la déraison, chaque opération le met en danger, chaque guérison une victoire. Succès, notoriété engendrent aussi jalousie… et la chute n’en sera que plus violente. François Vallejo prouve une nouvelle fois son immense qualité de conteurs, et il nous offre ici deux histoires en une où au cœur de la passion et du dévouement, la tension et l’empathie pour les personnages vont croissantes.
« Epargner quelqu’un, des fois, en le laissant finir, c’est le contraire d’un meurtre. Rien que de l’amour. »
Fiche #1492
Thème(s) : Littérature française
Alix apprend par un ami commun que son demi-frère Alban s’est converti à l’Islam. Ce demi-frère qu’elle a aidé, aimé, soutenu alors que leurs parents ne s’occupaient pas d’eux, aurait même changé de nom. Alban est un brillant étudiant en chimie, et sa rencontre avec l’Islam provoquera une mutation aussi bien physique que morale. Le récit montre les réactions, doutes, interrogations d’Alix devant cette conversion inattendue, son désarroi de n’avoir rien vu venir, de n’avoir rien pu éviter. Entre incompréhension et culpabilité, elle découvre la croyance, le fanatisme (« … fanatique, fanatisme, on a vite fait de se débarrasser des gens qui croient à quelque chose de plus grand qu’eux, en les salissant et en les traitant comme des fous intolérants. ») au sein d’un monde où règnent les manipulations, par les musulmans eux-mêmes, par la DCRI… Pourtant à sa grande surprise, cette mutation n’a pas éteint la tendresse qu’Alban ressent toujours pour sa sœur et le dialogue est encore possible malgré le fossé qui les sépare et qui se creuse. Comme à chaque roman, François Vallejo emporte son lecteur dans un récit tendu et vivant, ici contemporain, le tient en haleine du début à la fin, sans jamais porter de jugement définitif, mais en suscitant réflexion et questionnements.
« Il était déjà entré dans une secte, la plus admise des sectes, la plus universellement appréciée, la secte technologique, la secte de la distraction pour tous, on ne l’appelle jamais comme ça, une secte tout de même. Je ne vois pas comment le dire autrement. Conversion. Il glisse d’une secte à l’autre. »
Fiche #1139
Thème(s) : Littérature française
Marthe, Sabine et Judith viennent de perdre leur jeune père admirateur de Le Corbusier dont l’ombre pèsera et leur intimera la volonté de rester unies. Le conseil de famille se réunit pour décider de leur avenir et dès cet instant, elles montrent qu’elles ne font qu’un(e). Marthe l’aînée obtient la tutelle de ses deux sœurs. Le style vif, rapide fait parler les trois sœurs d’une même voix, osmose parfaite qui peut osciller malgré tout. Les trois caractères diffèrent mais l’envie de demeurer ensemble est plus forte. Elles forment un clan uni, et chacune tente à son tour d’en sortir mais inexorablement est rattrapée par les deux autres. Judith la plus jeune déroute ses aînées par son fort tempérament, ce qui ne l’empêche pas de revendiquer son lien infaillible à ses sœurs : « Nous sommes sœurs depuis le début, ça durera jusqu’à la fin, si nous le décidons. Il ne faudra jamais me laisser toute seule ». L’une s’éloigne, prend son envol, trouve une place éloignée des deux autres, elles la rattrapent immédiatement : « Cette nuit, elle semble vouloir les condamner à rester sœurs et rien d’autre. ». De même dans la difficulté, les deux autres seront toujours là pour sauver la troisième et la sortir d’une mauvaise passe. Le style indirect adopté par François Vallejo rend ce récit vif, rapide, haletant adopté également par les mouvements centrifuges ou centripètes au sein du clan où chaque femme malgré le lien indéfectible qui les lie recherche une vie extra-clanique. Mais le brelan ne reste-t-il pas toujours supérieur à une carte seule ?
« Elles comprenaient seulement aujourd’hui la dernière phrase de Grand-mère Madeleine avant de mourir : être heureuses toutes les trois, ce n’était pas être heureuses à tout prix, c’était d’être heureuses d’être toutes les trois, même si elles devaient être malheureuses chacune de leur côté. »
Fiche #784
Thème(s) : Littérature française
Un soir, dans un château du XIXème aux tréfonds des terres de l'ouest, un garde-chasse se découvre un nouveau maître. Alors que la France hésite à épouser la République, le vieux baron de l'Aubépine est mort, et son fils le remplace. Lambert, le garde-chasse, et sa famille sont les seuls à rester au service du lunatique malgré la mauvaise impression initiale : "un peureux pour maître, ne valant pas le plus petit paysan de l'Ouest, ce n'est pas glorieux pour ces gens". Lambert est attaché irrémédiablement au domaine, à "ses" bois, à "sa" meute de chiens sauvages. Sa fille trop belle et à la peau blanche l'accompagne souvent dans ses chasses et devient sa complice. La cohabitation avec ce nouveau baron, plein de folies politiques qui lui vante la République, d'obsessions des corps s'avérera ardue surtout qu'avec son bon sens, Lambert a son franc parler et ses convictions. Dix ans, l'affrontement durera dix ans, la tension et la violence augmenteront au fil des années (et des pages) accompagnant cette destruction mutuelle.
Une nouvelle version d'un huis clos épique à lire absolument.
"Si je ne reviens pas, Lambert, ce que j'espère, tout ici est à vous, tout ici est au peuple... Au peuple ou à moi, monsieur ?"
"J'espère bien qu'on nous surveille, Lambert. Les hommes libres doivent être menacés sans cesse. Je n'ai guère envie d'être libre dans ces conditions".
"Ces barons, ils ont en eux des restes de leurs ancêtres, ils se croient des droits sur le petit monde. Tu peux me parler de la Révolution et de la république, moi je dis que le vieux sang est encore là pour épuiser la moelle des pauvres gens."
Fiche #117
Thème(s) : Littérature française