« Quoi d’autres, sinon des cicatrices, pouvait rendre la mesure d’un homme et de ce que son âme avait enduré ? A quelle autre aune que la souffrance pouvait-on juger une vie ? »
Alex Taylor
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
Le narrateur croit s’être construit une carapace indestructible, une vie bien réglée, protégée (« Oui, il y a chez moi cette forme de régularité, ou plutôt d’exactitude, qui est la réalité de mon existence. Là est ma force. Là est ma vie. »). Jusqu’au jour où, dans une file d’un supermarché, un ado le traite de « pauvre type ». Jamais il n’avait entendu cette sentence, jamais il ne l’avait pensée ou supposée. Ces deux mots le transpercent, sa protection se fissure, et l’homme décide de s’enregistrer, de se raconter, de présenter son « petit panthéon privé ». Il est cultivé, a beaucoup lu, hanté par les mots, il sait trouver la citation adéquate et définitive à toute situation, ce qui lui a permis jusque là de mépriser allègrement son prochain, de s’estimer supérieur au cœur de ce petit monde clos qu’il s’est construit. Ces deux mots et le calme avec lequel ils ont été énoncés lui ouvrent une nouvelle humanité, sorte de rédemption qui semble être salvatrice et la prose raffinée et recherchée de Michel Layaz accompagne parfaitement cette redescente sur terre d’un grand présomptueux en espérant qu’il ne représente pas l’un des archétypes de nos sociétés modernes !
Ecouter la lecture de la première page de "Le tapis de course"Fiche #1326
Thème(s) : Littérature française
Le narrateur est un garçon de quinze ans qui en plus de l’école travaille dans une boucherie. Son univers tourne autour de quelques personnes : ses parents bien que son père atteint d’une maladie incurable est en train de mourir ce qui mobilise totalement sa mère, Walter, un collègue boucher maître en sagesse, et sa mère artiste Giuletta, Raton, le roi de la mécanique qui mélange ses mots, et Charlotte son initiatrice. Elle lui enseigne l'amour, l'initie à d'étranges rituels animaliers dans la forêt. L’enfant est attendrissant et nous est immédiatement sympathique par sa fraicheur, son innocence, son attention aux autres, son écoute. La seconde partie du texte nous apprend que ce retour sur une adolescence bien réelle est raconté par le même garçon devenu très âgé (88 ans), alors que la mort rode. Il vit un dernier amour en la personne de Lucie, une infirmière en qui il retrouve passagèrement Charlotte. Cette infirmière attentionnée a découvert un procédé original et si humain pour que ses pensionnaires préférés puissent choisir eux-mêmes et en toute quiétude l'instant de leur mort quand le désir de vivre devient trop faible. Ce texte poétique aborde la vie dans son ensemble et sa complexité : vie, mort, amour, désir, amitié… Aucun mot de trop, aucun mot ne manque, superbe !
"Walter me parle de l’état d’innocence, quand les hommes pouvaient se passer des animaux : de leur peau, de leur viande, de leur force. Il ajoute que personne alors n’avait besoin d’un animal de compagnie. Rien n’aurait pu le justifier."
"Alors que le dernier moment approche – que ce dernier moment je le ferai venir un peu plus vite -, je suis prêt à tout recommencer, prêt à aimer Charlotte comme je l’ai aimée. Je suis prêt à recevoir à nouveau ce qu’elle m’a donné, comme au premier jour, comme à la première heure. C’est peut-être pour cela que je parle dans le petit enregistreur bleu, pour juxtaposer les espaces-temps, les serrer les uns sur les autres, les rétrécir jusqu’à ce qu’ils se confondent, que l’espace de maintenant et le temps d’avant se mêlent au temps de maintenant et à l’espace d’avant."
Fiche #157
Thème(s) : Littérature française