« Voilà pourquoi nous sommes si dépendants de la dame au pelvis. Un poulain marche dès la naissance, un babouin sait s’arrimer au dos de sa génitrice : très vite les bêtes oublient leurs mères. Il n’y a que nous qui nous y accrochons tels des vampires. Les bébés sont des monstres prématurés dans lesquels rien ne fonctionne, des ni-faits-ni-à-faire, dont la totale absence de défense vis-à-vis de l’extérieur est effrayante. Un bébé n’a rien d’admirable, un bébé est une erreur que l’on veut bien corriger. »
François Beaune
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Sans mer, point de varech : la mer est donc au centre du premier roman de Sophie Tessier. La mer transforme, façonne les femmes, les hommes, rien ne l’arrête, rien ne l’arrêtera. Et sur cette île désertée par les hommes, ceux qui sont restés sans crainte le savent. Demeurent en effet Anselme, un vieux sage maître latiniste accompagné d'un livre, Le Chantôme, un ancien marin pêcheur sans bateau, Gaspard, un jeune ado, et enfin un chat (et un âne). La mer est omniprésente, partout, autour, elle les ceint, les appelle, elle est prête à franchir les jetées, les murs, les portes, prête à inonder, à avaler, à faire disparaître. Eux attendent, sans peur, tranquillement. Gaspard et le chat passent d’un homme à l’autre. Leurs relations, leurs liens seront bousculés par deux personnages : Maria et l’amour. Maria disparue de longue date leur a été rendue par la mer, étrangement intacte (seul un indice dévoile qu’elle est certainement de retour d’un autre monde), toujours éblouissante, ce qui bouleverse son ancien amoureux et son ami. Dans un style éblouissant, Sophie Tessier enveloppe avec précaution la main du lecteur sur les chemins de cette île, sur les chemins du temps, sur les chemins d’un conte, chemins merveilleux, étranges, lumineux, une plume de fantastique au cœur d’un mystère qui s’éclaircit vague après vague, marée après marée.
Premier roman
Fiche #3110
Thème(s) : Littérature française
Hekla jeune linguiste prend pied dans une région du grand Nord : « Quelle idée vous hante, Hekla ? », qu’est-elle venue chercher ? Elle intrigue et Sveinn un pêcheur solitaire l’accueille et la guide dans sa quête. Premier indice : une plume merveilleuse laissée par un oiseau inconnu. Second indice : le volcan ou plutôt le feu qui l’accompagne. Sveinn sera son guide, attentif et compréhensif, sur les chemins du froid, du feu, de la vie, de la mort. Il se sait passeur, personne ne fera dévier Hekla, sa quête est absolue. « Tu as le don du mot qui s’encastre parfaitement » mais s’adresse-t-il à Hekla ou à Sophie Tessier tant ses mots sont renversants, inattendus, ses choix soignés, précis et élaborés. Elle sait intriguer comme aimanter et laisse le lecteur dans une douce atmosphère ouatée qui perdure bien longtemps après que la flamme ne s’éteigne. Un texte exigeant, brillant et bouleversant servi par un style exceptionnel.
« Le feu séduit, le feu brûle, le feu dévore, il n’aime pas. »
« Le feu est sans conteste un grand bâtisseur. »
« Nus nous entrons, nus nous sortons. Entre temps que de déguisement à soi-même... »
« J’ai du mal avec le tutoiement. Le mot lui-même est louche, sa résonance, malsaine... tu ne trouves pas ? C’est comme si, à la familiarité qu’il autorise tout à coup, se mêlait à peine masquée une incitation non seulement à mentir, mais à mourir... qui sont deux moyens de garder le silence, du reste. »
Fiche #3050
Thème(s) : Littérature française