« Pas une autobiographie. Une fiction. Car les gens ne croient plus en la vérité, mais seulement en la fiction, en l’invention d’un malheur qu’ils disent exagéré, faux, alors qu’il est le leur, le nôtre. »
Kaoutar Harchi
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Agu, fils d’un instituteur, a une vie paisible illuminée par l’amour de ses parents et ses rêves, rêves d’avenir brillant. Pourtant la guerre arrive brutalement dans son village et réduit à néant sa vie en un instant. Son récit est celui d’un enfant-soldat africain tel que l’on nous les décrit habituellement, mais la vision est ici celle de l’intérieur, sans filtre, brute, terrifiante. Agu a choisi la parole comme thérapie et nous expose son terrible parcours car il préfère ce cheminement à la mort : « … en même temps j’a commencé à avoir peur à cause que la seule façon de ne plus jamais combattre c’est finalement mourir. Or moi je ne veux pas mourir. ». Du premier jour où le commandant l’enrôle et lui apprend à tuer jusqu’au dernier jour de cette mortuaire épopée. Tuer, toujours et encore. Brûler, détruire sans poser de question. Obéir. Lever le camps, tuer, lever le camps. Et pourtant, dans cette barbarie, tenter de conserver quelques rêves enfantins et ne pas oublier son enfance. Se taire, tout supporter. S’épauler et se protéger avec son ami Strika qui ne parle plus depuis l’assassinat de ses parents. Le commandant a tous les droits sur ces (ou ses ?) enfants, droit de mort, droit de vie, droit de cuissage… Les petits soldats restent amorphes devant ce misérable kapo et lui obéissent aveuglement jusqu’à l’épuisement, la mort. Une plongée en enfer, un roman terrible sur la folie extrême des hommes et les conséquences indélébiles de ces guerres insensées. A noter l’impressionnant travail de traduction d’Alain Mabanckou qui réussit à traduire parfaitement dans le vocabulaire, la forme des mots et le ton, la tragédie de la situation et le désespoir assourdissant d’Agu.
« J’ouvre les yeux, on est toujours dans la guerre, et je pense dans moi-même que si la guerre est là elle n’avait pas foiré ce pays, eh bien j’aurais déjà été un homme en vrai moi aussi maintenant. »
« Je suis un peu content au moment quand il me donne des faveurs car je sais aussi que s’il veut il peut faire n’importe quoi avec moi sans rien me donner à la fin. »
« Et là je regarde alors le Commandant, je regarde alors Strika, je me dis dans moi-même que ces deux-là ils sont si tranquilles si beaux on dirait avant la guerre, on dirait aussi après la guerre, mais pas vraiment on dirait maintenant. Maintenant on ressemble tous aux animaux. »
Premier roman
Fiche #441
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Alain Mabanckou