« Il arrive un moment où, dans une carrière, on n’est plus jugé sur la manière dont on s’acquitte de ses fonctions, mais sur celle dont on les habite. »
Jérôme Aumont
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Odile et Paul Blanc tiennent un café à la Roche-Guyon sur les bords de Seine dans les années 50. Ils ont trois enfants et la vie coule jour après jour. Les clients du café sont devenus des proches voire des amis, Paul les connaît tous, les aide souvent, les fait danser avec son Hohner. Puis la famille s’effondre, Paul tombe malade, la tuberculose, bientôt imité par son épouse. Or, ils n’ont pas de sécurité sociale et doivent partir en sanatorium alors que tous leur ont tourné le dos, plus d’amis, la tuberculose et la contagion font peur. Les enfants, Mathilde et Jean, sont placés en famille d’accueil et les assistantes sociales rentrent dans la ronde… Mathilde, la cadette, prend en charge la famille, tous et tout, les rôles s’inversant. Elle rencontrera beaucoup d’égoïsme, d’abjection, mais aussi quelques autres qui seront l’épauler et lui réserver quelques brefs instants lumineux. Le roman dresse un portrait émouvant et attachant d’une gamine courageuse qui affronte la vie avec une volonté sans faille (elle acquerra son émancipation) mais aussi nous distille avec justesse et à bon escient des rappels historiques : la tuberculose torturait âprement les corps, la sécurité sociale n’a pas toujours existé, la misère existait aussi pendant les fameuses Trente Glorieuses, la guerre d’Algérie se déroulait aussi en métropole et enfin, les familles d’accueil n’étaient pas toujours bienveillantes...
Ecouter la lecture de la première page de "Un paquebot dans les arbres"Fiche #1846
Thème(s) : Littérature française
Juliette Pommerol a peur de quitter ses parents et sa douzaine de doudous, elle l’a déjà montré en CM2 lors du départ en classe de neige… Et cette année, en sixième, certains et certaines, dont la cruelle Flavie, ne l’ont pas oublié, les moqueries fusent ! Alors, quand Flavie lui annonce son départ vers l’Angleterre, Juliette choisit une nouvelle fois le mensonge, et affirme qu’elle aussi franchira la Manche pour un séjour d’une quinzaine de jours. Alors tout s’emballe, la voilà contrainte de partir avec ses craintes et ses peurs, bien loin de ses parents. Elle divise néanmoins le nombre de doudous par deux et l’aventure commence ! Et les Littlestone vont lui ouvrir un nouveau monde et l’aider à grandir : visite de Londres, camping en Ecosse et même la rencontre d’un adorable petit rouquin ! Trop fort ces Angliches !
Ecouter la lecture de la première page de "Juliette Pommerol chez les Angliches"Fiche #1780
Thème(s) : Jeunesse
Longtemps après. Longtemps après, Suzanne Langlois parcourt les établissements scolaires pour raconter, témoigner. La question presque anodine d’une jeune élève la bouscule. Mi-avril 1944, elle partit pour Ravensbrück dont elle ignorait tout, comme cette jeune fille aujourd’hui. Kinderzimmer témoigne du départ de Mila, ni emblème de la résistance ni prisonnière politique, avec d’autres femmes depuis Romainville. Elles savent qu’elles ne seront pas fusillées comme les hommes mais déportées vers Ravensbrück. Mila ignorait également qu’elle ne partait pas seule, elle était enceinte. Rencontre d’un soir avec un résistant blessé, elle qui codait des messages au cœur de partitions. Quatre cents femmes débarquent au milieu des hurlements des Allemands et des chiens dans ce camp où plus de quarante mille femmes vivent. Le camp a sa propre langue et Mila doit vite apprendre. Rapidement, la vie du camp vient à elle, mais c’est une autre vie, « Une guerre dans la guerre », d’autres gestes, d’autres regards : « Le camp est une régression vers le rien, le néant, tout est à réapprendre, tout est à oublier ». Le camp n’est pas hors du temps et de l’espace, le camp est dans le monde, dans la vie malgré l’omniprésence de la mort et la puissante horreur du quotidien. Les corps, leurs formes, leurs états, sont révélateurs, chacune voit son propre corps dans le corps de l’autre, de sa voisine, de la prochaine morte, de la prochaine condamnée… Chaque geste est primordial, une lutte pour la vie, pour continuer d’y croire (« … ne pas mourir avant la mort. »), sans nécessairement en prendre conscience : « N’empêche, rien ne change, vous êtes debout. ». Comme partout, l’entraide et la solidarité demeurent salvatrices, une petite attention (« De vraies humaines vivent encore ici. »), et la vie repart, mais jusqu’à quand ? Mila saisira que son cas n’est pas isolé et qu’au sein du camp, une Kinderzimmer accueille les enfants nés à Ravensbrück, la vie et la mort côte à côte. Mila découvre son corps et s’interroge sur cette naissance. Elle et ses amies s’accrochent à ce petit bout de chair qui a déjà tant lutté dans le ventre de Mila et qui continue aussitôt l’accouchement de lutter pour sa vie. Mila et les autres mères se soutiennent, combattent pour ne pas perdre, ne pas abandonner, jamais. Mais la guerre fut longue, très longue. Un livre éprouvant, grave et émouvant, qui en maîtrisant parfaitement le lien entre fiction et histoire, grave dans le marbre « l’instant présent » vécu par des personnages simples qui ont aussi écrit l’Histoire.
« Qu’on ne dise pas à Mila que rien ne vaut la vie. »
« Tous les jours tu fais ton choix : tu continues ou tu arrêtes. Tu vis, tu meurs. »
« La vie est une croyance. »
Fiche #1342
Thème(s) : Littérature française
Une journée au milieu du XXème siècle à la frontière entre la vie et la mort de Marie G. faiseuse d’ange et condamnée à mort, de Lucie L. qui vient d’avorter et de Henri D. exécuteur de l’état. Ces trois personnages sont tous liés à la mort et chaque chapitre présente sans rien d’autre que ce lien leur lutte pour la vie. Lucie vit une relation fusionnelle avec sa mère dans une famille où les filles et les femmes sont marquées par la mort. Elle raconte son enfance marquée par sa mère puis la douleur de l’avortement, elle avortera deux fois avant de prendre sa liberté pour partir à la recherche de l’homme dont elle rêve. Marie qui a épousé un militaire par lassitude devient faiseuse d’ange par hasard mais continue pour gagner de l’argent. Elle doit être guillotinée le lendemain. Elle a cinq enfants dont trois sont morts et a réalisé 26 avortements. Le gardien acceptant d’éteindre la lampe de sa cellule qui devait rester allumée, elle s’endort en rêvant à ses enfants. Henri sera l’exécuteur de Marie. Il fut mécanicien et parcourut le monde. A la mort de sa mère, il choisit le silence et suit sa famille à Paris où il rencontre Georgette fille d’un aide-exécuteur. Sa famille lui propose de rejoindre leur métier. Il délivre les dernières réactions des guillotinés ainsi que ses sentiments et sa préparation méthodique l’empêchant de craquer et lui permettant de supporter son terrifiant métier. Un récit éclairé par une très belle écriture avec une alternance entre les passages décrivant la vie des trois protagonistes et leurs liens étroits avec la mort omniprésente, lourde et pesante.
Fiche #449
Thème(s) : Littérature française