« Où vont les larmes des hommes qui ne pleurent pas ? »
Hafid Aggoune

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Franck Bouysse

Franck BOUYSSE

L'homme peuplé
Albin Michel

2 | 320 pages | 11-08-2022 | 21.9€

Harry a remporté un succès immense avec L’Aube noire, son premier roman, coup d’essai, coup de maître ce qui a renforcé de l’admiration de son père (et de sa mère) pour qui la littérature prend une grande place. Mais depuis, l’inspiration est en panne, or Harry est exigeant et ne veut pas publier n’importe quoi. Harry décide alors de s’isoler, de se mettre dans une bulle, à l’écart. Il achète sans l’avoir vue une maison dans le centre de la France à l'écart d'un village isolé où tout est sec, aride, froid : le climat comme les habitants. Seule la nature reste sauvage et superbe. Un lieu fait de secrets, de malédictions, où tous se connaissent et s'observent depuis des années, où la nuit, il est encore possible de croiser des créatures fantastiques ou démoniaques, où la sorcellerie suscite encore toutes les craintes et les attirances, où « La méfiance semble de mise, à moins que ce ne soit une posture pour tenir à distance l’étranger, l’intrus. » et Harry va l’éprouver dès les premières heures de son arrivée. Le récit mène de front l’installation de Harry, sa découverte de ce nouvel environnement, de quelques habitants qui se laisseront approcher, du visiteur mystérieux, du chien errant qui l’adoptera et le quotidien de son voisin Caleb qui restera longtemps mystérieux pour lui, un sourcier, un soigneur des animaux aux pouvoirs magiques craint du village et se complaisant dans sa solitude, les hommes n’ont que peu d’intérêt pour lui et les femmes suscitent sa crainte. Evidemment cette nouvelle vie sera certainement propice à l’écriture, Franck Bouysse nous offre en effet un roman dans le roman, une construction singulière, un style superbe, des surprises jusqu’à l’ultime page, une ambiance, des personnages, une aventure humaine et littéraire sans préciosité mais avec maîtrise. Puissant et addictif, comme d’habitude avec Franck Bouysse.

« Les esprits voyagent après la mort, plus libres que les corps. »

« La sauvagerie est un mot inventé par les hommes. »

« ... la haine n’est pas une arme létale, mais du sel incrusté sous la peau. »

« ... réfléchir à la vie, aux femmes, à la littérature, trois féminins à accorder. »

« ... les phrases bien calées contiennent uniquement du sens, et que les plus bancales recèlent parfois une magie à découvrir. »

« Un simple soldat sorti du rang n’a jamais donné d’ordre à un général, sinon ça se saurait. »

« ... le beau vous arrive sans l’on attende, sous une forme non imaginée, à la manière d’une coulée de lumière dans laquelle on est pris... »

« ... un chien ne dort jamais complètement quand il a quelqu’un sur qui veiller. »

« Une fois assouvie la dérisoire ambition du nid et de l’œuf, que reste-t-il des ambitions de chacun ? »

« Il n’existe nulle part d’œuvre profonde sans l’ombre de la mort. »

« ... ce que donne une femme est bien supérieur à ce qu’elle reçoit, qu’un homme est toujours en dette avec elle, qu’il ne parvient même jamais à rembourser une telle dette. »

« Parce que les femmes, en vérité, ça ne veut rien dire pour un homme. Avant qu’il ne rencontre celle qui supprime le pluriel. »

« On finit tous par fuir quelque chose. »

Ecouter la lecture de la première page de "L'homme peuplé"

Fiche #2902
Thème(s) : Littérature française


Franck BOUYSSE

Né d'aucune femme
La Manufacture de Livres

1 | 333 pages | 17-05-2020 | 20.9€

en stock

Rose est l’aînée de trois sœurs. Fin XIXème, elles partagent avec leur mère et leur père, un quotidien ardu, pauvre. Vie si compliquée, que le père décide de vendre Rose, de la confier à un homme riche qui la prendra à ses services. Il le fait la mort dans l’âme et en cachette de son épouse et de ses filles. Rose s’installe dans sa nouvelle vie, une belle, riche et grande demeure, un homme, maître des forges, et sa mère l’accueillant froidement. Des tâches précises, des ordres directs, jamais aucun compliment, toujours des reproches et des critiques. L’épouse vit recluse dans sa chambre, personne ne la voit, seul un médecin passe périodiquement la soigner. Une ambiance lourde et étrange. Seul Edmond, sorte d’homme à tout faire, semble différent et d’ailleurs la met en garde rapidement contre ses maîtres. Que lui veulent-ils exactement ? Pourquoi l’ont-ils achetée, mais à cet époque, chacun sait qu’un homme, une femme peuvent appartenir à un autre homme. Totalement. Définitivement. Sans condition, « … chacun doit rester à sa place, l’huile surnage toujours au-dessus de l’eau, ainsi va le monde, tu comprends. » Et Rose va l’éprouver. Dans sa chair. Dans son âme. Puissant, âpre, sombre et lumineux à la fois, profond, émouvant et addictif avec une construction habile et maîtrisée, une écriture et un style magnétiques, une lecture obligatoire pour tous les amoureux de la littérature.

« Les mots … ils sont des habits de tous les jours, qui s’endimanchent parfois, afin de masquer la géographie profonde et intime des peaux ; les mots, une invention des hommes pour mesurer le monde. »

« Parce qu’être lâche, c’est pas forcément reculer, ça peut simplement consister à faire un pas de côté pour plus rien voir de ce qui dérange. »

« C’est tout le problème des bonnes gens, ils savent pas quoi faire du malheur des autres. S’ils pouvaient en prendre un bout en douce, ils le feraient, mas ça fonctionne pas comme ça, personne peut attraper le malheur de quelqu’un, même pas un bout… »

« Nous n’avons rien à espérer du passé. Ce sont les hommes seuls qui ont eu l’audace d’inventer le temps, d’en faire des cloisons pour leur vie. Pas un seul ne peut vivre assez longtemps pour se croire exister, pas un seul n’est en mesure de saisir la vie quand elle le traverse… »

Ecouter la lecture de la première page de "Né d'aucune femme"

Fiche #2541
Thème(s) : Littérature française