« Car au regard de la vie, nous sommes une maladie. La jauge du vivant nous dit que l'homme est un agent psychopathogène dont la nature aura raison. »
Sébastien Raizer
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Quatre femmes gravitent autour du personnage principal, la ville de Rome, du dernier roman de Louis-Philippe Dalembert. Rome, le Tibre, son histoire, son architecture et ses constructions, ses monuments et ses quartiers, rive droite pour les plus huppés et rive gauche pour les autres. La contessa, archétype de la vieille bourgeoisie catholique, règne sur sa famille rive droite mais son autorité et ses capacités financières se fissurent. Sa fille Elena refuse les beaux partis qu’on lui propose et lorgne plutôt vers la rive gauche où règne sa tante zia Rachele, pilier de la mémoire familiale. Laura, la fille d’Elena, regarde avec bienveillance les petites révoltes et grandes résignations de ses aînées. L’élégance, la bienveillance et même le sourire de Dalembert au service de Rome et d’une lignée de femmes.
Ecouter la lecture de la première page de "Une histoire romaine"Fiche #3048
Thème(s) : Littérature étrangère
Le gérant pakistanais d’une supérette de Milwaukee dans le Wisconsin ne se remet pas d’avoir composé le 911 pour signaler le billet vert suspect d’un client. Une fois indiqué à son interlocutrice que l’homme était noir, ses collègues arrivent en quelques minutes, plaquent l’homme au sol, qui alerte et crie « Je ne peux plus respirer ». La suite est connue, hélas, encore un... Emmett est mort. Le gérant ne saura pas si le billet était faux mais tous se souviendront de la fin de Emmett, un homme ordinaire, parti acheté un paquet de cigarettes, mort sous le genou puissant d’un policier blanc. Louis-Philippe Dalembert convoque depuis sa naissance jusqu’à sa mort les personnes qui ont croisé sa route, les figures inoubliables de sa mère et de son amie ex-gardienne de prison devenue pasteure, institutrices, coach sportif, amis et petites amies, fiancée, policier... Chacun apporte son sentiment, son émotion, son avis, sa pièce au puzzle dressant le portrait d’un enfant puis d’un homme attachant que la vie n’a pas épargné jusqu’au drame ultime. Suit la description des réactions et des évènements suivant le meurtre de Emmett. Ce roman bouleversant et criant de réalisme s’inscrit naturellement et douloureusement dans la série à ce jour hélas toujours en cours des meurtres par la police de noirs américains dans la plus grande démocratie parait-il et on ne peut qu’espérer qu’il s’agisse de l’une des ultimes pierres avant la fin de ces meurtres abjects.
« Abonnés à une vie de déconvenues, ils avaient l’habitude de chasser une chimère par une autre pour tenir jusqu’au bout de la vie. Cela s’appelait le rêve américain. »
« La justice des dominants, c’est la raison du plus fort. Mieux vaut ne pas avoir affaire à elle. »
Fiche #2724
Thème(s) : Littérature étrangère
Elles sont parties pour des raisons différentes, elles sont de pays différents, de conditions différentes, de religions différentes et néanmoins, elles se retrouvent toutes les trois unies avec le même espoir, la même envie, le même rêve sur un vieux chalutier en direction de l’Europe, un long voyage d’environ neuf mois pour débarquer en Italie, quitter l’enfer et le traverser pour pouvoir accéder à la paix. La première étape nait dans la décision de partir, de l’exil : un choix douloureux mais réfléchi. Et puis c’est l’immersion dans un autre monde, violent, avide, un monde de trafic où leur humanité niée disparaît. Chochana la Nigérianne et Semhar l’Erythréenne se croiseront puis prendront le même chemin en s’aidant, se soutenant. Elles seront dans la cale du chalutier alors que Dima la bourgeoise syrienne voyage sur le pont pensant pouvoir les ignorer. Même sur le bateau, racisme, domination et violence ne se sont pas éteints. Louis-Philippe Dalembert avec sa si belle écriture décrypte chaque étape du départ à l’arrivée en Europe, il place le lecteur aux côtés de ces trois femmes accompagnées chacune par leur Dieu, le questionne, lui fait vivre cet exil, partager les doutes et les peurs, l’interroge sur ses propres capacités à supporter l’innommable (à quoi sommes-nous prêts lorsque notre survie sera en jeu ?) et montre que face à la violence absolue toutes sortes de réactions sont possibles. Une émouvante et captivante tragédie romanesque à la hauteur de celle qui continue de hanter nos côtes méditerranéennes.
Ecouter la lecture de la première page de "Mur méditerranée"Fiche #2413
Thème(s) : Littérature étrangère
Avant que les ombres s'effacent
Sabine Wespieser
2 | 295 pages | 16-04-2017 | 21€
Après le séisme de 2010 de Haïti, le moment est venu pour Ruben Schwarzberg, à plus de 90 ans, de dresser le bilan de sa vie. Sa petite cousine vient d’arriver d’Israël pour aider après cette catastrophe. Il va lui conter sa vie, ses fuites multiples, ses passages en Pologne, en Allemagne, en France, avant de trouver à Haïti un apaisement et une sérénité, sa Terre Promise. Il fit de brillantes études de médecine à Berlin mais connaîtra aussi le camp de Buchenwald. Il prendra le bateau à destination de Cuba qui sera refoulé mais fera partie ensuite de ceux qui seront sauvés par un petit pays, fier et visionnaire (comme il l’avait déjà été à propos de l’esclavage), qui dès 1939, promulguera un décret autorisant les consulats à aider les Juifs qui voudraient rejoindre Haïti. Le vieil homme raconte alors avec calme, reconnaissance et tendresse sa trajectoire, préférant se souvenir en premier lieu de l’humanité de ceux qui les ont aidés et accueillis. Un joli portrait d’un homme contraint à l’exode, une intégration réussie, un hommage vibrant à Haïti terre d’accueil, un rappel historique nécessaire, une écriture toujours aussi poétique et un ton non dénué d’humour, tous les ingrédients sont là pour que l’on dévore goulûment ces ombres !
« Et les Parisiens, c’est connu, sont peu patients avec ceux qui mastiquent mal leur langue, une manière habile, au fond, pour cacher leurs lacunes dans celles des autres. »
« Le passé d’un individu, c’est comme son ombre, on la porte toujours avec soi. Parfois il disparaît. Parfois il revient… Il faut apprendre à vivre avec, à s’en servir au mieux pour avancer. »
« L’être humain s’habitue hélas à tout. »
« Aucun rêve n’est fou, si on se donne les moyens de le réaliser. »
Fiche #1943
Thème(s) : Littérature étrangère
Dans un modeste village des Abruzzes, Azaka ne passe pas inaperçu. En effet, l’homme est arrivé d’Haïti. Âgé d’une dizaine d’années, il est resté coincé longtemps sous les décombres lors du tremblement de terre qui a terriblement éprouvé le pays. Sauvé par un volontaire italien, il y laissera ses rêves mais aussi son père et son frère. Il prendra donc plus tard le chemin de l’exil, douleur des exilés déchirés par l’abandon des leurs et de leur pays et torturés par leur histoire. Entre curiosité et rejet, il s’installe et rencontre l’Italie, les Italiens et leurs traditions, le pouvoir et l’influence des Mammas mais aussi l’humour permanent qui permet à tous d’accepter le quotidien. Il croit même en son intégration alors que très amoureux et attentionné pour son épouse Mariagrazia (qui a su passer outre les pressions familiales), ils attendent un heureux évènement, une fille espère-t-il. Pourtant, comme une malédiction ou un bégaiement de l’histoire, l’Italie subit à son tour un terrible tremblement de terre, et dans ces moments, au cœur des drames, les tensions sont exacerbées… Le récit de Louis-Philippe Dalembert aborde moult thèmes souvent graves mais toujours avec humour (l’exil et le déplacement, les rencontres inattendues, le poids des traditions, la vie au cœur des catastrophes naturelles, le racisme, la religion…) et confirme que la vie demeure la plus forte malgré les évènements qui viennent l’écorcher.
« Le malheur sait aussi bien diviser que rapprocher les humains. Il suffit d’un rien, d’un geste, d’un mot, du silence même, pour que l’on bascule d’un côté ou de l’autre. Dans l’horreur ou la générosité. »
Fiche #1347
Thème(s) : Littérature étrangère