« Moi, la création, je la mets à un niveau organique, j’écris comme je pisse. Et je pisse rarement dans la cuvette, j’éclabousse le sol, je me salis le pantalon et les doigts. Ouais, c’est ça l’écriture pour moi, un machin supposé rendre l’imperfection du monde en lui conférant une touche de beauté. »
Olivier Jacquemond
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Nous avons développé une belle capacité à l’oubli, alors l’écrit parfois nous sauve, sauve de l’oubli une vie, des vies, des petits gestes, des émotions, des rencontres, des instants graves ou légers, fugaces ou permanents. Et la narratrice a décidé de sauver une famille, la mère, le père et leur trois filles. Connivence évidente entre le père et ses filles notamment grâce à la musique, la mère restant légèrement sur le côté. La famille se suffit à elle-même et vit presque en vase clos : « Nous étions le monde et mon regard demeurait myope au reste de l’univers. ». Une déclaration d’amour ratée (« On se méprend quand on juge mineures les passions de jeunesse, ces incendies précoces. ») et le temps qui passe comme fils conducteurs, et Agnès Desarthe nous entraîne avec son humour et sa capacité à trouver le mot juste dans cette symphonie de la vie, sur les traces d'une famille à ne pas oublier !
Ecouter la lecture de la première page de "L'éternel fiancé"Fiche #2747
Thème(s) : Littérature française
Hector, Sylvie et Lester forment une famille heureuse (« Nous avons été heureux, se dit Sylvie. Nous le serons encore. »), avec ses règles, ses habitudes, ses rites, le couple est légèrement déséquilibré mais Sylvie, « légèrement opaque et parfaitement immobile », s’en accommode. Hector est professeur, philosophe alors qu’elle tente de se convaincre qu’elle n’est rien : « Elle conservait l’impression de ne pas le connaître. De ne pas se connaître elle-même. Elle enviait les personnes qui avaient l’air finies, terminées, déterminées. Elles savent ce qu’elles aiment, ce qui est bon pour elles. Pas Sylvie... Elle mourrait sans se connaître elle-même. » Ils s’envolent vers les Etats-Unis, « prélevés hors de notre vie », suite à une nomination d’Hector dans une université de Caroline du nord. Changement radical d’environnement, beaucoup est à refaire, à reconstruire. Hector, le frenchy, devient le héros de l’université et de ses femmes, comme Lester qui mène un groupe d’enfants vers une autre vie, une autre espérance. Pour Sylvie, c’est un peu plus compliqué, « C’est comme si, par la magie du déplacement, elle se retrouvait non plus face au futur, mais braquée vers l’enfance, sa jeunesse qu’elle n’avait jamais pris le temps de ressasser. » Elle est assaillie par nombre de souvenirs et d’interrogations, elle doit retrouver sa place et part s’occuper dans un atelier de poterie, faute de mieux. Ici, ils restent les français, représentants d’un mode de vie et de pensée et les évènements tels le Bataclan continuent de les atteindre au plus profond d’eux-mêmes voire de remettre en cause certaines de leurs convictions et croyances. L’Amérique, elle, s’apprête à élire un nouveau président, très « atypique » et inattendu. Agnès Desarthe est un auteur très dangereux ! Trois personnages, trois pensées, et comme pour chacun de ses romans, elle installe immédiatement une proximité avec le lecteur happé par leurs destins, qui observe leurs sentiments intimes, suit leur introspection et questionnement sur le sens de la vie. « La chance de leur vie » est également un texte sur le temps qui passe, le couple et l’amour à l’épreuve du temps. Du grand art, et l’écriture y est naturellement pour beaucoup.
« Commencer par penser que l’on n’est pas capable, c’est le préalable à tout ce qui suit. »
« Du matin au soir, presque tous les jours, des catastrophes, des crimes. Ca me donne l’impression d’être criblée, en morceaux. On écope, on écope. Mais la plupart du temps, on reste assis à côté de la radio, devant l’ordinateur, complètement cons. »
« C’est la génération des initiés, se dit-elle, sans réfléchir. Ils ont tout vu, tout appris, ils savent avant d’avoir vécu, ont voyagé avant d’être partis. Pas d’ailleurs pour eux, pas de plus tard. Ils sont nés avec une boule de cristal entre les mains. Ils ne rêvent pas de l’Amérique, ils la reçoivent sur leurs écrans. Ils ne rêvent pas de sexe, il est partout proposé. Ils ne rêvent pas de liberté, ils la possèdent. Qu’espèrent-ils alors ? Où iront-ils ? Que réclameront-ils ? »
« La revanche en amour n’existe pas. »
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Fiche #2200
Thème(s) : Littérature française
« Ce cœur changeant » traverse l'histoire de l'Europe de 1889 à 1931 à travers l'intimité de Rose, fille d'un couple atypique, René officier français et Kristina une Danoise exubérante, d'une beauté étonnante et d'une liberté totale. Rose grandit sans l'attention de ses parents, seule sa nounou, choisie par sa mère, s'en occupa. La solitude accompagna finalement Rose tout au long de son existence. Vers 17 ans, elle arrive à Paris et les rencontres se multiplieront, une vie souvent proche des bas-fonds et éprouvante et oscillant entre les extrêmes, paillette et déchéance. Mais elle continue, toujours, s'accroche, toujours, force de vie stupéfiante, malgré le passé et l'avenir (« C'est ainsi qu'elle avait toujours voyagé, songeait-elle, sans regarder vers l'avenir que se précipitait vers vous comme une bête sauvage, mais plutôt tournée calmement vers le passé dont on parvenait à retenir certaines bribes tandis qu'il défilait à l'envers, jusqu'au néant. »), autant dans sa vie personnelle et intime que face aux graves événements de l'époque. Évidemment le destin de cette femme singulière et son caractère sont attirants et intéressants par eux-mêmes mais ils doivent aussi beaucoup à l'écriture et au style foisonnant, chaud et précis d'Agnès Desarthe.
Ecouter la lecture de la première page de "Ce coeur changeant"Fiche #1671
Thème(s) : Littérature française
Tristan est jeune, le plus jeune des quatre chasseurs qui avancent avec fusils et chiens dans l’aube vaporeuse. Tristan est différent de ces hommes, il conserve caché dans sa gibecière un lapin qu’il n’a pu tuer (« S’il survivait, tout ce qui avait été raté serait sauvé. »). Les trois autres forment un bloc, un groupe primaire, aux réactions basiques et lourdes, « rires pluriels et gras ». Un accident les surprend et bouscule la hiérarchie, l’organisation, le chasseur change de statut. Tristan se retrouve seul avec l’un d’eux alors que les deux autres partent rechercher de l’aide. L’atmosphère devient lourde quand la nature s’en mêle, une tempête les surprend et le déluge entreprend un nettoyage complet. L’écriture est aussi soignée et précise que les rapports humains sont violents, une fureur habite les personnages et accompagne sous l’œil éclairé du lapin philosophe le passage à l’âge adulte de Tristan.
Ecouter la lecture de la première page de "Une partie de chasse"Fiche #1216
Thème(s) : Littérature française
Agnès Desarthe à travers l’histoire de B.B.B. trouvera aussi son identité alors que B.B.B. n’est pas son grand-père mais l’homme qui a vécu à côté de sa grand-mère : « Peut-être ferais-je mieux de commencer par expliquer que mon grand-père n’est pas mon grand-père. Bouz, Boris, Baruch n’est pas le père de ma mère. Le père de ma mère a été tué à Auschwitz en 1942. B.B.B. –appelons-le ainsi, pour le faire court _ est l’homme avec qui ma grand-mère, la vraie, a refait sa vie… si l’on peut dire ». En racontant ce grand-père, Agnès Desarthe parle d’elle-même mais aussi de son enfance, de son adolescence, de son éveil à la vie, de son imaginaire, de sa relation à la littérature, de ses angoisses...
Fiche #553
Thème(s) : Littérature française
Myriam décide d'ouvrir un restaurant "Chez Moi" pour donner de l'amour mais se heurte rapidement à moult difficultés : le restaurant est très petit et sera aussi son logement, problèmes d'argent et de banquier... Il faut pourtant tout endurer : les courses, la cuisine, les clients rares au début, les factures, les formalités administratives et surtout peut-être le passé qui la hante et l'avenir qu'elle redoute. On apprend progressivement qu'elle a été bannie par sa famille suite à une faute puis qu'elle fut cuisinière pour un cirque dont les membres sont aussi rejetés par la société et qui devront reprendre la route sans pouvoir l'emmener. Elle rencontre pendant ce séjour Ali un fermier atypique respectueux des plantes et des animaux avec "quelque chose de solitaire dans son regard, une flamme ancienne, ternie par l'expression, ou plutôt l'absence d'expression du reste de son visage". Le restaurant se remplit petit à petit de clients qui pour la plupart l'aideront : un fleuriste amoureux, des lycéennes apprenties philosophes, des enfants du quartier et notamment Ben qui prendra une grande part dans la mise en valeur du restaurant et dans la reconstruction de Myriam. La cuisine est prétexte à des descriptions de mets, d'idées de cuisine originales, d'alliances culinaires inattendues. Tout au long du livre, parallèlement à sa nouvelle vie, le passé de Myriam nous est dévoilé : la naissance de son fils, son mari Rainer puis la première rupture avec sa sensation de la perte définitive d'amour pour son fils. Ce manque d'amour maternel la pousuivra jusqu'à en devenir une obsession. Sensation de culpabilité encore accrue après sa faute qu'elle ne comprend même plus. Peut-elle encore espérer le retour des disparus, parents, frère et surtout fils ?
Beau texte enlevé entre rêve et réalité, entre passé et avenir, sur la recherche d'amour, la difficulté d'être, la culpabilité et le besoin d'être aimé.
"A quel genre de fil me suis-je retenue ? On croit toujours qu'il y a un fil, jusqu'au jour où l'on rencontre le vrai bon magicien, le vrai bon acrobate. Parfois, il n'y a pas de truc, parfois, c'est seulement une question d'entraînement. Il faut croire que j'avais un bon entraînement à survivre.".
"Comme se fait-il que l'on a plusieurs vies ? Peut-être ai-je tendance à généraliser... Je ne mourrai qu'une fois et pourtant, au cours du temps qui m'aura été imparti, j'aurai vécu une série d'existences contingües et distinctes". "Mon frère est un voilier, moi, je suis un paquebot, mais dont la quille est trop courte et le gouvernail trop long. Le moindre mouvement de barre m'entraîne à des milliers de milles de la destination prévue. J'ai l'inertie d'un grand navire... Mon existence, bien que lente et peu spectaculaire, a causé d'énormes dégâts. J'ai pourtant aperçu, au loin, le signal angoissé du phare. J'ai reçu son message d'avertissement et je disais, oui, oui, je sais, je vais tout casser ; mais il était trop tard"
Fiche #128
Thème(s) : Littérature française
Julia 13 ans et collégienne nous ouvre les portes de sa famille : une mère superbe mais qu'elle trouve quelque peu excentrique, un père au chomage, une petite soeur Judith remplie d'imagination qui invente un langage. L'amitié entre adolescentes va être décrite par sa relation avec Johanna : la première est excellente à l'école contrairement à la seconde qui compense par sa séduction. Paulus superbe et et adoré de Julia quitte la classe à son grand désespoir. Johanna lui conseille alors de se rapprocher du correspondant anglais pourtant moins sympathique. La vie au jour le jour des jeunes ados, leurs rencontres, leurs sentiments, leur humour...
Il s'agit de la suite de "Je ne t'aime pas Paulus" paru également à l'Ecole des Loisirs.
Fiche #20
Thème(s) : Jeunesse