« Qu’est-ce qu’il y a de plus irresponsable que l’enfance ? »
Jadd Hilal
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Le dialogue, les mots, le langage, les échanges, l’écoute, le partage peuvent-ils nous sauver ? Cécile Ladjali pour envisager une réponse se place au cœur du conflit israélo-palestinien entre passé et présent. Tom dirige un service dans un hôpital psychiatrique, reste hanté par sa naissance au moment où la sœur jumelle de sa mère tombait dans le coma suite à sa passion pour l'apnée ; il entretient des relations compliquées avec sa mère où le silence s’impose souvent. Il suit deux patients qui prennent une place particulière : Hephraïm Steiner, un vieux musicien et Roshan une jeune Palestinienne de 20 ans, habitant Ramallah et enceinte. Deux patients enfermés dans leur silence, dans leur passé mais un trio qui va se rapprocher, qui trouvera les mots pour briser le silence, les haines, les rancoeurs, les préjugés et pour aller mieux… Une rencontre avec des personnages attachants mais enfermés qui vont se libérer par les mots, une vraie fiction, dense et précise, avec un style toujours aussi raffiné étayée par une profonde réflexion incitant au questionnement et à une pointe d’optimisme.
« … les êtres se débrouillaient seuls avec leurs cauchemars, et que personne n’était en mesure de les aider à sortir de la nasse où ils pataugeaient. »
« C’est très difficile, Tom, de pleurer en silence. »
« Seul l’artiste a la capacité de nous modifier en profondeur. »
« Le sacré, c’est ce qui nous permet de vivre ensemble. »
« Les souvenirs sont le ferment de la mémoire qui, elle, est conscience et peut être domptée. Mais face aux souvenirs, nous n’avons aucune prise… Nous les subissons sans parvenir à les transformer en mémoire. »
Fiche #3016
Thème(s) : Littérature française
Bénédict Laudes enseigne la littérature comparée à l’Université de Lausanne et ce n’est certainement pas un hasard. Enfant d’une mère iranienne et d’un pasteur suisse, Bénédict naviguera toujours à la frontière, entre Orient et Occident, entre homme et femme, son identité, Bénédict ou Bénédicte, semble en effet double ? Devenu Maître Laudes aux yeux de ses étudiants Angélique et Nadir, le personnage aspire à la paix et à la réconciliation universelle entre les sexes, entre l’Orient et l’Occident, les croyants, les incroyants, le blanc, le noir, la nuit, le jour... Il se voit messager accompagné et épaulé par la littérature et la poésie pour unir et réunir en prônant la liberté.
« Dans les yeux des autres, elle est diffractée. Si ça ne tenait qu’à elle, elle serait ni-ni ou alors elle serait tout-à-la-fois. Mais elle ne serait pas ou bien-ou bien. L’alternative est un manque, une perte de soi en route. Elle veut rassembler toutes les parties. »
Fiche #2065
Thème(s) : Littérature française
Cécile Ladjali nous emporte pour un douloureux voyage vers le Kazakhstan à la rencontre d’Alexeï et Zena. Alexeï se souvient de leurs enfances, ils sont nés au bord de la mer d’Aral qui continue de s’assécher alors que le jeune garçon devient sourd. La catastrophe écologique est accrue par une usine d’armes dont les rejets ont de lourdes conséquences sur la santé des enfants notamment. La mer disparaît, se tait et Alexeï malgré son handicap se noie dans l’apprentissage du violoncelle, seul instrument qui lui permet de sentir et resentir la musique, puis dans la création musicale. Zena, jeune femme belle et indépendante, étudie l’écologie, et partira chercher son bonheur en Europe. Seul, isolé, Alexeï, dans son pays austère et malmené, se questionne sur ses origines alors qu’il voit ses trois amours, sa femme, la mer et la musique s’éloigner douloureusement. Portrait âpre d’un homme terriblement isolé, coupé d’un monde malade et hostile que seule la composition et la quête de la huitième note sauvent.
« Ouïr, c’est obéir, adhérer à un commandement. Je n’entends pas donc je n’obéis pas. Je fais ce que je veux de moi et des autres. La musique crée le monde et le musicien avec lui. Mon corps sort du ventre de bois, l’instrument m’accouche, me rend à la vie. Avant, dans le silence, j’étais mort. A présent, sur la portée, je vibre et je sens. »
Fiche #1060
Thème(s) : Littérature française
Zak, le narrateur, orphelin depuis que ses parents sont morts sous les bombes de la seconde guerre, reste un inconditionnel du Reich alors qu’il est recueilli par un oncle ancien nazi en Autriche. Amoureux de sa cousine Ilse, poétesse et romancière, il raconte les amours difficiles entre Ilse et Lenz un poète roumain rescapé de l’holocauste. Malgré toutes leurs oppositions, leurs visions différentes de la vie, de l’humanité, Zak restera le confident d’Ilse, témoin « noir » à l’opposé des combats de cette femme sans concession (« La certitude qu’elle avait de ne pas tricher la maintenait en vie ») et de ses idéaux. La passion qui la lie à Lenz est orageuse, elle les rapproche et les éloigne simultanément, autant dans la vie que sur le plan littéraire où des divergences les opposent (« Nous étions affamés de bonheur, quoique parfaitement inaptes à en saisir les occasions. Elles se présentaient à nous pourtant, et beaucoup plus souvent que nos discours chagrins ne le concédaient. Je pense que notre tristesse s’enferrait dans une indécrottable mauvaise foi. »). Pourtant, ils se trouvent, se retrouvent… jusqu’à la folie… Ordalie est un livre pluriel à l’écriture parfaite, exigeante sur l’histoire d’un amour impossible, sur la création comme sur l’art, sur l’Allemagne et son passé mais aussi un hommage aux deux figures de la littérature que sont Paul Celan et Ingeborg Bachmann.
Fiche #633
Thème(s) : Littérature française
Louis Lecoeur est soldat dans les tranchées de 14 et Lorette Ficin apprend la sténo dans les années 50 à Paris. Ils écrivent tous les deux des lettres, Louis à sa famille, à ses proches et à ses "marraines de guerre" et Lorette à ses proches et pour les vieilles dames de son quartier. Ces lettres envoyées ou non constituent ce livre. Dans les deux cas, elles constituent un moyen de survie pour leurs auteurs (écrire des lettres pour quelqu'un, c'est vivre un peu par lui, pour lui), et sans ces écritures, la mort aurait frappé plus tôt. Deux vies éloignées avec des préoccupations différentes qui vont pourtant se rejoindre.
Louis exprime sa version de la réalité dans ses lettres mais il reçoit aussi les lettres adressées à ses copains morts et sera amené à écrire à Léonie veuve de guerre qui le fera espérer à un mariage à l'issue des hostilités. Lorette écrit notamment pour Lucette maitresse de Tao poilu chinois. Dans ces lettres, la mort rodent. Louis y est confronté évidemment quotidiennement par l'horreur de la guerre, par la survie dans les tranchées alors que Lorette est atteinte par la tuberculose. Mais on y trouve aussi l'amour, la tendresse, la jeunesse et l'espoir. Hymne aux mots, à l'écriture et à la correspondance, la force des mots et leur pouvoir mais aussi leur limite ("les mots ne peuvent pas tout") éclatent au fil des pages.
"Quand il se risque à écrire, Jean, un camarade presque illetré, graphie à sa famille les lettres les plus touchantes qu'il m'ait été donné de déchiffrer. Des mots aux signes manquants, des phrases tordues qui avancent à cloche-pied, mais un sens qui est, lui, toujours droit. La détresse a de ces rectitudes !"
Fiche #126
Thème(s) : Littérature française