Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

Fin des années 70, le chômage s’installait et prenait son envol. Victor Bromier en fut l’une des victimes. 1979, ce lyonnais, représentant en parapluies, digère mal sa mise à l’écart et continue d’en vouloir à son patron, une rage tenace. Il ne peut l’annoncer à sa femme et au hasard de ses pérégrinations, dans un bar, il rencontre la jeune Corine, coup de foudre, tourbillon. Il abandonne ses illusions pour rejoindre la passionaria. Il se réveille enfin : « Parce que c’est ce putain de système qui t’oblige à te comporter comme un robot : travaille, consomme, reproduis-toi, ferme ta gueule. » Cette révolutionnaire est en effet bien décidée à faire avancer la cause du prolétariat et affronter le système capitaliste, les grandes idées au cœur d’une relation et du lit où ils partagent de jolis moments... La folle cavale peut commencer et les casses aussi, « On vole personne, mon chou, on va juste reprendre aux bourges ce qu’ils ont confisqué aux prolétaires. », la bourgeoise n’a qu’à bien se tenir ! Jusqu’où cette cavale du partage pourra-t-elle les mener ? Dimitri Kantcheloff avait rendu un hommage appuyé à Boris Vian dans son précédent roman, il nous plonge maintenant dans l’environnement culturel (cinéma, musique, littérature) et politique des années 80 avec ce faux polar, faux roman noir, enlevé, drôle et loufoque.

« L'important en politique, considéra Bromier éméché, c'est pas les convictions. Les convictions c'est bon pour les moines et les vieilles filles. Non, ce qu'il faut c'est être au bon endroit au bon moment. »

La maison d’édition de Jean d’Halluin, les éditions du Scorpion, est sur le fil. Alors lors d’une soirée certainement bien arrosée avec son ami Boris Vian, ce dernier lui parie qu’en dix jours, il écrira un best-seller sauveur du Scorpion. Raté, quinze jours seront nécessaires et ce sera « J’irai cracher sur vos tombes » publié sous le pseudo Vernon Sullivan et traduit par... Boris Vian. Jusque là, les romans de Boris Vian n’avaient pas rencontré le succès escompté. Boris Vian, sa femme et leur fils, Petit Bison, vivent à toute allure, au contact et avec les intellectuels de l’époque, Sartre, de Beauvoir, Gréco, Queneau... Le récit de Dimitri Kantcheloff retranscrit parfaitement cette course à la vie, cette obsession de vivre (Boris Vian se savait condamné) et cette blessure de ne pas être reconnu pour son imagination folle, pour ses qualités littéraires et musicales. Dans une fougue digne de Boris Vian, Dimitri Kantcheloff retrace le parcours d’une œuvre, d’un pseudo, d’un homme, ce surdoué à qui Vernon Sullivan a parfois fait de l’ombre et nous fait regretter de ne pas avoir croisé la route de cet être inclassable, libre, inspiré, excessif (« Il a trop bu. Trop ri. Trop parlé. Trop enragé. Trop vécu pour aujourd’hui. ») et si attachant.