« La beauté, en dernier recours, pour sauver l’humanité. L’idée lui plaît… La beauté est un axe fixe autour duquel tout le reste tourne. Et l’art, dans son ensemble, résistera à l’usure, à la défaite… Si la beauté disparaît, plus personne ne saura qu’elle peut exister, et alors notre monde sera sans espoir. »
Claudie Gallay

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Thomas B. Reverdy

Thomas B. REVERDY

Le grand secours
Flammarion

5 | 318 pages | 15-08-2023 | 21.5€

Description minutée et chronologique d’une journée particulière en respectant l’emploi du temps d’un lycée, avec notamment Candice, prof de français et de théâtre et Paul, écrivain venu animé son premier atelier d’écriture : un lycée, un emploi du temps, une journée. A Bondy. Bondy nord. Différents protagonistes vont nous faire partager cette journée particulière qui démarre très tôt sur le chemin du lycée avec Mo et Mahdi. Au coeur une zone guère attirante, entre autoroutes, ronds-points, camp de Roms, zone industrielle... Mahdi après une altercation se fait tabasser par un adulte baraqué au crane rasé. Mo retrouve le gars dans le bus, le photographie presque par hasard et constate que c’est un flic. La photo se retrouve sur les réseaux qui s’enflamment immédiatement. En parallèle, pendant que l’orage couve puis gronde, la journée au lycée débute. Le récit dresse le portrait de l’état de délabrement dans lequel se trouve le lycée, le Titanic tangue, le bateau prend l'eau de toute part, l'iceberg se rapproche, tout le monde le sait, les profs, les CPE, les surveillants écopent, écopent, jusqu’à l’épuisement, mais jusqu’à quand ? Paul prend ses marques, rencontre des gamins attachants, différents, volontaires pour certains, découvre la vie du lycée, ses codes, ses soubresauts, ses éclats, sa lumière comme sa noirceur, le lourd combat permanent du personnel éducatif pour faire grandir, réfléchir, progresser les lycéens. Thomas B. Reverdy continue d’explorer l’humain avec maîtrise tant de le fond que dans la forme : ses personnages toujours contrastés et multiples, leurs questionnements et leurs choix dans un cadre singulier, leurs espoirs, et cette fois, il revient au bout de notre rue, dans notre espace. Vingt-quatre heures dans un lycée entre apprentissage et émeute : une journée, un état des lieux, une explosion, une nouvelle émeute comme énième avertissement mais « C’est ça, tu vois, qui est un peu fatigant. Ils ne veulent pas que ça marche. Juste, que ça ne fasse pas de vagues. », pourtant les vagues deviennent de plus en plus répétitives et puissantes...

« C’est une délicieuse torture, le désir. »

« Un écrivain, c’est comme ça, peut-être. Quelqu’un qui rêve plus qu’il ne vit. »

« ... la sociabilité, chez les adolescents, est un champ de mines... »

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Fiche #3073
Thème(s) : Littérature française


Thomas B. REVERDY

Climax
Flammarion

4 | 335 pages | 13-08-2021 | 20€

C’est le roman de la fin du monde : à la fois récit, roman, roman d’aventures, conte, essai... qui croise la fin de notre monde et un récit fantastique ou une prophétie de la fin du monde de la mythologie nordique. Une montée en puissance hélas mortifère jusqu’au climax, « le moment où tout bascule. » Le constat est maintenant à peu près partagé, notre monde dans son état actuel arrive au bout du chemin mais l’économie mondiale ne dévie pas. Qui prendra la responsabilité de la stopper, de la réorienter, de la ralentir ? « Qui veut expliquer à ses enfants que le monde est pourri de l’intérieur, comme une grosse pomme ? » alors le Titanic garde avec ses œillères son cap... La Norvège continue donc d’exploiter les ressources pétrolières et a construit un nouveau monstre, Sigurd, une plateforme offshore qui va bientôt tourner à plein rendement sous les ordres d’un ancien militaire russe sans aucun scrupules. Un expert est dépêché sur place pour une dernière expertise. Noah connaît bien l’endroit puisqu’il y a vécu sa jeunesse et l’a quitté après un grave accident. Mais le climat a bien changé : « C’est à l’endroit le plus froid de la planète qu’on mesure le mieux son réchauffement... » : hiver moins long, froid moins intense, dégel précoce, pluie plus fréquente, impact sur la faune... Les équilibres sont rompus, et comme tout est lié, un monde se referme. « On approchait de la fin du monde. On finissait par s’y attendre – on l’avait tellement attendue. » Bientôt « le monde nous aura désertés ». Il retrouve néanmoins son premier amour et la bande de copains qui l’admiraient et avec qui il menait des jeux de rôle : tous sont restés sur place et éprouvent les conséquences de son métier. Des retrouvailles qui ne seront pas épargnées par la fin du monde... Passionnant, puissant, un roman ample (plusieurs romans dans le même) aussi brillant dans la forme que dans le fond.

« La lumière, c’est aussi évident pour reconnaître son pays que la couleur du sol et les essences des arbres, la forme des montagnes, les odeurs des villes et l’arrière des maisons. »

« Les grands méchants ne sont plus climatosceptiques. Au contraire : ils ont compris tout le profit qu’on pouvait tirer du réchauffement, et qui l’accentuera à son tour. Il n’y a pas de raisons que ça s’arrête, avant d’avoir achevé la destruction de notre écosystème. »

« C’est infini, la douleur. Ca ne se guérit que par épuisement. »

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Fiche #2739
Thème(s) : Littérature française


Thomas B. REVERDY

L'hiver du mécontentement
Flammarion

3 | 220 pages | 16-08-2018 | 18€

Fin 78, la colère gronde en Angleterre, la grève s’étend, l’économie est proche de l’arrêt : « ... en ce commencement d’automne 1978, quand l’histoire est déjà entamée, qu’elle vient de plus loin, comme en dehors d’elle, mais qu’on ne sait pas encore où elle va ni comment les choses vont se nouer exactement. A ce stade de l’histoire, personne ne sait trop bien ce qui peut arriver. » Les manants commencent de relever la tête et de ne plus accepter leur condition : « Toute l’Angleterre était au bord d’une espèce de précipice en 1978. » Tous les secteurs sont touchés, les relations dans les entreprises changent et prennent en compte ce ralentissement et cette incertitude : « ... lorsque le dérèglement est général, rien ne peut l’arrêter, c’est comme une révolution sans armes. » Parmi eux, Candice est une jeune femme qui jongle entre son boulot de coursier à vélo et ses répétitions théâtrales : elle jouera le rôle titre dans Richard III. Aujourd’hui et hier, il est donc question de pouvoir, de comédie, de conquête du pouvoir, finalement peu d’évolution ! C’est le moment aussi où une femme d’abord discrète apparaît, elle sourit, joue habilement avec les images et les symboles (« Il n’y a pas besoin de faire pour régner. Juste d’attendre... Le pays est tellement exaspéré qu’elle n’a rien à faire. »), les travaillistes seront balayés par Margaret Thatcher qui assistera à la première des Shakespearettes et l’hiver du mécontentement donnera naissance à un nouveau monde, une nouvelle ère, les manants (le mouvement Punk ne résistera pas non plus) rejoindront leur place pour très longtemps !

« Les forts haïssent les faibles, c’est là leur seule faiblesse. »

« Le chaos, c’est quand tout devient possible. Personne n’est assez malin pour maîtriser ça, sauf peut-être le diable. »

« On dirait que les familles sont faites pour ça. Elles créent des rôles, des règles, des interdits et des silences infranchissables. Tu deviens un individu, mais dans la famille non, tu dois tenir un rôle, respecter les règles, ne pas transgresser, se taire. A la fin c’est toujours à elle qu’on en veut... »

« Car c’est cela, le pouvoir, ce n’est que cela : une comédie. Comme mettre une claque à un gamin. Humilier un subalterne. Forcer une femme. Allons ce n’est pas sérieux. Comment peut-on se prendre au sérieux en faisant cela ? Comment peut-on s’enorgueillir d’être ainsi un fort parmi les faibles ? Comment peut-on y croire soi-même ? »

« Aujourd’hui, fini de rêver. Il n’y a pas d’alternative. »

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Fiche #2201
Thème(s) : Littérature française


Thomas B. REVERDY

Il était une ville
Flammarion

2 | 270 pages | 28-07-2015 | 19€

Detroit, la ville de l'automobile, le mythe, « le travail est un divertissement puissant. ». Puis un jour en 2008, les voitures s'en vont, les hommes suivent, enfin ceux qui le peuvent. Pour d'autres fuir est impossible et ils demeurent dans cette ville fantôme dévastée (« Traverser la ville me donne toujours l'impression de regarder un porno. Tu sais, une fascination coupable. »), cimetière de notre civilisation, en tentant de survivre et en espérant peut-être découvrir le nouveau rêve américain. Et les comportements classiques de l'homo sapiens persistent au milieu de cette misère, quand certains se soutiennent et s'entraident, d'autres se laissent aller à exploiter cette détresse. Comme dans un western classique, un cow-boy solitaire débarque de manière incongrue dans la ville désertée à la grande surprise des survivants. Il s'appelle Eugène, jeune ingénieur français, il doit concrétiser un projet de transformation pour l'industrie automobile mais Eugène préférera partir à la rencontre de cette ville et de ses habitants. Il croisera dans un bar Candice et son histoire aussi chaotique que celle de Detroit, et ces deux là apprendront à se connaître dans cet environnement bien singulier. Dans ce même quartier, le petit Charlie comme beaucoup d'autres enfants vient de disparaître et sa grand-mère Gloria avec l'inspecteur Brown partent à sa recherche. Par ces deux biais, Thomas B. Reverdy happe le lecteur et place à nouveau son histoire et ses personnages au cœur d'une catastrophe éprouvante, catastrophe économique cette fois, qui, pratiquement du jour au lendemain, bouleverse, transforme, maltraite la vie, les espoirs et les rêves. Fort, percutant et sensible !

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Fiche #1669
Thème(s) : Littérature française


Thomas B. REVERDY

Les évaporés
Flammarion

1 | 305 pages | 28-10-2013 | 19€

Au Japon, les disparitions n’engendrent que le silence, la vie continue, aucune recherche n’est lancée (« Il faut que vous sachiez d’abord qu’ici, au Japon, un adulte a légalement le droit de disparaître… Dans le fond c’est une sorte de déménagement, mais sans laisser d’adresse. »). Les évaporés (ou johatsus) ne laissent pas de trace (« Qu’on ne retrouve pas les évaporés du Japon. ») et s’éloignent simplement. Richard B. un Américain poète suit pourtant Yukiko, la femme qu’il aime encore et qui avait fui des années plus tôt le Japon, afin d’enquêter et de comprendre pourquoi Kaze, son père, s’est évaporé. Cette enquête le mène à la rencontre des Yakuzas modernes et dans les quartiers pauvres de l’île, au cœur des camps de réfugiés ; après le tsunami et Fukushima (« Tout est blanc, même le bruit. »), le Japon et son économie sauront trouver et employer ces évaporés… Evidemment la fuite est au cœur de ce roman troublant et sensible : Pourquoi partir ou fuir ? Fuir, n’est-ce pas continuer de lutter pour vivre ? Peut-on imposer ce départ aux siens ? Que vont-ils ressentir ? Doivent-ils chercher les disparus ou accepter ? Peut-on oublier le passé ? Quid du contrôle de nos vies ? Notre vie est-elle vraiment notre vie ? A partir de quatre voix, de quatre itinéraires, de quatre visions, Thomas B. Reverdy nous offre un portrait instructif du Japon et de ses mystères, mais aussi un polar et un roman d’amour, et enfin un hommage à Richard Brautigan.

« La misère est une énergie renouvelable. »

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Fiche #1373
Thème(s) : Littérature française