« Son esprit n’était pas induit en confusion par des concepts tels que la psychanalyse, la névrose, l’existentialisme, et il savait ressentir cette chose à vrai dire élémentaire qu’est la douleur de l’autre. Il savait être triste pour l’autre. Il y avait en lui une sensibilité sans équivalent dans le monde hypocrite des gens trop instruits. »
Asli Erdogan
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Vera Segall, romancière octogénaire, meurt dès le début du roman et néanmoins, elle est au centre du récit. En effet, l’admiration que lui vouent les autres personnages, même à 80 ans elle les happe, la révèlera totalement au lecteur. Vera Sigall est tombée accidentellement, l’enquête tout du moins semble se diriger vers cette conclusion alors qu’elle est plongée dans le coma. Son jeune voisin, Daniel, l’admirait profondément et doute de l’enquête. Malgré sa vie d’architecte, sa jeune et belle femme, il éprouve une fascination évidente pour Vera et continue d’aller la visiter à l’hôpital. Il y rencontre Emilia, une jeune franco-chilienne venue pour faire une thèse sur Vera et son œuvre et qui souffre d’un trouble handicapant ; elle commença une nouvelle vie à 8 ans après un accident, « Une vie où mon corps se retrouva à l’envers. Un corps que personne ne pouvait toucher. » Elle vient sur la recommandation de Horacio, un poète qui a aimé Vera et dont l’œuvre s’invitera étonnamment dans le travail d’Emilia. Tour à tour, Emilia, Daniel et Horacio prennent la parole, se confient et dressent le portrait de Vera mais aussi nous parlent d’amour et de non-dits permettant ainsi au lecteur de découvrir une double histoire d’amour et un secret final inattendu. Comme à son habitude, Carla Guelfenbein sait tenir en haleine le lecteur et explore avec retenue la diversité des sentiments de ses personnages toujours attachants en nous offrant ainsi un récit parfaitement maîtrisé et sensible.
« Tu me disais souvent que toute la richesse d’un créateur, c’étaient ses fractures, ses incertitudes, ses questions et ses faiblesses, le doute constant de la raison ultime des choses. »
« Et je me dis que le bonheur et la douleur allaient ensemble et que nous ne pouvions pas savoir à l’avance quand l’un ou l’autre prendrait l’avantage. »
Fiche #1899
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Claude Bleton
Carla Guelfenbein revient sur les relations au sein d’un trio (cf. Ma femme de ta vie) cette fois constitué d’un homme, d’une femme et d’un enfant. Tommy petit garçon de 12 ans, malade du cœur, observe avec attention, enregistre les conversations des adultes et réussit ainsi à donner sens au silence qui accompagne ses relations, ses liens familiaux. Le garçon est malade dans son corps mais pas dans sa tête ! Lucide, attentif, il développe une grande capacité d'analyse et une parfaite compréhension du monde des adultes. Juan, le père taciturne, veuf, chirurgien, peine à exprimer l’amour qu’il ressent pour son entourage. Alma, nouvelle épouse, mère d’une petite Lola et belle mère attentionnée de Tommy, assiste avec impuissance à la dérive du trio. Les trois voix s’entremêlent mais jamais ne pourront s’unir. Chacune dévoile ses sentiments profonds, ses peurs, sa fragilité avec émotion et retenue mais jamais ne pourra l’exprimer, l’offrir à l’autre. Un roman sur l’intimité de nos vies : homme, mari, père, femme, épouse, mère… où quand les silences, les secrets familiaux et la difficulté d’exprimer nos sentiments entravent un quotidien pourtant prometteur. "Parfois les mots sont comme des flèches. Ils vont et viennent, blessent et tuent, comme à la guerre", mais le silence n’est-il pas pire ?
Fiche #728
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Claude Bleton
Londres dans les années 80 accueille un trio attachant : Theo jeune anglais et Antonio chilien exilé sont étudiants en sciences politiques alors que la jolie Clara également chilienne fait irruption au milieu de leur amitié. Un trio qui s’aimera, s’unira, se séparera, se trahira, se retrouvera… Antonio est le héros parfait, exilé, révolutionnaire, beau, séduisant, son aura éblouit son entourage (« Quand Antonio s’arrête sur toi, tu n’opposes aucune résistance ») et pourtant derrière ce masque se cache une grande fragilité. Theo et Clara s’aiment et admirent Antonio. Antonio considère initialement Clara comme sa sœur mais le trio implosera et les trahisons réciproques les sépareront. Antonio et Clara se retrouveront non sans mal au Chili et s’uniront. Theo deviendra correspondant de guerre. Chacun d’eux poursuivra ses chimères et ses idéaux mais demeurera insatisfait. Et puis un jour, Theo recevra un appel téléphonique d’Antonio pour l’inviter à venir les rencontrer au Chili. Un très beau roman sur l’amitié, les sentiments, l’amour et l’exil.
Le coup de cœur de l’été pour ce Jules et Jim version chilienne (parution en juin).
« Au moins sa faiblesse m’a rendue forte. Quand on choisit d’être fort, plus rien de vous atteint, plus rien ne vous touche. On sacrifie son émotion mais on survit. J’ai décidé d’attendre ses rares gestes, ceux qui naissent quand elle renonce à la mélancolie et aux pages de ses livres. »
« Par chance, la révolution et le sexe font bon ménage… Ils sont faits de la même matière : un tas de testotérone. Alors que les sentiments, si tu décides de te battre pour un truc qui en vaut la peine, ils te foutent en l’air. »
« J’avais entendu dire que le courage n’est pas facile. Sauver la vie d’un ami et lâcher le dernier lien qui me rattachait à la femme que j’aimais, c’était une des rares occasions que j’aurais d’en éprouver la solidité. Je regardais de nouveau les hirondelles. Un air serein m’emplit les poumons. »
Fiche #221
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Claude Bleton