« Une famille, c’est une embarcation fragile… »
Serge Joncour

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Catherine Mavrikakis

Catherine MAVRIKAKIS

L'absence de tous bouquets
Sabine Wespieser

6 | 188 pages | 10-05-2021 | 18€

Catherine Mavrikakis nous livre une lettre d’adieu, une lettre d’amour à sa mère. Un journal de deuil, le livre de la séparation. Arrivée au Québec en 1957, sa mère n’oubliera jamais la France, son pays d’origine et jamais elle ne s’intégrera dans son nouveau pays préférant s’isoler. Mariée à un Grec, elle préfèrera rester repliée sur elle-même et sur ses enfants, « Tu n’as jamais cultivé ton jardin ». Catherine Mavrikakis aurait tant aimé partager avec elle, des auteurs, des livres, partager ce qu’elle aimait, respectait… Mais sa mère était exclusive, accaparante, parfois cruelle et méchante, aucune autre nécessité, aucun autre besoin qu’elle et ses enfants. Elle aurait tant aimé garder sa fille auprès d’elle, ce qui leur interdira toute conversation tournée vers l’intime. Malgré le voile que crée la mort, l’auteure n’oublie pas le caractère de sa mère, elle reste lucide même si l’amour est également présent. Un texte qui marque certainement un tournant dans la vie de Catherine Mavrikakis qui a évité malgré la douleur des souvenirs du passé et de la mort de sa mère un règlement compte brutal et préféré une sorte d’aide au deuil, quelques indications pour apprendre à continuer de cultiver son jardin, à observer les mauvaises herbes comme les autres, à prendre soin des graines du passé comme de celles à venir…

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Fiche #2687
Thème(s) : Littérature étrangère


Catherine MAVRIKAKIS

L'annexe
Sabine Wespieser

5 | 240 pages | 08-04-2020 | 20€

en stock

Anna, 48 ans, espionne aux ordres d’une organisation secrète, l’Agathos, vient d’achever sa dernière mission. Dans l'échec, deux morts, des documents perdus, d’autres agents mis en danger... Alors l’Agathos a décidé de la retirer du monde en la protégeant. Peut-être. Elle se retrouve dans l’Annexe avec d’autres collègues inconnus dans un lieu inconnu même si elle pense être à Montréal. Ironie du sort, elle est obsédée par Anne Frank et passait régulièrement des heures dans son Annexe devenue musée à Amsterdam. Alors évidemment les situations n’ont rien à voir, mais le huis clos et le confinement se ressemblent. Comme elle, d’une trahison la mort peut surgir à chaque instant. Et très rapidement, elle se doute de qui sera son bourreau : Celestino, un espèce de majordome qui les a accueilli et gère leur quotidien. Et ce Cubain homo parle, parle beaucoup, parle encore, l’envoûte, l’ensorcelle tel Kaa le serpent hypnotiseur, et notamment grâce à la littérature : « Je déteste les espions incultes », avec Anne, il va être servi et en jouer, il a trouvé son point faible et elle en connaît le danger. Amoureuse de la littérature, elle retrouve le plaisir de lire, de découvrir dans la lecture des amis, des questionnements, des réponses, des rêves… Peut-on en vouloir à son bourreau s’il vous réveille à la littérature (« Je ne craignais même plus la mort grâce à toi, à toi et la littérature. ») ? Elle situe son environnement et ses collègues dans la littérature, elle leur trouve une incarnation, un couple devient les Tourgueniev, le chat devient Moortje, celui d’Anne… Celestino assure ne rien savoir d’elle, il la prénomme Albertine mais il la met en garde aussi « Il faut se méfier de tout le monde. ». Et puis les espions meurent les uns après les autres, Albertine sait que son tour viendra, elle l'accepte, accepte la mort, elle qui l'a tant donnée. Mais avec la littérature tout reste possible, jusqu’au dernier mot. Un roman d’espionnage tendu, érudit mais pas précieux qui rend un hommage singulier à Anne Frank, à la lecture, à la littérature et à ses artisans. Brillantissime !

« Les chimères des écrivains, comme le pire des cauchemars, restent moins éprouvantes que les manifestations détraquées de nos civilisations. »

« L’humain est capable à la fois du meilleur et du pire et, quand les deux s’entremêlent, quelque chose d’extrêmement jubilatoire vient réjouir les pervers que nous sommes. »

« Nos vies sont enfermées dans de petites habitudes idiotes qui nous donnent une personnalité. Ces habitudes ridicules construisent une charpente sur laquelle s’appuient nos faibles raisons de vivre. »

Ecouter la lecture de la première page de "L'annexe"

Fiche #2526
Thème(s) : Littérature étrangère


Catherine MAVRIKAKIS

Oscar de Profundis
Sabine Wespieser

4 | 306 pages | 17-08-2016 | 21€

en stock

Notre monde est en train de s’éteindre. Même le ciel est de la partie. Un gouvernement mondial s’est mis en place et feint de continuer de maitriser la destinée de tous. La division de la société a atteint son paroxysme. Les nantis semblent ignorer l’état de la société, se protègent et continuent leurs occupations volages en ignorant les gueux qui occupent les rues, survivent, ont pour la plupart accepté leur destin et attendent la mort (« Ils avaient appris à se voir comme des rats en sursis. Ils ne possédaient aucune légitimité à être. »). Dans ce contexte, Oscar de Profundis, une rock star à l’échelle mondiale, entre la folie et la mégalomanie, arrive à Montréal, la ville qui l’a vu grandir. C’est dans cette ville qu’il a vécu son plus grand drame qu’il n’a pas oublié, la mort de son petit frère. Son entourage, aux petits soins, a réglé à la seconde près, son séjour. Néanmoins, la période est mal choisie ! La maladie noire s’est déclarée dans la ville. Etonnamment, elle n’atteint que les gueux qui meurent dans d’atroces souffrances. Il faut donc attendre qu’elle fasse son travail puis nettoyer la ville ! Ca se complique lorsque l’état d’urgence est déclaré et que quelques irréductibles plutôt que d’attendre la mort en faisant la fête décident de prendre en main leur destin… Catherine Mavrikakis grâce à deux portraits extrêmement contrastés nous livre un conte apocalyptique noir qui décrit un monde en perdition qui a abandonné toute ambition d’humanité.

« Leur destin était de disparaître. Contre eux, il n’y avait pas à signer de déclaration de guerre ou encore à fomenter à la hâte quelque holocauste. Il suffisait de laisser la vie aller. Les plus faibles se trouveraient éliminés avant la fin du monde. C’était la loi. Le ciel absent, occupé à s’éloigner de la Terre, en avait décidé ainsi. »

« Les touristes avaient afflué : en voyage, l’encanaillement et le danger acquièrent un attrait incomparable. »

« Trois ou quatre immenses compagnies géraient l’ensemble des ressources de la Terre en diversifiant leurs marques de commerce pour que les populations nanties n’y voient que du feu. Les êtres qui ne pouvaient s’accommoder de cet état de choses étaient devenus des parias ou des fous… »

« L’uniformité et l’homogénéité des esprits et des corps étaient les garanties de la stabilité de l’Etat. »

« … elle pensait, malgré ses études de médecine, sa culture humaniste d’autodidacte et sa foi dans la raison, que des heures meilleures, si elles voyaient le jour, devraient passer par l’horreur apocalyptique qu’elle et les siens connaissaient. Dans les derniers temps, la fin du monde était devenue l’unique espoir pour un être comme Cate. »

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Fiche #1829
Thème(s) : Littérature étrangère


Catherine MAVRIKAKIS

La ballade d'Ali Baba
Sabine Wespieser

3 | 195 pages | 28-07-2014 | 18€

« La ballade d’Ali Baba » est un hommage d’une fille à son père. Un père libre, insouciant, amoureux de la vie, hâbleur, et qu’elle continua d’aimer et d’admirer malgré ses mensonges. Vassili parcourut le monde, de Rhodes à Alger, d’Alger à New York : « Vassili aimait les gens et les lieux. Pas les pays. » A l’image de son caractère, elle n’oubliera jamais le réveillon de 1969 et le voyage insensé avec sa Buick en 1969 qu’ils firent avec ses deux sœurs, du Canada à la pointe de Key West. Ils s’éloignèrent, mais jamais ne se quittèrent, et même après sa mort, elle pouvait encore le rencontrer.

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Fiche #1483
Thème(s) : Littérature étrangère


Catherine MAVRIKAKIS

Les derniers jours de Smokey Nelson
Sabine Wespieser

2 | 345 pages | 08-08-2012 | 22€

Le 15 août 2008, quatre destins basculent définitivement. Smokey Nelson assassine atrocement dans un motel des environs d’Atlanta une famille de quatre personnes (les parents et deux jeunes enfants) faisant une halte sur le chemin qui les mène vers leurs parents. Les quatre voix hétérogènes reviennent sur cet évènement et ses dramatiques conséquences. Sidney Blanchard, noir comme Smokey Nelson, fut accusé un temps du meurtre et emprisonné. Nous le découvrons sur la tombe de Jimi Hendrix (né le même jour que lui) au départ d’un long voyage dans sa superbe Lincoln Continental blanche de 1966 accompagné de sa protégée Betsy ; il part à la rencontre de la Nouvelle-Orléans terre de son enfance que Katrina a transformée. Le discours est vif, imagé, souvent singulier mais rempli de bon sens. L’homme n’a pas oublié qu’il a frôlé le couloir de la mort, et qu’il ne doit sa survie qu’à Pearl Watanabe qui a découvert les corps le soir de l’assassinat. Elle croisa l’assassin et persista à affirmer que Sidney n’était pas l’assassin. Elle demeure encore interdite sur le fait que Smokey l’épargna. Plusieurs mois plongée dans le silence, elle ne retrouva un semblant de vie qu’en repartant sur son île, à Hawaï. Mais parfois les coïncidences… Elle accepte enfin de revenir dans la région d’Atlanta pour séjourner quelques temps chez sa fille au moment où l’exécution de Smokey est annoncée… La quatrième voie est la voie divine, celle qui accompagne depuis toujours Ray Ryan, le père de Sam, la maman assassinée. Cette voie le guide vers l’apaisement, même s’il part avec son fils Tom, membre des Combattants de Dieu pour assister à l’exécution tant attendue. Ils abhorrent cette Amérique contemporaine qu’il juge décadente et seule la parole de Dieu peut les sauver de l’enfer. Catherine Mavrikakis réussit un brillant et noir récit sans porter le moindre jugement sur l’acte lui-même aussi atroce qu'il fut, sur le ressenti de ces quatre voix de l'Amérique marginale, sur leurs tentatives de survie pendant 20 ans, elle dresse simplement en creux un portrait d’une Amérique qui tangue dangereusement. Du grand art !

« Moi, même en mourant, j’espère rigoler. Oui, je veux rire en crevant… C’est un peu la seule liberté, non ? Tu crèves, t’as pas le choix, mais au moins tu peux te marrer un peu… »

« Je suis juste un homme de trente-huit ans, bien banal. J’essaie de me donner du bon temps, en attendant la mort, qui vient toujours trop tôt… J’ai pas d’idéal, pas de destin… »

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Fiche #1164
Thème(s) : Littérature étrangère


Catherine MAVRIKAKIS

Le ciel de Bay City
Sabine Wespieser

1 | 294 pages | 24-08-2009 | 21.3€

Amy a vécu son adolescence à Bay City ville du Michigan représentative de la vie américaine. Elle partage son existence principalement avec sa tante, son oncle, son cousin, sa mère et son frère. Les deux sœurs sont venues pour trouver une nouvelle vie et quitter l’Europe et son histoire à l’issue de la seconde guerre. Juives polonaises, le passé familial est lourd pour ces deux survivantes. Il marque aussi Amy qui peine à accepter sa vie et même sa présence sur terre (« On n’en finit jamais de la honte d’exister… On voudrait demander vengeance pour la vie. Mais à qui ? »). Amy aurait pu être une adolescente comme les autres mais ce passé accompagné de ses tristes fantômes comme le ciel gris de Bay City l’entraînent sur des voies différentes. Les chapitres alternent entre le présent d’Amy et les jours de 1979 qui vont marquer à jamais son destin mais à tout instant, il s’agit pour Amy de combattre la malédiction familiale et d’en finir enfin avec son passé, mais peut-on gommer d’un trait son histoire personnelle ?

Sélection Prix Page des Libraires 2009

« Mon existence pourtant m’a été pénible. Et la mort inéluctable ne saura que m’apaiser. Chaque matin de ma vie, tout est à recommencer. Je n’ai jamais acquis, comme tant d’autres l’ont fait, la confiance dans le jour. Le matin, je n’ai jamais su si je verrais le soleil se coucher au loin dans le désert, et le soir, dans mon lit, au moment de m’endormir, je n’ai jamais pensé que demain m’apporterait un jour tout neuf, rempli d’espoirs et de nouveautés. Pour moi le quotidien est resté folie. Les jours se sont accumulés sans m’apporter la moindre foi en eux. »

Fiche #614
Thème(s) : Littérature étrangère