« Elle se demanda quand l’humanité avait commencer à foirer sa façon d’habiter cette planète. A l’époque de la révolution industrielle, du commerce triangulaire, de la maîtrise du feu ? S’était-on fourvoyés à partir du moment où l’on s’était élevés au-dessus de notre propre condition de primates ? »
Renaud De Chaumaray
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
La narratrice a deux vies, et le lecteur la suit dans l’une d’elles, dans ses maraudes avec l’uniforme de l’Institution : de nuit, avec quelques autres, elle parcourt la ville, les rues (« La rue a sa propre force agissante sur les humains... »), au contact des sans abris. Au cœur d'une grande ville, certains passent sans les voir, les ignorent et franchissent la porte du grand restaurant réputé sans un regard, d’autres en effet s’arrêtent. Deux mondes se font face, coexistent avec une frontière infranchissable. Les bénévoles réguliers connaissent ceux qui sont là de longue date, connaissent leur adresse (« … les sans-domicile-fixe qu’on rencontre ont tous une adresse précise… Les sans-domicile-fixe sont fixes. »), découvrent ceux qui viennent d’arriver et vont rester, croisent ceux qui ne font que passer. Principalement des hommes, mais aussi quelques femmes. La plume d’Elodie Fiabane est précise, descriptions de la fragilité, des corps, des blessures, des odeurs, des regards, des souffrances… Face à cette douleur, une troupe, un groupe de bénévoles, souvent jeunes. Ils ne font qu’un, apprennent à parler, apprennent les mots adéquats, apprennent à questionner, à écouter, à donner. A l’issue de chaque nuit, ils se quittent et savent qu’il faudra recommencer. Un combat vain ? Le doute voire le découragement peuvent de temps à autre les torturer. Ils partagent parfois le sentiment de honte avec les SDF qu’ils aident, honte d’être à la rue, honte d’être aidé, honte de posséder, honte de ses envies de posséder : « Nous ne pouvons pas nous considérer comme responsables de ce qui nous arrive, nous subissons notre position sociale. Il n’y a ni honte ni fierté à avoir. ». Et puis, parfois, la joie, la satisfaction d’en sauver un, de « le mettre à l’intérieur de la ville, avec nous, de notre côté. » Un premier roman digne de Terres Humaines, eux, nous, elle, dans la ville pour in fine des vies guère satisfaisantes, chacun faisant l’autruche. Jusqu’à quand ?
Premier roman
Fiche #3156
Thème(s) : Littérature française