« Elles ont lu et aimé les mêmes livres et c’est un lien plus fort que celui du sang. »
Sandrine Bourguignon

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

111077315

Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous.

Marie Pavlenko

Marie PAVLENKO

Traverser les montagnes, et venir naître ici
Les Escales

3 | 345 pages | 09-08-2024 | 21€

en stock

Astrid est au fond du gouffre. Elle a tout perdu, ses trois amours disparus (le récit nous fera découvrir très progressivement leur histoire), elle reste inerte, sans envie, sans vie. Alors elle part. Elle achète une maison au fond d’une vallée du Mercantour. Elle s’y installe avec quelques cartons renfermant son passé et redécouvre la poésie comme bouée de sauvetage. Elle est seule mais Jibril, Tom, Kamal continuent d’être en elle, de vivre en elle, « myriade de souvenirs, flashs, intonations... » émaillent le récit au gré de ses rencontres, de son quotidien. Loin de cette vallée, la jeune Soraya quitte tout en empruntant le chemin de l’exil avec sa tante Ibtissam. Elle abandonne son pays, la Syrie, les bombes ont eu raison de sa vie, de son quartier, de ses proches. Rapidement, la famille est séparée et elle se retrouve seule avec sa tante. Le chemin est long, ardu et surtout dangereux et la vie qui naît dans son corps et qu’elle abhorre le démontre. Elle atteindra finalement seule, dans le froid et la neige, la France. Astrid sauvera Sorya et l’accueillera, pour ces deux femmes, « ... la vie normale a foutu le camp. », a disparu. Sorya reste dans la peur et découvre que les portes de la France ne s’ouvrent pas autant que dans ses rêves. Les deux sœurs de souffrance vont apprendre à se connaître, à s’apprivoiser, à partager et exprimer leurs douleurs, à rompre leur isolement. « Combien de gens ont traversé l’Europe à pied, sans bagage ni argent ? A part les exilés comme elle, les chassés de Syrie, du Mali ou d’Afghanistan ? Pourquoi ceux qui accordent les papiers ne mesurent-ils pas le courage nécessaire ? » A l’heure où la commémoration est devenue un sport national, il est peut-être temps d’accorder les actes aux paroles, de reconnaître les Justes d’aujourd’hui, et donc de soutenir sans retenue les personnes comme Astrid et Cédric Herrou plutôt que de les traîner devant les tribunaux, d’accueillir avec humanité les personnes comme Soraya plutôt que de continuer de les traquer. Ces deux femmes exceptionnelles et rattrapées difficilement par quelques instants fugaces de vie et ce récit poignant débordant d’émotion et d’humanité nous le rappellent douloureusement.

« Où Astrid a-t-elle lu que la colère n’est pas une émotion ? Plutôt un paravent, une illusion derrière laquelle se cache une autre émotion, réelle celle-là – peur, tristesse. »

« Soraya préfère le hasard. Il est capricieux mais innocent, une créature puissante dansant sous le clair de lune. »

Ecouter la lecture de la première page de "Traverser les montagnes, et venir naître ici"

Fiche #3225
Thème(s) : Littérature française


Marie PAVLENKO

Un été avec Albert
Flammarion

2 | 215 pages | 22-07-2021 | 14€

C’est l’année du bac pour Soledad. Une fois cette formalité accomplie, un été d’enfer l’attend : départ pour des vacances en toute liberté avec copines et copains. Mais patatras, quelques jours avant, tout s’écroule. Ses parents se séparent, sa mère part en Sicile avec son nouveau compagnon et son père déprime. Résultat : direction les Pyrénées pour un séjour avec sa grand-mère, « ces trois semaines s’annoncent grises et maussades » ! L’enfer et l’ennui annoncés ! Pas de wifi, pas de télé, la campagne, coincée… Sa grand-mère prend soin d’elle, fait tout pour qu’elle ne s’ennuie pas, la confie à Doméné et son van un herboriste accompli. C’est avec lui qu’elle découvre sa cabane saccagée et un couteau ensanglanté : la peur pointe son nez… Des évènements étranges voire violents s’enchaînent mais sa grand-mère la rassure, elles seront toujours protégées par le chêne Albert qui veille depuis qu’elle et feu le grand-père l’ont planté… Un été qui va donc s’avérer beaucoup plus mouvementé que prévu… Une aventure qui mêle avec réussite le réalisme et l’imaginaire des contes

Ecouter la lecture de la première page de "Un été avec Albert"

Fiche #2711
Thème(s) : Jeunesse


Marie PAVLENKO

Bientôt minuit
Flammarion

1 | 280 pages | 05-04-2021 | 19€

Ils sont nombreux les invisibles dans notre société moderne (pourquoi perdre du temps avec ces non-productifs ?) et « Bientôt minuit » nous ouvre les portes du repaire de l’une d'elles : les anciens, les personnes âgées, le 4ème âge… Séjour dans un établissement côté, la pension des Alouettes, une pension qui se paie au prix fort, au plus près du quotidien de Lucien qui, après s’être retrouvé en pyjama, perdu, au milieu de la rue, décide que c’est peut-être le moment. Il invite un ancien amour à le rejoindre, ils s’étaient promis de finir ensemble, alors Emma va le retrouver. Ils ne se font pas d’illusion sur ce qu’ils sont et sur où ils vont (« Ils sont enceints tous les deux, gros de leur mort, reste à connaître le terme. »), mais désirent partager leurs derniers moments et si possible, quelques-uns seront beaux. Mais l’environnement et cet isolement sont-il propices à laisser poindre ces quelques instants lumineux ? Chaque être est différent, dans son histoire, dans son ressenti, dans son état actuel, mais l’individu est nié, effacé, devient invisible, absent. Infantilisation, violence, délaissement, mépris, manque de temps, horaires inattendus, goûters, repas douteux, douches quand c'est possible, liberté perdue… Les quelques personnes attentives et attentionnées ne permettent d’oublier ces épreuves. Heureusement les souvenirs partagés permettent de s’évader quelques instants mais la seule solution ne serait-elle pas de partir, « Partir. Partir et faire comme si ils avaient un avenir. ». Dans cet espace inhospitalier (doux euphémisme), Marie Pavlenko réussit néanmoins à dégager quelques moments de tendresse et même de sourires, mais hélas, quiconque a déjà franchi la porte de ces établissements, reconnaîtra le réalisme de la description, inhumanité et violence transforment ces établissements en triste et terrible mouroir où tout amour, empathie et attention sont absents.

Ecouter la lecture de la première page de "Bientôt minuit"

Fiche #2663
Thème(s) : Littérature française