« Comment se débarrasse-t-on du désir ? L’exprimer, c’est semer une graine, savoir que d’une manière ou d’une autre elle va pousser. C’est l’admettre et se soumettre à quelque chose qui se situe à l’extrême limite de ta faculté de compréhension. »
Caleb Azumah Nelson
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Premier roman extrêmement ambitieux, fresque remarquable qui nous entraîne dans l’histoire de la Yougoslavie à travers celle du jeune Aleksandar, de sa famille et de ses proches. Nous sommes à l’époque où la Yougoslavie est encore unie (« l’époque où tout était bien ») et Aleksandar qui vit à Visegrad est particulièrement attaché à Slavko son grand-père membre du parti. Slavko a fait de lui un magicien révolutionnaire et Aleksandar ne manque pas de motivations (« Je suis contre la fin, la destruction ! Il faut suspendre l’achèvement. Je suis le camarade en chef de ce qui continue pour toujours et je soutiens ce qui va ainsi de suite ! »). Il garde toujours en mémoire les récits enflammés de son grand-père et sa mort (« …Slavko était assis au moment où, à Tokyo, Carl Lewis battait le record du monde, Grand-père Slavko est mort en 9 secondes 86, son cœur a couru au coude à coude avec Carl Lewis… ») marque définitivement Aleksandar. Puis la guerre civile provoquera l’exil de la famille vers l’Allemagne, intégration ardue dans une Allemagne en cours de réunification. Aleksandar grandit et écrit, encore et toujours (« Nous nous étions fait une promesse d’histoires, maman, …une promesse toute simple : ne jamais arrêter de raconter »), sur son quotidien, son exil, mais surtout sur l’histoire de son pays et de la guerre qui l’a achevé (on apprendra que Tito est mort trois fois), de la guerre qui remet en cause les fondements des individus et d'un pays, un pays perdu où tous vivaient ensemble et qui connut une forme de bonheur. Mais l’histoire de la Yougoslavie ne peut être déconnectée du reste du monde et même si les Européens furent longs à être concernés par cette guerre, cette histoire est aussi la nôtre et ce roman en témoigne brillamment. Un roman inventif dans le fond et la forme, fou, exubérant, ancré dans notre quotidien, vivant, vif, parfois cru, parfois burlesque (l’inauguration des nouveaux cabinets est une scène digne de Kusturica, il faudrait presque lire en écoutant la musique de Bregovic !). A découvrir.
« Plus tard, dans le livre qui parle du bon vieux temps, j’écris : On devrait inventer un rabot honnête qui saurait débarrasser les histoires de leurs copeaux de mensonges et les souvenirs de l’illusion. Je serais un collectionneur de copeaux »
Premier roman
Fiche #416
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Françoise Toraille