« Mais quelle que soit l’ampleur de nos coupes, année après année, telle un lierre têtu et dévorant, lentement, notre mémoire nous tue. »
Jean-Paul Dubois
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Cécile CHABAUD
De femme et d'acier
L'Archipel
1 | 228 pages | 28-10-2024 | 20€
Dans ce roman émouvant, Cécile Chabaud écrit à la première personne le journal d’une femme exceptionnelle et presque inconnue. Auprès de celle qui fut l’unique femme médecin au front pendant la Grande Guerre, d’autres femmes sont à l’honneur : sa mère qui l’encourage dans ses études, les infirmières, héroïnes invisibles, les femmes « savantes » et engagées qu’elle va croiser ou côtoyer : Marie Diémer, Marie Curie, Anna Coleman Watts Ladd... En écrivant pour Nicole Mangin ce journal, l’autrice nous fait partager ses souvenirs, à la fin de sa vie (elle n’a que 40 ans !). Elle évoque toutes les difficultés de son parcours de femme et d’épouse autant que sa vie de médecin, marquée par plus de sacrifices que de signes de reconnaissance de ses pairs. Souvent ils la rudoient et la méprisent : son savoir et sa ténacité les dérange. On est pris par la lecture, même si ce sont souvent des scènes horribles que nous décrit, sans fausse pudeur, le médecin Girard-Mangin, envoyée par erreur à Verdun, « un secteur très calme »... Nicole est mobilisée sur le front car on prend le nom de son ex-mari, Girard, pour son prénom. Il est tellement impensable qu’une femme soit médecin ! Ce livre est aussi un témoignage édifiant sur la guerre, absurde et qui déshumanise. Et quand la guerre s’achève, le combat n’est pas fini, car la grippe espagnole prend le relais des marchands de canons. Pas le temps de s’apitoyer sur soi-même.
Femme intelligente, sensible mais dure à la tâche et dure avec elle-même, Nicole Mangin choisira sa mort : cela reste tu. Spécialiste de la tuberculose et des maladies contagieuses, médecin au front, puis, entre autres, à l’hôpital Edith-Cavell (une autre femme méconnue), elle va devenir la co-fondatrice de la ligue franco-américaine contre le cancer. Elle est bien placée pour être lucide sur son état de santé quand la maladie la frappe. Elle ne sera jamais décorée de son vivant, seuls « ses typhiques de Glorieux » eux, auront su lui témoigner leur reconnaissance de gueules cassées ainsi que Cécile Chabaud, qui ici lui rend hommage et nous permet de connaître désormais son nom.
Christine J.
« Le patriarcat est bien trop enraciné. C’est un cancer incurable. Le vote aux femmes ? Une chimère. Nous sommes traitées comme le fou, l’enfant, le vagabond et le criminel. »
Fiche #3259
Thème(s) : Littérature française
- Chabaud