« ... à partir d’un moment, la maturité, ça se calcule en expériences plus qu’en année. »
Marius Degardin
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Ce qu’il reste de la famille Cipriani occupe dans la rue de la Folie-Méricourt à Paris dans les années 80 un restaurant italien à l’abandon, L’Amore e Gusto. La mère et le père ont en effet déserté de longue date. Benito (prénom choisi par son père...) dit Benoît (le narrateur) vient d’avoir 18 ans. Il accompagne son très sûr de lui et en colère frère Primo, son frère artiste et aveugle Piero, et sa sœur adorée Chiara. Avant de partir, leurs parents leur ont fait vivre le pire et les quatre sont marqués à jamais. Certains fricotent parfois avec la folie. Alors quand une lettre annonce le retour de la mère, la fratrie vacille, les histoires commencent d’être dites et Benito tente de se suicider dans la cuisine ce qui lui vaudra un séjour à Sainte-Anne... Pourtant Benito, malgré toutes les difficultés, tous les handicaps, a la rage, rage contre les injustices, rage de vivre, rage contre les regards inquisiteurs, les jugements péremptoires... Il a la gouaille et le parler vrai qui font tilt, les formules s’enchaînent et percutent, bousculent, font rire. Malgré l’état des lieux, le propos n’est jamais pesant, misérabiliste, larmoyant, c’est vivant, rythmé et finalement plein de vie avec une palette de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Portrait douloureux et bouleversant et pourtant plein d’espoir d’un p’tit gars écrasé par les dérives des adultes.
Premier roman
« ...les histoires de famille ont la très mauvaise habitude de se consumer dans un odieux silence... »
« Le monde des adultes, c’est cradingue et ça pue le tabac froid : une locomotive qui fonce vers la mort. »
« Dans la joie, il peut y avoir de la peur, mais pas l’inverse. »
« Ce qui est terrible avec l’abandon c’est que ça se terminera jamais. »
« ... à partir d’un moment, la maturité, ça se calcule en expériences plus qu’en année. »
« Le lendemain matin, j’étais en pleine gueule de bois de l’existence. »
« Une fois le petit écran allumé, les images nous sucent les pensées. »
« Il n’y a parfois plus que la fuite comme solution. Surtout avec la famille. »
« ... il faut aller jusqu’au bout de la nuit et ne pas chercher un refuge au fond. »
« On imaginera jamais comment les gens morflent derrière leur sourire. On se doute pas de leurs souffrances. On se contente de leur force parce que ça nous arrange un peu, en vrai. »
Fiche #3354
Thème(s) : Littérature française
Isabelle AUPY
L'homme qui n'aimait plus les chats
Les éditions du Panseur
1 | 122 pages | 23-04-2019 | 12.5€
Ils habitent une île. Le narrateur, vieil homme, nous informe que sur le continent, ils étaient différents. Ici, ils sont venus chercher autre chose, construire un autre monde, vivre sur une île est nécessairement singulier (« On voulait trouver une manière d’être comme soi, tout simplement. »). Les chats, libres et indépendants comme toujours, partageaient cette île avec les humains jusqu’au jour où sans aucune explication, chats errants, chats domestiques, les félins disparaissent discrètement. Comment ? Pourquoi ? Cette disparition marque une rupture. Les îliens aimeraient trouver une explication et en informent le continent. L’Administration comme à son habitude trouve la solution, les comprend et prend en compte la nécessité de la présence des chats sur l’île. Pour les remplacer, des chiens sont débarqués du continent et l’Administration qui parle « le convaincu » (une langue que nous subissons aussi depuis si longtemps…) précise aux habitants que ce sont des chats. On leur fournit même la laisse pour promener ces nouveaux chats et on leur vante leur caractère, « Ce sont des chats puisque tout le monde le dit. » Que faire ? Certains acceptent cette proposition, d’autres font mine de l’ignorer et certains la refusent : début d’une désunion sur l’île. Un chat, un chien, tout cela n’est-il pas qu’une habitude ? Une question de langage ? Pourquoi ne pas évoluer, passer outre ? Ca n’est pas si grave, pourquoi se révolter ? Quelle évolution entraînera la venue de ces nouveaux chats ? Le récit dresse les portraits notamment de ceux refusant cette injonction et abordent avec originalité le contrôle des individus, comment imposer sa volonté, sa vision par le langage, comment générer la désunion et le passage du « on » au « je ». Les deux citations en épigraphe de Bradbury et Orwell illustrent parfaitement les thématiques de ce premier roman abouti et maîtrisé qui questionnera efficacement chaque lecteur.
Premier roman
Fiche #2319
Thème(s) : Littérature française