« Il est impossible de se rassasier de la mer. »
Anne-José Lemonnier
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Adélaïde vit à Paris avec son mari et ses deux enfants lorsqu’elle apprend la mort de son père. Retour à Bruxelles, un voyage, une pause dans sa vie de femme, sa vie de mère, sa vie amoureuse propice à un retour dans le passé et sur une enfance singulière. Elle grandit au milieu de trois adultes (« Chez moi, il y a une maman qui dort entre deux papas, chacun fait un peu ce qu’il veut quand il veut… »), une mère, deux pères, un couple à trois face à une petite plutôt solitaire avec sa chatte Raspoutine, Eluard son hamster et ses grands-parents aimants mais bien éloignés. Les regards qui se posent sur eux, sur elle, lui font ressentir très tôt leur différence, sa différence et il lui faudra déployer beaucoup d’énergie pour se faire accepter mais aussi pour accepter les autres. Mais peut-être est-ce le fondement de son questionnement sur l’amour, sur la vie. Elle déborde d’énergie et de vie, mais la mélancolie, la colère voire la violence ne sont jamais très loin. Ce décès fait tout ressortir : rancœur, joie, tendresse refoulée, connivence, douleurs… et le cœur de sa vie, la solitude et l’anormalité, hier et aujourd’hui. Adélaïde nous fait partager son intimité, son questionnement sur sa façon de vivre, d’aimer, d’être aimée, de continuer de grandir et de s’accomplir en tant que femme et elle le fait franchement, sans retenue, avec beaucoup d’autodérision, on rit souvent, parfois jaune, dans une atmosphère moqueuse et grinçante. Le style est direct, rythmé et très imagé. Une belle rencontre !
Premier roman
Fiche #2460
Thème(s) : Littérature française
Philip S. est issu d’une riche famille suisse qu’il quitte rapidement pour Berlin à la fin de l’été 1967. Il y vivra sa passion du cinéma, notamment au sein de l’Académie du film. L’homme reste discret mais vient à réfléchir à une théorie du cinéma, sans concession : « En tournant le dos à sa riche maison familiale, il avait rejeté sa froideur puritaine et son culte de l’argent. La liberté artistique était alors son seul souci, et il ne croyait pouvoir déchiffrer le monde qu’à travers l’intransigeante passion de sa vision créatrice. ». Il rencontre sa femme (la narratrice) et son fils qui l’accompagneront tout au long de sa trajectoire tragique. Il réalisera une œuvre, l’œuvre totale, son « Voyageur solitaire » qui donne l'explication globale de notre monde à qui veut bien la comprendre. Il demeurera longtemps à la recherche de « la frontière entre l’art et la vie », « … il est celui qui observe et qui montre… » Mais ses choix et sa réflexion l’amènent à s’engager et à fréquenter des milieux radicaux qui ne peuvent se satisfaire de l’observation. Et ce récit décrit parfaitement le basculement de cette trajectoire d’homme. Empreint d’absolu, il se laisse sciemment et irrémédiablement aspirer par l’action directe et sacrifiera « son art à la vie dans la clandestinité. ». Il met en place un double vie dangereuse avec sa femme et son fils entre les deux, tout en connaissant évidemment dès le début l’issu fatale de cette aventure. Son choix est fait, définitif, sans retour en arrière possible. Ulrike Edschmid tout en nous parlant d’art et de cinéma dresse le portrait sensible (et réussi) d’un homme engagé et révolté des années 70 qui ira jusqu’au bout de ses convictions, refusant de tricher et les compromis.
« Tout ce qui arrive dans le monde est lié à notre propre existence, qu’il s’agisse de la guerre au Vietnam, des anciens nazis au gouvernement ou de l’augmentation du prix des tickets de métro. Tout est lié, et chaque nouvelle problématique mène à un questionnement général sur la société dans laquelle nous vivons. Nous voulons tirer de chaque événement un concept nouveau. Et chaque concept représente un changement profond de la société qu’on appelle révolution. »
« Les adieux sont incompréhensibles, comme la mort. »
Fiche #1679
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Anna De Fries