« Patrick Dewaere m’a carrément sonné. Je voulais être comme lui. On aurait dit un verre de cristal fendu, impossible à toucher sans risque de le casser. »
Angelo Arancio
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
A Tharcy, petit village de campagne, cela devient exceptionnel, un café, le Bal, garde ses portes ouvertes. Grâce à Suzie, « le prénom d’une nostalgie ». Le café et Suzie ne font qu’un, une institution, un monument, ils semblent là depuis toujours. Un café à l’ancienne, où l’on vient discuter, rigoler, s’engueuler, écouter, ou simplement passer du temps, être ensemble, avec les autres, avec Suzie, totalement dévouée. Les anciens continuent de le fréquenter mais ils sont aujourd’hui rejoints par les nouveaux, les néo-ruraux venus s’installer à la campagne. L’un d’eux s’en distingue : Mr Peck, un ingénieur, digne, stylé, riche, qui a acheté le vieux presbytère. Suite à une grave maladie, il repart quelques temps vers la ville. De retour après guérison, il est accompagné du robot Tchap, assistant de vie électronique (AVE), qu’il a développé et mis au point. La froide bestiole dérange et intrigue. Cette nouveauté inattendue provoque en effet étonnement, inquiétude, peur… à la fois du côté des anciens mais aussi du côté des nouveaux arrivants pour diverses raisons. Suzie d’abord en retrait est curieuse et ouverte et va donc progressivement s’y intéresser, les deux vont s’apprivoiser et Suzie s’ouvrira à Tchap comme à personne. Elle lui confiera ce qu’elle n’a jamais avoué à quiconque : son enfance, ses souvenirs douloureux, ses parents… mais le passé, certains préfèrent l’oublier et Tchap l’apprendra. Anne Delaflotte Mehdevi donne naissance à des voix qu’elle sait nous faire entendre, dresse avec son talent habituel le portrait de deux mondes amenés à cohabiter même si le plus ancien est en voie d’extinction, le portrait d’une femme (et de son café) attachante et nous interroge sans manichéisme sur l’installation dans l’intimité « des bêtes à sang chaud » d’une technologie toujours plus puissante et intrusive.
« Les gens romancent leur vie par procuration… Les ragots sont une distraction qu’on s’offre à la campagne à défaut de théâtre… En Province, la mise de départ, au jeu du pas vu pas pris, est beaucoup plus conséquente. »
« L’imprévu pour une machine, c’est la panne. Pour nous le hasard, une coïncidence, l’imprévu c’est la vie. »
Fiche #3134
Thème(s) : Littérature française
Marguerite, fille et petite-fille d’enlumineurs, n’est pas née garçon au grand dam de certains, notamment de sa mère qui ne lui sera jamais d’un grand soutien. Et dès son plus jeune âge, son caractère s’affirme. Consciente de se tenir sur « le bord du monde », elle sait que son univers tournera autour de l’art, des couleurs et du livre. Elle réussira ainsi à s’imposer dans l’atelier familial parisien d’enluminures, son grand-père et son père cèderont devant l'affirmation de sa passion. Elle se confrontera aux couleurs, apprendra trouver les bons pigments (merci à son parrain d’apothicaire), à créer les couleurs, les faire jaillir, les maîtriser, les admirer, les sentir : « Le Moyen Âge est friand de couleur vive autant que d’épice. La couleur est l’apanage de la nature, de nature divine, des Hommes qui en ont extrait les secrets et de ceux qui peuvent se les payer. Plus elle est vive, saturée, plus elle est enviable, enviée… La couleur n’est pas l’extraordinaire de Marguerite, elle est l’air qu’elle respire pour tenir. » Après un mariage non désiré, elle rencontrera un Maure, Daoud, qui fait une discrète halte à Paris avant de s’exiler avec Colomb. Elle découvrira avec lui une autre félicité, un autre monde que la peinture et les couleurs... Comme souvent dans ses romans, érudition et émotion animent le texte d’Anne Delaflotte Mehdevi qui cette fois dresse le portrait au cœur d’un Paris moyenâgeux (XVème) d’une femme volontaire, résistante, déterminée et singulière qui nous permet de partager son remarquable livre des heures et son élaboration.
Ecouter la lecture de la première page de "Le livre des heures"Fiche #2821
Thème(s) : Littérature française
Slávek Sykora est un vieil homme de plus de quatre-vingts ans, il est né le 21 juin 1707, qui contemple maintenant Prague et écoute ses rumeurs depuis sa fenêtre. Alité, il sent qu’il est temps d’écrire son testament (« Et puis quoi, je suis vieux, la fête est finie. ») ou le journal de sa vie. Enfant, il vivait heureux avec ses parents (« Ma mère était merveilleusement ma mère. ») lorsque, à l’âge de sept ans, la calèche du comte Sporck le renversa. Ses deux jambes broyées, sa vie bascula. Le comte en effet prit en charge son éducation et lui permit de travailler dans un théâtre et de s’occuper de l’éclairage devenant le « maître des lumières », d’un effroyable drame jaillit donc la lumière. Le récit est autant le portrait d’un homme amoureux du beau, du théâtre, de la musique, de l’opéra, de l’art, que de la vie artistique et culturelle du Prague de l’époque. Mais les épreuves n’épargnent pas non plus Prague qui vit les rivalités acerbées des religions et les guerres à répétition qui éprouvèrent régulièrement cette région. Anne Delaflotte Mehdevi nous offre les portraits du Prague des lumières, de ses conflits et de ses habitants du plus modeste au plus célèbre et nous fait partager l’histoire qui préfigure les bouleversements au cœur de l’Europe du siècle suivant. Quatre cents pages qui se dévorent grâce à son style, à sa construction, à son rythme, on a souvent l’impression de dialoguer avec Slávek un homme qui restera toujours du côté de la lumière et ancré définitivement dans sa ville : « J’ai le sentiment d’avoir vécu au bord, au bord du bonheur, au bord d’une scène, au bord d’un pays, mais dans Prague toujours. ».
Ecouter la lecture de la première page de "Le théâtre de Slávek"Fiche #2120
Thème(s) : Littérature française
C'est toujours avec plaisir que l'on retrouve un personnage ancré dans notre mémoire, Anne Delaflotte-Mehdevi et Mathilde l'héroïne de la Relieuse du Gué sont en effet de retour pour notre plus grand plaisir. Mathilde, la relieuse, est cette fois confrontée à une autre femme, Astride, relieur-doreur quant à elle. Et Astride lui fera rapidement sentir le fossé qui les sépare. Au coeur de ce face à face, un manuscrit, un bijou, un exemplaire du Premier Folio de Shakespeare qui cache un autre trésor pour qui saura résoudre le mystère, et Mathilde, on commence à le savoir, est persévérante... Tout au long des trois actes, les deux femmes vont s'affronter, relation tendue, le venin d'Astride jaillit, tempéraments différents, approches divergentes, malgré une passion évidente partagée. Toujours autant de tact et de maîtrise dans la narration d'Anne Delaflotte Mehdevi qui sait parfaitement tenir en haleine le lecteur et lui faire partager son amour de la reliure, du beau geste artisanal et du livre.
Ecouter la lecture de la première page de "Le portefeuille rouge"Fiche #1645
Thème(s) : Littérature française
Touché par le départ de sa femme, Landry, paysan français, décide de participer à un voyage organisé et part découvrir avec quelques collègues les vastes étendues du Grand Nord. Lors du séjour, il se blesse et les laisse repartir. Il tient compagnie à son nouvel ami Germain, ancien chercheur en biologie cellulaire qui a tout abandonné pour s’installer au Groenland. Lors d’une promenade, il surprend un nid de sanderlings, petits limicoles qui migrent le temps venu vers des contrées plus clémentes. Mais le temps de la migration est aussi venu pour Landry et il revient au pays, retrouve ses enfants, son exploitation, tous les personnages du village notamment la tenancière du café, lieu essentiel où la parole se libère. C’est alors que, bien loin de là, au nord de l’Europe, un volcan rentre en éruption et libère un énorme nuage de cendres, qui au gré des vents envahit progressivement l’Europe et la région jusqu’à l’étouffer et provoquer d’importantes migrations (humaines). Bouleversement total, réactions extrêmes, peurs, l’apocalypse est parfois imminente. Nouveaux dangers, nouvelles violences mais aussi nouvelles solidarités. Néanmoins, une vie inédite s’organise dans un environnement chamboulé par cette catastrophe naturelle. Le soleil disparaît. Faut-il partir ou attendre le retour du soleil et la prochaine migration des sanderlings ? Anne Delaflotte Mehdevi nous précipite dans un monde paysan ébranlé par ce nuage et ses conséquences et dresse des portraits denses et sincères d’un univers qui vacille.
Ecouter la lecture de la première page de "Sanderling"Fiche #1361
Thème(s) : Littérature française
Clothilde et Vincent vivent dans un petit village de Bourgogne avec leurs quatre enfants et Beau le montagne des Pyrénées. Le jour de la rentrée scolaire, elle est seule avec Beau et écoute la musique qu’elle adore. Pourtant la vie de Clothilde bascule après le coup de téléphone qui retentit : la maîtresse de l’école la prévient que Madeleine s’est échappée par une fenêtre de l’école et a fugué. Clothilde est terrorisée et part à sa recherche, crie, hurle le prénom de sa fille et sa détresse. Aidée de Beau, elle retrouve rapidement la petite fille saine et sauve, mais perd sa voix (dysphonie spasmodique : « altération de la voix due à des spasmes des muscles du larynx »). « Fugue » raconte comment Clothilde va appréhender cette situation singulière dans sa vie et adapter sa communication avec ses proches. Situation d’autant plus atypique, que, si elle ne peut parler, elle chante. Passionnée par la musique, elle en profite pour prendre des cours de chant et affirmer sa voix (mais pas seulement). Affirmer sa voix, s'affirmer en tant qu'être humain et femme. Elle refuse les traitements médicaux qui remédierait à sa perte de parole et commence une nouvelle vie, devient une autre femme. Son entourage réagit diversement à ses choix, elle était mère et femme quasiment exclusivement au services des autres, elle devient en plus chanteuse lyrique et assouvit sa passion pour la musique. Un superbe, émouvant et réconfortant portrait de femme qui par la musique et le chant saura trouver le chemin qui mène au bonheur.
« Peut-être était-ce cela la différence entre les hommes et les femmes, une différence si menue : le monde de l’intime. Un abîme, un puits noir et étroit comme un larynx. »
Fiche #790
Thème(s) : Littérature française