« Les Etats-Unis ont toujours une guerre à te proposer pour expier tes fautes. »
Juan Villoro
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Elles sont sœurs et ne font qu’une malgré leur grande différence d’âge, dix-neuf années les séparant. En effet, devenue adulte, la narratrice, la plus jeune d’entre elles, se décide enfin à revenir sur leur existence. Ses cinq premières années furent baignées par son admiration et son amour absolus pour sa grande sœur. Une sœur différente, restée enfant, versatile, aussi joyeuse que triste, aussi rieuse que désespérée. La cause restait mystérieuse pour la petite fille, une maladie infantile, la terreur ressentie pendant les bombardements de Brest ou autre chose… Leur relation oscille entre joie et souffrance, compréhension et incompréhension, puis les adultes décidèrent de les séparer, la petite a cinq ans, et l’éloignement de sa sœur la bouleverse. Les rôles s’inverseront rapidement, la petite portera la famille sur ses frêles épaules, toujours, jusqu’à la fin, une vie sous influence, effacée, ignorée, bien loin de la liberté : « Alors il n’y avait plus rien, plus rien qu’elle, elle encore, la Sœur qui prenait toute la place, qui me volait ma vie jusqu’au bout, jusqu’à ce que je n’en puisse plus de lutter pour ma liberté. Comme si j’avais eu un autre chemin que le sien ! Comme si j’avais eu une autre peau que la sienne collée à la mienne ! Comme si j’avais eu un seul désir et la liberté de le réaliser ! » Elle passera beaucoup de temps dans les établissements médicaux, pour suivre sa sœur mais aussi sa mère. Un chemin oppressant, exclusif qui aurait pu la voir se perdre. Le personnel médical, pas toujours à la hauteur, est parfois loin de mesurer le poids de cette prise en charge solitaire. Puis son regard évolue, son appréhension de cette sœur différente change, les questions commencent à poindre, les silences questionnent, quelques énigmes apparaissent... Un long chemin, une émouvante confession où folie et amour s’unissent pour découvrir une vérité stupéfiante qui libèrera enfin la narratrice.
« Les normaux ne comprennent rien, ce sont eux qui sont fous. »
« Faut-il donc des êtres qui souffrent pour que les autres puissent goûter avec plus de délices leur misérable bonheur, savourer leurs joies dérisoires, s’empiffrer de leurs minuscules plaisirs d’un bout à l’autre de leur vie ? »
« Les fous marchent sur la crête de la vie, un souffle les renverse. »
Fiche #1931
Thème(s) : Littérature française
Léna, la cinquantaine, partage son existence en Paris et sa région natale, les Montagnes Noires de Bretagne. Léna vit seule, en souffrance mais un couple d’amis la mènera vers deux rencontres inattendues, de ces rencontres qui vous changent, qui réorientent votre vie, qui créent un lien indélébile, malheureuses ou heureuses, douces ou violentes, sombres ou lumineuses, de ces rencontres qui vous marquent à jamais. Elle croisera tout d’abord Ben, un jeune et bel Américain, son opposé qui pourtant il saura la séduire, elle y prendra du plaisir, y croira et finalement s’y brûlera et le repoussera. Puis elle se retrouvera aux côtés d’un couple et surtout de Maria, malade, qui se sait condamnée. Elle accepte néanmoins son destin avec sérénité, sait en parler calmement avec recul. Léna puisera de cette rencontre sagesse, partage, acceptation de soi et la force de continuer même seule. On retrouve avec grand plaisir l’écriture raffinée de Marie Le Gall dans ce bel hommage aux rencontres, aux rencontres qui font grandir et se trouvent souvent au centre de réconciliations. Et chacun aura droit à son (ses) rendez-vous : « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. ».
Ecouter la lecture de la première page de "Au bord des grèves"Fiche #1447
Thème(s) : Littérature française
C’est une histoire de famille, de relation filiale qui n’aboutira pas, de secrets et de silences. L’atmosphère est pesante et Marie-Yvonne, la narratrice, « petite fossoyeuse amoureuse des cimetières », y est sensible dès son plus jeune âge, les ancêtres, invisibles, rodent alors que les morts et la mort unifient la famille dans ces maisons imprégnées du passé et dans les cimetières (« On respecte les morts. Ils existent. On les aime jusqu’au bout et surtout au-delà. »). Initialement et pour très longtemps, la cause lui en demeure inconnue. Elle vole au détour d’une conversation un mot, une phrase, une question qui éveillent sa curiosité. Mais ce sont surtout "les encadrés" de la maison qui pèsent par leurs regards fixes, froids et définitifs sur la famille qui se tait et s’efface devant ses morts. La mort est omniprésente : « C’est l’histoire d’un homme, cinquième d’une famille de dix enfants, fils d’agriculteurs du Porzay, Finistère sud, ouvrier de l’arsenal de Brest, marquis de la p’tite gamelle, un homme assis chaque soir à table en face de ma mère. ». La narratrice est la fille de cet homme bien que, jamais de son vivant, elle ne pourra l’appeler papa ou mon père, il restera le Menuisier, cet homme taciturne. Ils se regardent de biais, s’épient, s’aiment mais jamais n’ébaucheront ne serait-ce que le début d’un dialogue. Leur symbiose totale les empêche finalement de se connaître, de se rencontrer. Ce n’est après qu’une longue enquête qu’elle découvrira le lourd passé dont elle a hérité, qu’elle a toujours ressenti et qui demeure inscrit en elle. Une belle écriture au service d’une quête lente et obstinée d’un secret familial entêtant dans la Bretagne des années 50.
Premier roman
« Je savais que la mort pouvait entrer sans prévenir comme une voleuse, que, sans la voir, on pouvait sentir sa présence toute-puissante et paralysante. Mais ça se passait chez les autres, ou avant ma vie. A la maison, elle était seulement sur les murs, c’était sa place, immuable. Nous étions les gardiens de nos morts. »
« Nous ne sommes pas seulement héritier d’un patrimoine génétique, mais d’un nombre infini d’émotions transmises à notre insu dans une absence de mots, et plus fortes que les mots. »
Fiche #621
Thème(s) : Littérature française