« Le monde a commencé sans l'homme et il s'achèvera sans lui. »
Claude Lévi-Strauss
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La quarantaine, pour certains, est parfois l’heure du premier bilan. C’est le cas pour Hélène et Christophe en 2017, tous deux originaires d’une petite ville de l’est. Ils ont suivi des chemins opposés mais le mot qui les touche en ce moment, c’est gâchis (« Le sentiment de gâchis, la lassitude et l’impossible marche arrière. Il fallait vivre pourtant, et espérer malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis. »). Hélène a toujours voulu s’extraire, s’extraire de ce lieu, s’extraire de ce milieu et elle a en effet réussi à partir, une belle maison, un métier, un couple, des enfants, mais a-t-elle réussi ? Christophe, ancien hockeyeur sur le retour, n’a pas bougé, un enfant, divorcé, il vit chez son père, il vend des aliments pour chiens et a gardé ses potes d’adolescence et certains de ses rêves. Il espère que la vie pourra encore lui apporter de beaux moments, mais a-t-il réellement raté sa vie ? Nicolas Mathieu dresse un portrait emblématique de deux adolescents au moment des choix (mais y a-t-il vraiment choix ?) puis de deux adultes confrontés à leur milieu, la société, ses mythes et sa violence, leurs espoirs, leurs déceptions... Leur rencontre sera peut-être « une nième tentative de trouver son bonheur », ou a minima le partage de quelques instants lumineux pour ancrer ses souvenirs en mémoire et supporter le quotidien en abandonnant néanmoins quelques illusions. Entre l’histoire intime et chronique sociale et politique, Nicolas Mathieu nous offre un troisième opus avec un portrait (de l’enfance à l’âge adulte) de personnages toujours aussi vrais et attachants au cœur de la France contemporaine que certains nomment périphérique, et nous parle aussi de réussite, de déterminisme social et d’humanité. On ne sort pas indemne des romans de Nicolas Mathieu !
Ecouter la lecture de la première page de "Connemara"Fiche #2846
Thème(s) : Littérature française
Rose a atteint la cinquantaine en conservant charme et beauté mais en laissant derrière elle une vie avec ses joies, ses hommes et donc ses peines, un peu de bonheur, beaucoup de malheur. Les hommes constituent bien la partie triste et pénible de son bilan de vie. Elle est devenue quelque peu solitaire et a pris l’habitude de se rendre chaque soir après le boulot dans un café, le Royal, où elle a ses rites. Boire, lire le journal, regarder, écouter, et parfois rire avec sa copine Marie-Jeanne, la coiffeuse. Et puis arrive ce qu’elle s’interdisait, ce qu’elle ne croyait plus possible, Luc rentre dans le café avec un chien gravement blessé et finalement, elle se convainc que le grand amour est encore possible, ils n’appartiennent pas au même monde, mais peut-être est-ce une chance ? Pourtant elle sait que ce grand amour n’autorise pas tout, il faudra le prouver, l’affirmer, plus jamais elle ne veut revivre son passé, la tension va croître alors que la relation prend son essor... Nicolas Mathieu nous offre à nouveau un portrait émouvant d’une femme simple qui, malgré les obstacles répétés de la vie, n’a pas abandonné son envie de bonheur même si elle porte maintenant toujours avec elle un petit revolver… Encore un bel opus de la collection Polaroïd, un diptyque noir avec le Marin Ledun abordant la violence faite aux femmes.
Ecouter la lecture de la première page de "Rose Royal"Fiche #2437
Thème(s) : Littérature française Polar/Thriller/Noir
A quatorze ans dans les années 90 quand on découvre le monde à Heillange, au cœur d’une région où les hauts-fourneaux prennent leur temps pour s’arrêter et mourir, on rêve d’ailleurs, on rêve d’autre chose que la vie incarnée par ses parents. On rejoint ses amis, on croit former une bande, on écoute Nirvana, et pourtant on rêve. Et alors, c’est la première rencontre, le premier amour, on y croit. Et puis rapidement, on s’aperçoit que la société est morcelée et que l’on n’appartient pas au bon morceau, au bon côté. Alors, la survie commence avec quelques instants d’euphorie et de joie qu’il ne faut pas rater et surtout beaucoup de tristesse et de désespoir. Combien réussiront à partir ? Combien seront condamnés à rester ? Pourront-ils exister librement ? Où sont passer les collectifs d’antan ? Un grand roman d’initiation générationnel qui revient sur le début de la période où la nouvelle génération ne vivra pas mieux que ses parents, où les politiques menées en Europe par l’ensemble des partis de droite comme de gauche ont accepté de sacrifier des pans entiers de leurs sociétés, sacrifice humain autant qu’abandon de territoires et en ce sens, ce brillant et émouvant roman a hélas de multiple résonances aujourd’hui encore.
« On mourrait maintenant à feu doux, d’humiliations, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveillé à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi. Depuis que les usines avaient mis la clef sous la porte, les travailleurs n’étaient plus que des confettis. Foin des masses et des collectifs. L’heure, désormais, était à l’individu, à l’intérimaire, à l’isolat. »
« Ces femmes qui, d’une génération à l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’assurer la persistance d’une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux… »
Fiche #2233
Thème(s) : Littérature française