« L’homme meurt si on le prive de pain, mais il dépérit et se fane en l’absence de rêves. »
Jon Kalman Stefansson
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A Riambel sur l’île Maurice, une route marque une vraie frontière entre deux espaces, deux mondes. « Les gens importants. Les petites gens. » Richesse, pauvreté. Exubérance, dénuement. Taudis, riches demeures. Soumission, pouvoir et manipulation. Employé, patron… des vies opposées à 10 mètres d’écart. Noémie est née du mauvais côté de la route, son triste destin est prédéfini. Sa mère a toujours travaillé pour ceux d’en face, une famille de Mauriciens blancs, les De Grandbourg. Sa sœur suivra le même chemin. Puis elle. Une histoire sans fin qui se répète génération après génération. Ils les dominent, ils s’en servent puis ils les jettent, « c’est comme ça et ça l’a toujours été ». Pourtant, enfant, elle est pleine de vie, d’envie d’apprendre (même si elle ne fréquente pas l’école des Blancs), de lire (« Je lis parce que ça me permet de voyager et de découvrir des endroits dont je ne peux que rêver. Ouvrir un livre, c’est comme plonger dans un océan scintillant de promesses. »), de joie, de rire. Elle croira en l’un de ces jeunes blancs, une naïveté qui la confrontera avec le mépris et la manipulation (« Nos vies ne méritent pas d’être écrites - mais seulement ostracisées. »), lui coûtera cher et la ramènera à sa place en lui rappelant le destin tragique de sa sœur. La colonisation est paraît-il terminée, certains colons sont repartis et pourtant l’histoire reste un éternel recommencement, et les conséquences de la colonisation traversent les générations. Noémie rêve encore parfois que « Le passé est ton présent mais ne laisse pas le passé être ton futur. » même si elle continue aussi de pleurer « à cause de ma grand-mère. De ma mère et de ma sœur. A cause de ce qu’on a été. De ce que je suis. De ce que nous serons toujours. » Un roman important au style ciselé qui fait planer une certaine douceur en contraste absolu avec l’indignation qu’il suscite et la violence qu’il décrit.
Premier roman
Fiche #2913
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Haddiyyah Tegally, Priya Hein
La vie et le destin d’une petite Amérindienne sont bien souvent préétablis et guère joyeux. « Crazy brave », récit autobiographique écrit à la première personne de Joy Harjo, montre qu’une autre voie est possible. En respectant ses ancêtres, sa culture, sa connaissance de Gaïa, son Histoire, avec beaucoup de courage et de volonté, « Les tiens n’ont pas fait tout ce chemin à pied pour que tu laisses tomber tes rêves. », guidée par son « système d’alarme », Joy Harjo choisira le chemin de l’art, de la peinture (« Peindre c’était être proche de mes ancêtres. »), de la poésie, de l’écriture et écrira sa propre histoire commencée par deux grossesses précoces et deux compagnons violents bien décidés à lui imposer sa place. Sa communion avec la nature, les ancêtres, leur croyance, la musique et les mots la sauveront. Elle sait que sa génération est à un tournant pour sa communauté, « Ma génération incarne aujourd’hui notre mémoire. », il faut donc graver leur histoire, sans oublier leur passé en étroit lien avec la nature, puis le chemin contraint imposé par les Européens et les Américains jusqu’à « la colonisation » et « la déshumanisation ». Une belle découverte que ce récit, ce conte, ce long poème magnifiés par la musique amérindienne des mots et d’une femme courageuse et volontaire qui se libèrera par les mots.
Ecouter la lecture de la première page de "Crazy brave"Fiche #2481
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Joëlle Rostkowski, Nelcya Delanoë