« Rien n'est plus vertigineux qu'une photo d'enfance, s'y miroiter devant l'être que l'on ne sera plus et qui sommeille en nous revient à tenter de voir un fantôme en plein jour. »
Hafid Aggoune
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
C’est toujours avec bonheur que l’on retrouve les atmosphères légèrement surannées de Robert Seethaler, ses personnages et leur humanité : Simon, l’homme qui reprend ce café sans nom rapidement épaulé par Mila, une jeune femme volontaire fraîchement licenciée de son usine, est à cette image : discret, réservé, débordant d’empathie envers toutes ces personnes qui vont franchir la porte de son café : qui pour discuter, qui pour rêver, qui pour ragoter, qui pour observer en silence, qui pour nouer connaissance, qui pour partager ses espoirs et ses drames… Malgré parfois quelques discussions enflammées, tous viennent chercher une forme d’apaisement alors que Vienne est en pleine reconstruction. Comme dans un village, les deux associés vont créer un espace particulier, d’écoute et d’attention et chacun se plait à retrouver l’autre et ce lieu particulier, chaque lecteur prendra place discrètement parmi eux avec un grand bonheur.
« Quand je ne comprenais pas un homme, je me contentais de sourire. Je crois que j’ai passé la moitié de ma vie à sourire. »
« … les souffrances ne sont que les petits coups de griffe de la vie. Là où ça devient grave, c’est quand on cesse de les ressentir. »
Fiche #3047
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes, Herbert Wolf
Gustav Mahler est assis sur le pont du paquebot l’Amerika pour certainement son « dernier mouvement », il revient d’une tournée américaine. Seul, emmitouflé dans une couverture, dans le froid et le vent, il observe la mer, l’horizon, le ciel, les odeurs et les bruits. Le musicien continue de créer avec la même envie et la même fougue, mais le corps peine à suivre, un monstre de travail dans un corps chétif. A cinquante ans, il est déjà fatigué. De cette contemplation naissent les souvenirs, ses rêveries n'étant interrompues que par un jeune garçon de cabine chargé de le surveiller, de le protéger. Alors il se retourne sur son passé, son enfance, son amour pour Alma, son amour pour ses filles, le décès de sa fille aînée... Mais évidemment il revient également sur son art, son exigence, son travail incessant (« Tout était toujours en chantier. Et lui toujours sur la brèche. Travailler signifiait toujours retravailler. »), son succès. Une vie d’homme, une vie d’artiste et de créateur passionné décrites avec tact, sensibilité, délicatesse, intensité et profondeur avec un style ciselé, tout en suggestion.
« J’ai l’impression d’avoir à peine commencé, et voilà que c’est déjà fini. C’est donc comme ça, mourir, se dit-il. Se tenir tranquille et attendre. »
« La musique n’avait besoin de rien ni de personne, elle était là tout simplement. »
Fiche #2809
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes
L’homme vient dès qu’il le peut dans ce lieu particulier : le cimetière de Paulstadt. Depuis la seconde guerre, il a connu la plupart de ceux qui sont enterrés là. Et il les entend parler, paroles d’hier mais encore aujourd’hui depuis ce banc qu’il s’est accaparé. Alors il devient le passeur de mots, le passeur d’histoires. Chacun va se raconter pour dresser le portrait d’une petite ville par ses habitants, leur destin, des moments de vie furtifs ou pas, leurs aventures, leurs mésaventures, leurs rencontres, leurs vies et leurs morts. Ce collectif simple, modeste, qui fleure bon la douce mélancolie nous démontre que ce qu’il reste d’une vie n'est souvent qu’un instant fugitif, une étincelle de bonheur, un visage croisé, une larme qui peine à tomber, un paysage lumineux, un arbre qui nous attire, un flocon de neige qui s’égare… Robert Seethaler nous émeut dans la simplicité et la modestie, avec sensibilité il met toujours l’homme, l’humanité et la vie au cœur de ses romans, sans artifice, loin des palais et des richesses amassées, notre bonheur n’est pas là, et ses romans font partie des rencontres qui éclairent une vie.
Ecouter la lecture de la première page de "Le champ"Fiche #2456
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes
« Mélodie de Vienne » relate la vie d’Henriette Stein, une jeune femme juive, belle et élégante, une jeune Autrichienne de la fin du XIX ème qui se marie, sans amour, avec Franz Alt. Elle rejoint donc sa famille (facteurs de piano), la bousculant dans ses habitudes et dans la vie bien rangée qu’elle mène. Ils ne sont pas nobles, mais les fréquentent, un monde de faux-semblants où l’ambiance est feutrée (« …les phrases convenues, si peu vivantes… ») et où la frivolité d’Henriette détonne. Pourtant, ils vivent tous ensemble, et elle sera contrainte de mentir, de mentir, pour vivre, elle, la sensible au cœur d’un monde froid et distant. Une magistrale saga familiale illuminée par une écriture élégante et délicate mais aussi un portrait rare de l’Autriche de la fin du XIXème au début du XXème qui a évidemment des résonances avec notre époque : l’Autriche des Habsbourg aussi raffinée qu’irrespectueuse de l’humain, l’Autriche fière, l’Autriche de la musique et de la littérature qui suivra Hitler, l’Autriche guerrière et expansionniste.
« Gouverner signifie donner aux gens un présent et - surtout - un avenir ! Or tout ce qu’on nous donne, c’est, au mieux, un passé galvanisé ! »
« Mais la vie est fondée sur le respect, et qui n’en a pas, comme vous, et ne l’exige pas comme moi, n’est pas libre comme vous le pensez, mais moins libre que tous, car il est dominé par des jugements arbitraires ou faux. »
Fiche #1889
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes
Robert Seethaler nous emmène à la rencontre d’Andreas Egger dont nous allons suivre pas à pas la vie entière. Andreas est un homme que l’on n’oublie pas. De la lenteur, peu de mots, et pourtant ! Pas de long discours pour le décrire, seulement un regard, un regard sur ses mains, Andreas fait en effet partie des hommes que leurs mains décrivent, une vie de labeur sans plainte, éprouvante et acceptée, mais qui n’empêche pas quelques espoirs et quelques instants de bonheur. Portrait bouleversant et attachant, tout en retenue, débordant d’émotion qui se lit d’une traite.
« Les cicatrices sont comme les années, se disait-il, elles s’accumulent petit à petit, et tout ça finit par faire un être humain. »
« Alors qu’un homme selon lui devait élever son regard, pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible. »
Fiche #1676
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes
Julia Franck revient sur le temps où l’Allemagne était divisée en deux. Exceptionnellement, après de longues enquêtes et moult humiliations, certains habitants (« traîtres ») de l’Allemagne de l’Est obtenaient le droit de rejoindre l’Ouest. Pourtant, passer la frontière ne marquait qu’une étape quasiment anodine de leur exil. En effet, la suite passait par le camp de Marienfelde à Berlin dont Julia Franck retrace le quotidien par une série de portraits émouvants. Nelly Senff dont le mari a disparu rejoint l’Ouest avec ses deux enfants pour théoriquement se remarier. Déterminée, obstinée, réfléchie, intelligente, cette femme allait se heurter à la promiscuité, aux enquêtes et interrogatoires de la CIA, aux suspicions et doutes y compris dans le camp. Les communautés issues du bloc de l’Est ne s’y mélangent pas, elles s’observent, s’épient, parfois agissent en espérant se protéger… Un roman bouleversant sur une période contemporaine de l’Allemagne maintenant réunifiée.
Sélection Prix Page des Libraires 2011
Fiche #995
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Elisabeth Landes