« ...la sociabilité, chez les adolescents, est un champ de mines... »
Thomas B. Reverdy

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Romans traduits par Laura Derajinski

Joe WILKINS

Ces montagnes à jamais
Gallmeister

7 | 310 pages | 27-03-2020 | 23€

Dans le Montana, au cœur des Bull Moutains, Wendell Newman, 24 ans, se retrouve seul avec ses dettes dans son mobil-home. Sa mère vient de mourir et son père a disparu alors qu’il était gamin, en fuite dans les montagnes ou mort, seul, en pleine nature. Il travaille dans un ranch. Mais la région va mal, beaucoup sont pauvres et l’agriculture est à la peine, éprouvée notamment par les emprunts et les investissements. Pourtant ils restent viscéralement attachés à cette terre, « Il existe une contrée pour chacun de nous et qu’on peut appeler chez nous… Ces plaines et ces collines… Ces terres c’est nous. » En outre, les armes sont toujours là, la chasse un quotidien. Certains continuent de haïr Obama et l’écologie, prônent l’indépendance et n’hésitent pas à remettre en cause les décisions de l’Etat et de l’Agence de protection de l’environnement. Une chasse aux loups est même annoncée. Wendell connaît ces gars là mais garde ses distances même si l’histoire de son père l’en rapproche. Sa vie change lorsque les services de l’enfance lui confie Rowdy, le fils de sa cousine, un gamin différent, qui garde le silence, proche de l’autisme ; immédiatement un lien fort et tendre se noue entre eux deux, Wendell affiche un autre visage et endosse avec timidité et douceur un rôle de père, lui qui a perdu le sien trop tôt et qui ressent la peur et la honte de ne pas en être capable. Wendell pourra-t-il échapper à son histoire, à son destin, avec Rowdy sur ces chemins de traverse ? En tous cas, je peux vous l’assurer, cet espoir vous fera tourner les pages de ce roman en tension très très vite ! Une palette de personnages exceptionnels, portrait de l’Amérique rurale actuelle. Apre, douloureux, tendre, où l’on croise la bêtise, l’intelligence, l’humanité, la violence, la tendresse, la solidarité, l’amour, la solitude, l’espoir et la mort.

Premier roman

« Il faut de l’entraînement pour devenir un homme libre. »

Ecouter la lecture de la première page de "Ces montagnes à jamais"

Fiche #2517
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Laura Derajinski


David VANN

Un poisson sur la lune
Gallmeister

6 | 286 pages | 21-06-2019 | 22.2€

James Vann est de retour en Californie. Il débarque depuis l’Alaska et retrouve sa famille, parents, frère, ex-femme et David et Cheryl, ses deux enfants. Une famille inquiète. Son frère le prend en charge dès son arrivée à l’aéroport et tente d’établir le dialogue, de le soutenir. James en effet ne le cache pas, c’est certainement son dernier voyage, il a décidé d’en finir, il est venu avec son Magnum et il ne repartira pas. Il est en perpétuel questionnement, « Mais je n’arrive pas à interrompre mes pensées. Mon cerveau ne s’arrête jamais. » Pourquoi vivons-nous ? Quelle est notre place, pourquoi continuons-nous d’explorer le chemin ? Des raisons mercantiles ? égoïstes ? « Je pense que c’est le problème, cet instant où j’ai commencé à avoir besoin d’une raison. Qui sait pourquoi cet instant est apparu. » Un questionnement vertigineux. En outre, face à son passé, il considère sa vie ratée, deux vies de couple, deux séparations, un père à temps partiel, le fisc qui lui tombe dessus… Ses « cogitations sur l’existence, lancinantes et infinies, à toujours tout remettre en question » font que vivre devient une épreuve insurmontable. Mais Doug veille et le surveille, le prend sur son dos et tente désespérément de le ramener sur le chemin de la vie, tout vie mérite d’être vécue. Et naturellement la tâche est ardue, pénible. Le lecteur suit assidûment cette épreuve, les efforts de Doug et même parfois de James et espère jusqu’au bout que James déposera le Magnum au fond de sac, reviendra sur son choix définitif et retrouvera une place auprès de ses enfants et de la vie. Un récit qui plonge au cœur de la torture psychologique qui étouffe un homme sans réponse qui peut être lu comme un préquel ou un miroir à l’inoubliable Sukkwan Island.

« …il aimerait pouvoir la rassurer, être un père, être normal, être celui qu’il est censé être, mais c’est tout bonnement impossible. Comment réussissait-il à le faire avant ? »

« Comme ce serait incroyable de dormir, simplement. »

« Aucun néant ne peut être assez vide pour effacer tout ce que nous avons aimé ou tout ce qui nous manque. »

« Et un sentiment terrible de perte…. Une caverne en lui, insondable. Une pierre y tomberait pour l’éternité. »

Ecouter la lecture de la première page de "Un poisson sur la lune"

Fiche #2361
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Laura Derajinski


David VANN

Aquarium
Gallmeister

5 | 272 pages | 22-10-2016 | 23€

Caitlin vit seule avec sa mère, Sheri. Même si sa mère fait tout pour elle, le quotidien demeure pénible. Sheri travaille beaucoup, un boulot inintéressant et éprouvant, des horaires impossibles, elle enchaîne les heures supplémentaires pour gagner quelques dollars de plus et tenter de satisfaire Caitlin. Mais elle s’use et craque périodiquement. Caitlin trouve son bonheur et un apaisement certain auprès de son amie Shalini mais aussi dans ses visites quotidiennes à un aquarium où elle s’immerge au milieu des poissons, ses véritables amis, « le monde entier est contenu dans ces bassins ». Elle devient experte et rêve d’un métier en lien avec eux. C’est là qu’elle rencontre un vieil homme, qui, comme elle, peut rester des heures, le visage et le nez scotchés sur la paroi d’un aquarium à observer le comportement anodin d’un poisson que seul lui connaît. Ils se rencontrent chaque jour, dialoguent et une certaine complicité s’installe entre eux. Jusqu’au jour où Caitlin naïve et pleine d’espoir espère partager son amitié et son ami avec sa mère qui reconnaît immédiatement le vieil homme et qui, après lui avoir révélé le secret de cet homme, plonge dans une folie destructrice incontrôlable. Ce secret est en effet lié à l’enfance de Sheri, saura-t-elle pardonner ? Saura-t-elle oublier même partiellement les blessures du passé pour repartir vers une vie apaisée, « parfois, les pires moments mènent aux meilleurs » ? David Vann après une longue introduction où il fait preuve contrairement à son habitude d’une grande douceur et d’un apaisement évidents, nous plonge dans une tempête voire au cœur d’un ouragan en nous posant la question du pardon mais aussi de la reproduction par une victime des violences subies et dans l’extrême, David Vann excelle ! Chaque roman de David Vann fait mal, bouscule mais c’est si bon !

« Que sommes-nous tenus de rembourser pour ce qui s’est déroulé avant nous, dans les générations passées ? »

« Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière, et c’est ce monde-là qu’on connaît ensuite, pour toujours. C’est le seul monde. »

« Chaque chose qui nous arrive, chacune d’elles laisse sur nous une indentation, et cette indentation restera à jamais. Chacun de nous est un accident sur pattes. »

« Ce sont les meilleures questions, celles qui restent sans réponse. »

Ecouter la lecture de la première page de "Aquarium"

Fiche #1866
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Laura Derajinski


Samuel W. GAILEY

Deep Winter
Gallmeister

4 | 317 pages | 20-08-2014 | 23.4€

Danny est grand, costaud, impressionnant. Pourtant Danny est doux comme un agneau et surtout différent. Un accident tragique vers l’âge de cinq ans l’a laissé orphelin et simple d’esprit. A l’école il fut le souffre douleur de ses petits camardes, et adulte cela continuera, tous les habitants de Wyalusing en Pennsylvanie le méprisent et le rejettent. Sauf Mindy, la jolie Mindy qui dès l’école prenait sa défense. Alors lorsque Danny se retrouve dans sa caravane avec le corps de Mindy, sa seule amie, inerte, du sang s’écoulant de son crâne, il est effondré et ne comprend pas. Sokowski l’adjoint violent et sans scrupule du shérif, et son acolyte Carl présents sur les lieux le désignent immédiatement comme coupable. La petite ville de Wyalusing ne s’en remettra pas, les évènements s’enchaînent, personne ne semble pouvoir les maîtriser et stopper les tragédies qui se succèdent. Qui sortira vainqueur de cette course poursuite ? Un innocent (dans tous les sens du terme) pourra-t-il échapper à la violence des hommes et à l’injustice ? Violent, noir de noir, puissant, rythmé et très cinématographique, autrement dit un incontournable de la rentrée !

Premier roman

Ecouter la lecture de la première page de "Deep Winter"

Fiche #1501
Thème(s) : Littérature étrangère Polar/Thriller/Noir
Traduction : Laura Derajinski


David VANN

Goat Mountain
Gallmeister

3 | 250 pages | 08-08-2014 | 23€

Automne 78, ouverture de la chasse, au nord de la Californie. Ils sont quatre, le grand-père, le père, le petit-fils et un ami. Ils rejoignent leur zone habituelle et isolée de chasse. Impatients. Le gamin rêve de tuer son premier cerf. A leur arrivée, au loin sur le coteau d’en face, ils observent à travers la lunette de leur fusil un braconnier. Le père tend le fusil à son fils qui scrute cet intrus, leurs regards se croisent, et pan ! Le gamin appuie sur la gâchette et l’irréparable est commis. En un centième de seconde, le séjour s’achève, la vie s’estompe, les liens entre ces quatre explosent. L’homme abattu, ces quatre devant le corps l’observent et s’observent. Qui restera humain ? Qui continuera de suivre les règles ? Qui sombrera dans l’animalité ? Où trouver de l’aide ? Dans les Ecrits ? Qui est le gibier ? Qui est le chasseur ? Un David Vann en très grande forme toujours aussi fort pour glacer le lecteur en le plongeant au plus profond de l’âme humaine, et en décrivant froidement sa violence extrême.

« Mais bien sûr, il n’y a pas de diable. Nous voulons juste qu’il y en ait un. Nous voulons un responsable. L’enfer, c’est l’anarchie, chacun de nous responsable de tout et de rien, n’entendant jamais la voix des autres. L’isolement, bien plus terrifiant que la punition. »

Ecouter la lecture de la première page de "Goat Mountain"

Fiche #1488
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Laura Derajinski


David VANN

Désolations
Gallmeister

2 | 299 pages | 12-07-2011 | 23.4€

Après le glaçant et terrifiant "Sukkwan Island", David Vann continue son exploration des grandes espaces glaciaires et de la noirceur de l'âme humaine. Cette fois, le puzzle est plus dense, le rythme plus lent, les protagonistes plus nombreux et leurs liens aussi variés que leurs caractères. Pourtant la noirceur comme le poids de la famille et du passé demeurent. Irene et Gary forment un vieux couple, leurs enfants sont maintenant adultes. Mark est un marin aguerri, une vie dissolue avec sa femme Karen et a quelque peu rompu avec ses parents. Gravite autour de la famille un couple de touristes, Carl et la troublante Monique. Rhoda leur fille espère enfin se marier et fonder une famille avec Jim, un dentiste plus âgé qu'elle. Proche de ses parents, quand elle apprend le nouveau projet de son père, l'inquiétude la gagne immédiatement : Gary a décidé de construire sur un îlot isolé, loin de tous et sans aucun habitant et moyen de communication, une cabane au confort rudimentaire faite de rondins de bois. Obsédé par son projet, rien ne peut le freiner ou le retenir. Irene malgré la folie de ce projet l’accompagne comme toujours, l’épaule, l’handicape parfois voire souvent, et le couple (et la famille) est mis à l’épreuve. Le passé rode… Encore une vraie réussite ! Page après page, David Vann est vraiment expert dans l'art de déranger et troubler le lecteur !

« Pourquoi ne peuvent-ils pas se contenter d’être des hommes ? Pourquoi sont-ils obligés de le devenir ? »

Fiche #982
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Laura Derajinski


David VANN

Sukkwan Island
Gallmeister

1 | 192 pages | 18-12-2009 | 21.6€

Deux hommes. Un père et son fils. Jim a décidé d’emmener son fils de treize ans dans une île déserte pour une vie solitaire, à deux, éloignés de tout et de tous et surtout de toutes. Jim en effet espère digérer ses multiples échecs, échecs personnels, amoureux, professionnels mais également renouer les liens avec Roy. Ecoute, affrontement, compréhension, rejet... Roy observe son père, le découvre avec inquiétude, un Robinson de plus en plus défaillant. Ils tentent cependant de préparer le long hiver qui les attend lorsque le drame survient. Un drame inattendu et terrible qui transforme leur séjour en drame. David Vann nous offre avec ce premier roman ténébreux et terrifiant un suspense insoutenable et le portrait noir d’un homme à la dérive, épuisé et sans espoir. David Vann réussit à toucher à la fois l'épouvantable et la beauté lumineuse, du grand art. Une tempête glaciale va vous emporter !

Premier roman

Fiche #701
Thème(s) : Littérature étrangère Polar/Thriller/Noir
Traduction : Laura Derajinski