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Pascal Manoukian - Le paradoxe d'Anderson

Pascal MANOUKIAN

Le paradoxe d'Anderson
Le Seuil

295 pages | 06-09-2018 | 19€

Une famille habite une maison isolée avec son arbre du bonheur dans l’Oise à Essaimcourt : « Essaimcourt a la beauté de ses arbres presque morts… » Elle vit pour l’instant dans une certaine insouciance. Les parents travaillent en usine, quelques emprunts, une maison à crédit, une voiture à crédit, mais toujours des projets et les enfants continuent de susciter joie et bonheur. La plus grande prépare le bac en section économie et révise les théories économiques qui éprouvent ses parents et étouffent son village ; mais s’il faut en passer par là pour espérer une vie meilleure et éviter le paradoxe d’Anderson... Aline et Christophe sont aux petits soins pour Mathis, le petit dernier, atteint d’une maladie inconnue. Et puis un jour, vous apprenez au boulot, au détour d’un couloir, ou devant la machine à café que l’usine vient d’être rachetée qui par un concurrent chinois qui par un fond de pension américain. Et le lendemain, un courrier, Le courrier, cinq lignes brèves directes après trente ans pour vous annoncer cordialement que vous ne faites plus partie de l’équipe. La violence ultime. Désespoir, sentiment d’abandon, d’inutilité, plongée dans un long tunnel noir sans fin. C’est Aline la première qui subit le viol, la maladie mortelle : « Cancer du chômage. Elle fait partie des métastasés. Effondrée, elle s’arrête sous son arbre. Plus rien ne surgit à l’intérieur de son ventre. La bête s’est installée. Elle est là pour longtemps, elle le sent… Rien n’a encore changé, mais tout est différent. » Pourtant, le couple préfère faire illusion devant les enfants, ne rien dévoiler, et tenter de continuer à survivre, à la protéger. Mais la violence de notre société n’a guère de limite, et les seules questions qui demeurent sont : jusqu’à quand tiendront-ils et jusqu’à quand les enfants l’ignoreront-ils ? Chronique sociale, réaliste et désespérée de notre société où le déclassement devient la règle, où l’espoir s’amenuise chaque jour, où le monde ouvrier disparaît, où les plus pauvres sont devenus majoritaires mais impuissants. Indispensable !

« Dans la queue, personne ne crâne. Tout le monde a peur, un jour aussi, de ne plus pouvoir y arriver… L’écart de salaire entre ceux qui vendent et ceux qui volent est devenu si ténu qu’il faut surveiller tout le monde. »

« Ils nous laissent une vue bien dégagée sur les usines vides, comme ça, quand tu passes devant en allant pointer au chômage, tu jures de fermer ta gueule la prochaine fois que tu trouveras du boulot. »

« Il n’y a pas mieux aujourd’hui pour enseigner la géographie aux enfants que de leur apprendre où sont passées les usines de leurs parents… »

« Vivre sans usines, c’est vivre sans poumons. »

« Depuis la grève et le licenciement d’Aline, Christophe n’y croit plus, ni à lui ni aux autres et à leurs promesses d’un monde meilleur. Dieu, Karl Marx, Mark Zuckerberg se moquent bien d’eux. Les pauvres n’ont pas plus de chance de s’en sortir qu’un taureau dans l’arène. On les laisse espérer, c’est tout, pour mieux les obliger à tourner en rond, parce qu’on a besoin d’eux pour remplir les caisses, les églises et les réseaux. C’est le même mensonge depuis toujours. ‘‘Chrétiens, prolétaires, facebookeurs de tous les pays, unissez-vous, le monde est à vous.’’ En vérité, il est à eux. »

Ecouter la lecture de la première page de "Le paradoxe d'Anderson"

Fiche #2209
Thème(s) : Littérature française


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