« La patrie, c’est comme une arme qu’on se braque sur le front nuit et jour sans jamais presser la gâchette. »
Heinrich Steinfest
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Tom et Luna, les jumeaux, et Mily et Alex, leurs parents forment une famille heureuse et continuent de jouir d’une belle liberté. Ils vivent à la marge, esprit de bohème, saltimbanques ou saisonniers, avides de rencontres, ils enchaînent les petits boulots et se déplacent avec leur maison, une vieille camionnette rappelant le monde du cirque. Le récit débute alors qu’ils se trouvent au départ du canyon de la Tara au Monténégro et sont impatients (excepté Mily apeurée par un mauvais pressentiment) de plonger le raft à l’eau pour partir naviguer dans une aventure collective à laquelle s’est joint Goran un Monténégrin croisé sur la route. Le canyon est impressionnant, les passages des rapides aussi, la tension croit au fil de la descente mais Goran épaulé par Alex semble maîtriser. Jusqu’au drame. De retour sur la terre ferme, non loin des Grands Causses et des gorges du Tarn, la famille ébranlée peine à retrouver le chemin de la vie, de l’insouciance et de la liberté (« On avait laissé tant de choses là-bas. Chaque jour s’ouvrait, comme un calendrier de l’avent, sur un lot de conséquences qui devaient nous conduire je ne sais où. Elles s’agglutinaient comme des batraciens aux premiers jours du printemps. Leurs copulations n’engendraient rien de bon. Loin de diluer, notre douleur s’engluait dans un baume acide. »). Ils s’installent dans une vieille ferme abandonnée et en ruine, et les enfants, notamment Tom, s’interrogent sur le drame, sur sa genèse, sur les relations nouées avec Goran avant et après le drame, il les a en effet suivis en France et les aide avec beaucoup d’abnégation. Tout ça n’est-il qu’un malheureux hasard ? Patrice Gain maîtrise parfaitement la tension de son récit, excelle à décrire la sublime beauté de la nature sauvage et parfois violente, à nous attendrir devant le parcours chaotique de Tom vers la vérité, portrait d’un ado émouvant et réfléchi, et nous rappelle si nécessaire qu’une guerre n’est jamais propre, sa violence absolue et qu’elle ne se termine jamais. Un roman noir au style riche, travaillé, parfois précieux, évocateur, dans une langue raffinée, un voyage et une rencontre inoubliables au cœur d’un Causse sauvage et intact.
« Je me demandais si c’était ça la vie. Empiler les mauvais coups, les désillusions et les ennuis jour après jour, mois après mois… »
« On ne refait pas sa vie, on la poursuit, avec d’autres horizons parfois, d’autres personnes souvent, mais on n’efface pas le passé. »
« Je me demandais ce qui nous définissait : était-ce l’ensemble de nos actes ou seulement les conséquences de nos erreurs ? »
Fiche #2469
Thème(s) : Littérature française