« Des pas hésitants espacés par un intervalle de secondes, qu’on ne pouvait pas jouer sans de dramatiques changements de rythmes. Chanceler, grimper, tomber, ce genre d’histoires. Pourquoi une mélodie qui monte puis descend provoque-t-elle tant de tristesse ? Est-ce qu’on était plus avancé quand on le savait ? Inspirer avec espoir, souffler avec déception. Monter la colline puis, fatalement la redescendre. Recevoir une chose puis devoir y renoncer. La vie, quoi. »
Anna Enquist
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Ils sont nombreux les invisibles dans notre société moderne (pourquoi perdre du temps avec ces non-productifs ?) et « Bientôt minuit » nous ouvre les portes du repaire de l’une d'elles : les anciens, les personnes âgées, le 4ème âge… Séjour dans un établissement côté, la pension des Alouettes, une pension qui se paie au prix fort, au plus près du quotidien de Lucien qui, après s’être retrouvé en pyjama, perdu, au milieu de la rue, décide que c’est peut-être le moment. Il invite un ancien amour à le rejoindre, ils s’étaient promis de finir ensemble, alors Emma va le retrouver. Ils ne se font pas d’illusion sur ce qu’ils sont et sur où ils vont (« Ils sont enceints tous les deux, gros de leur mort, reste à connaître le terme. »), mais désirent partager leurs derniers moments et si possible, quelques-uns seront beaux. Mais l’environnement et cet isolement sont-il propices à laisser poindre ces quelques instants lumineux ? Chaque être est différent, dans son histoire, dans son ressenti, dans son état actuel, mais l’individu est nié, effacé, devient invisible, absent. Infantilisation, violence, délaissement, mépris, manque de temps, horaires inattendus, goûters, repas douteux, douches quand c'est possible, liberté perdue… Les quelques personnes attentives et attentionnées ne permettent d’oublier ces épreuves. Heureusement les souvenirs partagés permettent de s’évader quelques instants mais la seule solution ne serait-elle pas de partir, « Partir. Partir et faire comme si ils avaient un avenir. ». Dans cet espace inhospitalier (doux euphémisme), Marie Pavlenko réussit néanmoins à dégager quelques moments de tendresse et même de sourires, mais hélas, quiconque a déjà franchi la porte de ces établissements, reconnaîtra le réalisme de la description, inhumanité et violence transforment ces établissements en triste et terrible mouroir où tout amour, empathie et attention sont absents.
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Thème(s) : Littérature française