« Si quelqu'un veut savoir pourquoi nous sommes morts, dites-leur : parce que nos pères nous ont menti. »
Rudyard Kipling
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Etienne est photographe de guerre, un homme parmi d'autres. C'est lui et c'est nous. Et Jeanne Benameur a le don de placer dès les trois premières lignes le lecteur aux côtés d'Etienne. Immédiatement, les liens se tissent avec Etienne qui a toujours été au plus près du feu, du danger et cette fois, il s'est retrouvé prisonnier. Otage. Longtemps. Alors lorsqu'il est libéré, le gouffre de la vie l'étourdit et il part naturellement retrouver les lieux de son enfance, petit village sauvage perdu au milieu d'une campagne boisée, « Ouvrir les paupières. Retrouver le jour. Comme tout le monde ». Renouer avec l'image du passé dont il se souvient, sa mère et les deux petits égarés qu'elle avait accueillis, Enzo le taiseux, Jofranka la petite devenue avocate au tribunal de La Haye. Il estime alors que sa reconstruction passe par son enfance, mais ne risque-t-il pas de découvrir que l'on demeure aussi otage de notre enfance ? Jeanne Benameur réussit parfaitement à toucher tout autant l'intime que l'universel. Elle expose Etienne et en même temps elle nous incite à la réflexion, à l'interrogation et à l'introspection. Comme dans tout bon film, les personnages secondaires prennent une place importante et contribuent à renforcer la densité évidente au texte. Elle nous parle de prison, de captivité, de confinement, de peur, de silence et évidemment de liberté. Nous avons tous une partie de nous prise en otage, laquelle ? Qui est l'oppresseur ? Pourquoi et comment l'acceptons-nous ? Elle décrypte tranquillement la complexité de l'Homme, et sans aucune description, fait ressentir l'extrême violence de la guerre, de l'enfermement. Et pour cela elle joue avec les mots, la ponctuation, délivre les flots tendus de pensée d'Etienne, maîtrise le rythme et emmène le lecteur sur le chemin de l'espérance.
« Parce qu'elle est bien là, la différence entre corps et chair. Les corps peuvent bien retourner à la liberté. La chair, elle, qui la délivre ? Il n'y a que la parole pour ça. »
« Oh Etienne non l'enfance et le monde ne se rejoignent pas. Et personne n'y peut rien. On peut juste faire en sorte que vivre soit encore possible. Malgré tout. Avec les mots. C'est pauvre, les mots. Mais c'est tout ce qu'on a. »
Fiche #1651
Thème(s) : Littérature française