« Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson à sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu'il est stupide. »
Albert Einstein
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Un roman qui débute avec un prologue intitulé Patrick Dewaere, « Vous êtes, nous sommes, Patrick Dewaere. », puis qui référence plusieurs fois Jim Thompson ne peut que susciter curiosité et envie : totalement satisfaites après lecture (d’une traite, on ne le lâche pas !) de ce court roman noir. Un looser qui rate tout ce qu’il entreprend, mais entreprend-il vraiment quelque chose ? Pas d’enfance, et la ligne est tracée ! Il vient d’être arrêté pour meurtre, un juge en fin de parcours s’apprête à le recevoir et nous fait partager la lecture du journal de N. entre Lille et Paris. Il faut dire que N. s’est pensé écrivain maudit (« faire semblant de ne pas être une épave ordinaire »), des nouvelles, presqu’un roman et surtout un journal où il se confie franchement. Une vie en solitaire même si les rencontres sont nombreuses (notamment sexuelles), de soirée en soirée, de comptoir en comptoir, sans jamais le sou et sans travail. Et puis, il croise Irène : une prof de musique, riche, cultivée, seule, plus âgée, qui lui ouvre ses portes et son corps. Sauvé ? On n’échappe pas à son destin chez Jim Thompson ni chez Nagui Zinet.
Premier roman
« Vous êtes, nous sommes, des putains sans trottoir. ».
« Un jour, on vous a humilié, et ce jour est sans fin. ».
« Tu te demandes si l’amour n’est pas une invention humaine pour ne pas dîner en solitaire. ».
Fiche #3212
Thème(s) : Littérature française
Hervé, enfant, a été séparé deux ans de sa mère par la volonté de son père. Deux années qui ne seront jamais rattrapées se rappelle-t-il en observant, à 34 ans, avec émotion et nostalgie une photographie prise en 1978 sur une plage de l’océan aux côtés de sa mère. Les mots, les sensations, les sentiments, les images resurgissent. Instants éphémères de retrouvailles au cours d’une fugue commune au Maroc, quelques moments loin du père, heureux, seul avec sa mère. Ce cliché déclenche une introspection profonde d’Hervé qui revient sur son enfance, ses relations avec ses parents, mais aussi sur les livres, la lecture (« Lire a sauvé mon enfance. ») et l’écriture (« Ecrire m’apprend à aimer vivre. Ecrire m’empêche d’avoir peur de vivre. »), qui lui ont ouvert son chemin d’homme. Un texte délicat au style épuré sur la filiation et la paternité, la création mais aussi la solitude qui ouvre la voie d’un apaisement salvateur.
« La folie est l’ombre de l’écrivain. Elle veille sur lui, c’est sa frontière entre le rêve et le monde d’ici. »
« Il existe toute sortes d’amours, mais il faut chercher avec persévérance celui qui nous manque depuis l’aube de notre temps, celui qui est pétri dans la contrée sauvage de notre solitude, celui que le langage a modelé avant le langage, celui qui nous transformera et nous inculquera la capacité de nous aimer nous-mêmes, puis d’aimer le monde plus que nous-mêmes. »
Fiche #1759
Thème(s) : Littérature française
Khadi Hane nous parle du Sénégal d’aujourd’hui à partir du destin tragique d’un jeune Sénégalais arrivé en France pour se soigner mais aussi pour mourir dans un coin du parc Montsouris, un lieu que son père lui a indiqué des années plus tôt, à moins que la jabotage d’un pigeon ne le sauve in extremis. Le destin l’a amené à cet endroit, un peu malgré lui. Il a en effet croupi des années en prison après avoir tué le Chinois responsable de la mort de son frère. A travers cette trajectoire, Khadi Hane rappelle l’influence croissante et la présence actuelles des Chinois en Afrique, mais elle parle aussi d’amour, de haine et de vengeance, de prison, d’homosexualité au cœur d’une Afrique exposée elle aussi à la mondialisation.
Ecouter la lecture de la première page de "Demain, si Dieu le veut"Fiche #1731
Thème(s) : Littérature française
Pascale Gautier dans un style vif et imagé alterne les portraits de quatre personnages en peine dans leur morne vie de tous les jours. Ils tentent tous de surnager dans les difficultés de leur quotidien souvent handicapés par leur pesante famille. José vieux solitaire sort peu, et passe quasiment exclusivement son temps devant la télé, « un homme informé en vaut deux ». Agnès travaille à Paris, elle a en effet choisi de s’éloigner de sa famille (« Elle a trop vu ses parents et l’horreur qu’était leur quotidien à deux. Elle a au moins l’avantage d’avoir l’horreur du quotidien toute seule ! ») même si ses frères n’oublient jamais de se rappeler à son bon souvenir, et elle tombe exclusivement amoureuse d’hommes mariés ! Ferdinand partage encore son quotidien avec sa femme (« En fait, ils sont restés ensemble parce que c’était facile. ») et sa fille, caricature d’ado détestable mais Ferdinand fatigue : « Il est fatigué, Ferdinand. Il aimerait s’exiler. ». Enfin Auguste la cinquantaine continue de vivre célibataire mais sous la coupe d’une mère tyrannique et de son père. Pascale Gautier les observe avec délectation, humour et tendresse, se débattre comme ils le peuvent, elle montre bien comment le ras-le-bol se met en place, les situations s’aggravant jusqu’à la chute finale où les clefs sont mises sous la porte et chacun part vers la liberté. Elle dresse ainsi un portrait réaliste de notre société où le vivre ensemble reste encore ardu !
« Pas de guerre, pas d’Occupation. Le quotidien. Le boulot. Les vacances. Le métro. Le dodo. L’être humain a rétréci. C’est peut-être ça le progrès. Devenir tout petit petit. »
« S’il faut toujours penser qu’il y a pire pour se dire que ça va bien, c’est que quelque chose cloche sérieusement. »
« Finalement, personne ne voit et tout le monde croit voir ! »
« Pourquoi la majorité aurait-elle raison ? Pourquoi, parce que tout le monde veut vivre comme on nous l’ordonne depuis la naissance, ce serait ce qui serait bien ? … Et il faut sacrément d’énergie quand on sait qu’on est minoritaire pour se redresser et refuser. »
« Il arrête de ne pas vivre en attendant de ne plus vivre. »
Fiche #1682
Thème(s) : Littérature française
Joe, ancien marine puis agent du FBI, a atteint le degré maximal d'horreurs qu'il pouvait supporter. Il s'est retiré du monde, ne parle plus et attend. Peut-être l'appel d'un de ses anciens supérieurs qui lui propose de travailler en marge, sans règles, tel un justicier solitaire d'ordre divin. Les affaires s'enchaînent jusqu'à sa rencontre avec un sénateur qui lui demande d'exfiltrer sa jeune fille qui a été enlevée pour se retrouver dans un réseau de prostitution géré par des mafieux sans aucune limite. Quand ils s'attaquent à la seule personne à laquelle Joe était encore attaché, ils n'ont pas idée de l'erreur fatale qu'ils viennent de commettre... Un court roman noir, tendu, haletant, digne des meilleurs du genre.
Ecouter la lecture de la première page de "Tu n'as jamais été vraiment là"Fiche #1333
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Jean-Paul Gratias
Pour Lilly Bere, à 89 ans, le temps de la confession est venu. Irlandaise, elle a abandonné son pays pour arriver clandestinement dans le Nouveau Monde, elle revient sur son long parcours jusqu’à la mort de son petit-fils Bill : « Les souvenirs provoquent parfois beaucoup de chagrin, mais une fois qu’ils ont été réveillés vient ensuite une sérénité très étrange. Parce qu’on a planté son drapeau au sommet du chagrin. On l’a escaladé ». Au rythme des hommes de sa vie, elle montre ce que les guerres (Première guerre mondiale, Irlande, Vietnam, Koweit) qu’elle exècre lui ont enlevé. Le ton est douloureux, une douleur apaisée, voire résignée. Employée de maison, au milieu des exilés de diverses origines, elle rend compte des injustices et du racisme (envers les Noirs notamment) au sein de la société américaine mais aussi des tensions propres à la communauté irlandaise exilée. Une belle écriture au service du portrait émouvant de la vie d’une femme qui malgré quelques amitiés fortes sera continuellement bouleversée par la violence mortifère des hommes.
Ecouter la lecture de la première page de "Du côté de Canaan"Fiche #1170
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Florence Lévy-Paolini
Ce court roman évoque l’enfance douloureuse d’un homme âgé de 34 ans. Sa mère malade disparaît rapidement, et il demeure seul avec un père violent et alcoolique. Il rejoint alors ses grands-parents et un quotidien morose. Les souvenirs reviennent à la surface sans chronologie et la violence est omniprésente. L’enfant attendra une tendresse qui ne viendra jamais, étranger à ce monde d’adultes considéré comme adverse. Mais la cruauté déteint et l’enfant peut aussi la laisser s’exprimer. Entre hargne et compréhension, colère et sensibilité, sentiments confus et ambivalents, il tente parfois de comprendre son père, voire de l’excuser : « Mon père c’était ça. Il était pétri de rêves de grandeur qui vous interdisent de faire quoi que ce soit ». Un portrait sombre d’une enfance étouffée par la cruauté et la violence.
Premier roman
Fiche #1157
Thème(s) : Littérature française
Sean Blake est victime d’un accident de voiture. Pendant quelques instants, il est déclaré cliniquement mort et pourtant en réchappe. Ces quelques secondes bouleversent sa vie. En effet, au cours de ce coma, il voit des personnages qui l’intriguent et l’incitent à partir à la recherche de sa mère biologique (« J’essayais de remonter plus loin dans le passé mais je m’arrêtais, car, même inconscient, il y avait des parties de mon histoire où je refusais d’aller. Elles appartenaient à quelqu’un d’autre, quelqu’un dont je ne voulais pas endurer la souffrance. »). En effet, âgé de onze ans, il avait appris son adoption, y avait réagi violemment pour finalement préférer ne plus y penser. Sans oublier ni renier ses parents adoptifs, il part sur les traces de sa mère biologique avec comme toile de fond l’Irlande des années 50 où la religion et la respectabilité (« L’Irlande dans laquelle elle vivait était infectée par un terrible virus appelé respectabilité. ») primaient sur tout et notamment sur la liberté de chacun. Dans ces années (jusque dans les années 60), les filles mères étaient isolées et retenues dans des couvents. Leurs enfants leur étaient retirés et étaient adoptés par d'autres familles. Avec une émotion vibrante et une grande sensibilité, Dermot Bolger revient sur un volet sombre de l’histoire irlandaise où la violence de la religion et des préjugés opprimaient puissamment les destins individuels et collectifs du peuple irlandais.
Ecouter la lecture de la première page de "Une seconde vie"Fiche #1123
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Marie-Hélène Dumas
Gabriel est cadre dans une grande entreprise. Homosexuel, il partage sa vie avec Vincent. La vie dans l’entreprise est pesante. Lourd climat, sournoiserie, chacun s’épie, peu de liens, de liants. Personne ne semble heureux dans cette entreprise. L’impression de grande souffrance inonde son présent mais souffle aussi sur son passé qu’il ressasse à l’envi. Chaque jour, les souvenirs douloureux se mêlent au présent. Au sein de l’entreprise, il se lie d’amitié uniquement avec Muriel une secrétaire en souffrance à cause de son fils. Cette douleur l’émeut, l’aimante, sans trop savoir pourquoi, il ne peut pas vraiment l’aider et pourtant il lui accorde toute son attention, jusqu’au drame, drame qui déviera le cours de sa vie. Un destin douloureux ancré dans un lourd héritage.
Ecouter la lecture de la première page de "Héritage"Fiche #1081
Thème(s) : Littérature française
Trois personnages animent Les oiseaux de paradis : Samuel régulièrement à l’étranger pour des conférences, sa compagne, la narratrice, traductrice scientifique et Flavie la sœur de Samuel modèle pour les élèves des Beaux Arts. Ils vivent dans une douce harmonie, heureuse, jusqu’au jour, où, alors que le fumet du rôti attend le retour de Samuel du Brésil, une voix inconnue au téléphone bouleverse le présent comme le futur, il revient mais mort : « Je suis au regret de vous annoncer que monsieur Laugier a trouvé la mort dans le taxi qui le conduisait à l’aéroport ». Nous allons suivre la narratrice dans son deuil brutal avec d’abord la sidération qui la saisit puis la colère avant de laisser le chagrin l’envahir. Même si elle avait naturellement conscience de leur condition de mortels, la surprise est immense et douloureuse. Quelques bouées de sauvetage vont nous aider à ne pas sombrer avec elle : les descriptions microscopiques, froides et précises (« l’infini des détails qui nous composent ») des tissus du corps humain qu’elle est chargée de traduire, Flavie qui partage sa peine immense, les mots que Flavie vole et note dans son petit carnet et avec lesquels la compagne de Samuel semble se saouler, les longues phrases qui nous empêchent de reprendre notre souffle, le Jardin des Plantes où elle arrive enfin à observer de nouveau la vie autour d’elle : d’abord le Muséum d’Histoire Naturelle « suspendu entre la vie et la mort avec ses squelettes et ses animaux naturalisés » puis les passants, les fleurs et les oiseaux, et enfin Arnaud, dessinateur d’oiseaux de paradis qui lui donne envie « pour la première fois depuis longtemps de connaître la suite de l’histoire ». Un livre émouvant, une écriture enveloppante dépeignant une résurrection face au deuil : « il y a toi qui n’existes plus ; il y a moi qui existe encore. On ne sait pas à quoi cela rime » mais on finit par accepter de nouveau « de faire partie de ce cycle, de cette éternité ».
Fiche #1019
Thème(s) : Littérature française
Guy Howell a repris la casse de son oncle et de sa tante et a hérité d’eux l’habitude de récupérer, soigner et héberger les animaux sauvages. Dans ce terrain vague, sorte d'îlot perdu au milieu du monde moderne, non loin de Toronto, il recueille les animaux blessés mais aussi les hommes perdus, en souffrance. Edal Jones, agente fédérale, rejoint après avoir traqué pendant des années les trafiquants d’animaux, Stephen ancien soldat revenu d’Afghanistan, la jeune Lily et son gros chien Billy et Kate la vétérinaire. Elle retrouve alors respect, amour et écoute. Le récit passe d’un personnage à l’autre, revient sur leurs passés, enfances, lectures, familles, appréhension de la vie, de la vie animale, liens avec le monde animal… Guy, médecin des corps et des âmes, est totalement dévoué à cette petite communauté et au monde animal mais le monde extérieur et sa violence ne peuvent les ignorer… Un joli texte avec de beaux personnages pour lesquels le lecteur ressentira irrémédiablement une forte empathie.
Fiche #1014
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Florence Lévy-Paolini
Suite à un accident, la narratrice, jeune photographe, se retrouve à l’hôpital et s’aperçoit qu’elle a perdu le goût, agueusie partielle : « Ma bouche est morte ». Bouleversée, elle refuse son état et laisse son quotidien habituel, notamment son double Cyl à qui elle est étroitement liée. Elle stimule ses sens, épices, parfums, saveurs, fumets, s’initie à la cuisine, recette après recette : « Changer de décor, de rites, de vie, de peau, ce luxe ! ». Pourtant, « Bouche morte n’est pas guérie » et elle revient à la case départ, continue ses expériences gustatives, rencontre Pol, petit diabétique et son père Tsao. Même si l’inquiétude ne la quitte jamais, les rencontres, son dévouement aux autres, le trio qu’elle forme avec Pol et Tsao lui montrent le chemin de la sérénité.
"Le bonheur a peu d'avenir, mais le malheur a des félures qui laissent parfois passer le jour, j'étais prête à y croire."
Fiche #925
Thème(s) : Littérature française
Le testament caché est un roman à deux voix : deux journaux intimes qui se répondent, s’interpellent, s’entremêlent. Roseanne, cent ans, est internée depuis de longues années dans un institut psychiatrique. Depuis un coin de sa chambre, le docteur Grene l’observe, la questionne avec précaution et attention. L’institut doit déménager et il doit évaluer ses patients afin d’en renvoyer certains vers « l’extérieur ». Mais le docteur Grene a eu une vraie empathie envers Roseanne et il tente de découvrir son passé, un passé imbriqué avec l’histoire de l’Irlande imprégnée de religion et donc avec la sienne... Le personnage de Roseanne est vraiment attachant et on ne peut que s’émouvoir devant son destin douloureux. Un beau livre dans la brume irlandaise.
Fiche #691
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Florence Lévy-Paolini
Inès est une jeune adolescente lorsque sa mère meurt accidentellement, trop tôt, beaucoup trop tôt. Elle reste seule avec son père, son frère aîné voguant depuis longue date dans un autre univers, là où la réussite l’a mené. Peu de temps après, son père malade disparaît également. Les treize desserts est la confession de cette jeune femme qui quitte Arles pour rejoindre son frère à Paris loin de ses racines arlésienne et espagnole. Elle suit un long chemin pentu et tortueux pour tenter de se (re)construire, découvre un peu plus l’histoire de ses parents, alors qu’il faudra qu’elle arrive à dépasser l’image de ce couple idéal que formait ses parents prématurément disparus, couple parfait, complémentaire et s’aimant mutuellement jusqu’aux derniers instants.
Premier roman
Fiche #628
Thème(s) : Littérature française
Le lecteur ne connaîtra pratiquement rien de la jeunesse de Delphine mais saura rapidement qu’elle a détecté les failles et envies des humains comme leurs béquilles pour tenter de vivre. Suite à sa rencontre avec une vieille femme attentionnée, elle crée son entreprise « Pour Vous » à qui les clients peuvent tout demander enfin presque, elle a sa morale tout de même (« … il n’est rien en effet dont nous ne fassions commerce, la vie, l’amour, la mort. »). « Pour Vous » est là pour apporter satisfaction, combler manques et désirs : « Parce que c’est mon métier de rendre les gens heureux ». Dur labeur auquel elle se consacre corps et âme (au sens propre comme au sens figuré…) empêchant toute véritable vie intime, mais d’ailleurs en a-t-elle le désir ? Delphine nous emmène à la rencontre de ses principaux clients : la vieille femme attentionnée qu’elle se plait à désigner comme sa première cliente puisque, sans le savoir, elle lui indiquera les fondements de sa future activité, un adolescent autiste aspiré par les mondes virtuels et un homosexuel malade sur le point de mourir. Pour chacun, par professionnalisme, elle adopte une identité singulière. Les sentiments doivent disparaître. Un service demandé, un service rendu, une facture, de la distance, ne rien devoir à personne, s’interdire de juger (« Mais je gardais le silence car je n’étais pas payée pour lui dire cela, et, en outre, qui étais-je pour le juger, moi qui ne vendais justement que des illusions ? »). Mais peut-on vivre sous une multitude d’identités sans risque ? Delphine pourra-t-elle fixer la sienne, trouver son chemin parmi tous ces personnages en quête d’identité, d’amour ou de vie ? Les romans de Dominique Mainard sont toujours intrigants et elle sait parfaitement tenir en haleine le lecteur par ses personnages aux destins tortueux qui restent inoubliables. Un auteur à ne pas manquer et à suivre de roman en roman. On n’est jamais déçu !
« Je n’ai jamais fait autre chose qu’exaucer les désirs d’autrui, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, et qui peut se permettre de juger ? »
« Je m’appelle Delphine M., ai-je dit. J’ai trente cinq ans. J’ai passé presque toute ma jeunesse dans une maison d’accueil parce que ma mère n’avait pas le temps de s’occuper de moi. Les employées étaient gentilles, elles chantaient des comptines… On avait le droit de les appeler nounou, nanny ou par d’autres petits noms, mais elles nous reprenaient si on les appelait maman. Je crois qu’elles auraient pu nous laisser faire, où était le problème, je vous le demande ? »
Fiche #442
Thème(s) : Littérature française
Je voudrais tant que tu te souviennes
Joëlle Losfeld
3 | 248 pages | 14-05-2007 | 18.2€
Histoire de trois femmes, de rencontres, d’amitiés et d’amour. Julide a quinze ans, est la plus jeune et attend un mariage promis et organisé par sa famille. Albanala sa tante étrangère et cartomancienne lui présente son amie Mado. Les deux amies sont isolées et exclues : Nala par son statut d'étrangère et Mado ayant été atteinte par la poliomyélite a honte de sa jambe et peur des gens. Mado sort le matin très tôt pour photographier l’invisible, le petit ou le minuscule à même le sol. Nala par son métier a compris que les destins de Mado et Julide seront liés, elle sera « la passeuse » en confiant Mado à sa nièce avant de disparaître (« elle aura besoin de toi… Elle est comme un verre qui se vide, tu comprends ? Par une brèche minuscule, une toute petite fêlure, et si tu ne prends pas soin de la remplir elle disparaîtra tout à fait »). Puis arrive un homme, « l’Indien », un couvreur qui va bouleverser ce petit monde. Rencontre d’abord furtive du ciel (le couvreur) et de la terre (Mado) puis le ciel rencontrera violemment la terre... Mais Mado est vieille et elle saura s’effacer et la prédiction de Nala se réalisera… Dominique Mainard toujours avec une extrême pudeur nous ravit encore avec ce nouveau roman (voir la fiche du livre du mois) et retrouve tous ses thèmes favoris : la mémoire, les rencontres impossibles, les secrets, la mélancolie, la solitude… Une écriture superbe au service de personnages émouvants qui évoluent par petites touches et bouleversent le lecteur.
« Oh, je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois, je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi... »
Fiche #235
Thème(s) : Littérature française
Aurélie la narratrice est photographe et travaille aux services d’archéologues lors de fouilles dans le Rhône. Elle a élevé seule son fils Arno musicien. Ils ont vécu ensemble lié comme un. Arno a réussi le concours d'entrée dans la classe de violon du Maestro, à Toronto. Il doit donc quitter le sud de la France et surtout sa mère. Elle cache ses sentiments : sentiment d’abandon, douleur sourde qui doit être tue, tristesse, complicité rompue… Quelques jours avant le départ d’Arno, ils décident d’aller acheter des malles à Marseille puis continuent jusqu’en Italie et à Rome pour prolonger ces derniers instants de vie commune sans savoir qu’il s’y tient un rassemblement des dirigeants de « L’Empire » émaillé de manifestations. Absorbés par la foule, ils sont portés par l’une des manifestations et Aurélie est blessée alors que son fils disparaît. Elle part dans une recherche désespérée de sa seule raison d’être et revit tous les moments difficiles ou heureux de leur vie commune depuis la naissance d’Arno. Elle a constamment protégé ce fils du monde qu’elle n’apprécie guère, et la triste réalité les rattrape lors des évènements dans cette Rome qu'elle a découverte par sa passion pour Marc Aurèle. Dans sa recherche, elle rencontre Julia qui va l’épauler et qui comme Marc Aurèle a un fils emporté par la folie (La Rome d’aujourd’hui est-il si différente de la Rome d’hier ?). Elle retrouvera finalement Arno qui sera bouleversé par ces évènements. Une histoire poignante sur le monde tel qu’il est et que l’on refuse parfois de voir mais qui nous rattrapera un jour ou l’autre.
« C’était bien la mer, la plage mais on avait changé de monde sans s’en apercevoir ».
Fiche #203
Thème(s) : Littérature française
René marionnettiste distrait les enfants malades à l'hôpital. Son amie Daisy employée dans cet hôpital lui demande d'aider Louis adolescent plongé dans le coma. Cette rencontre le conduit à raconter sa vie devant Louis sans réaction, sans parole et qui n'entend peut-être pas ses paroles. L'enfance du narrateur se déroulant sur fond de guerre d'Algérie dans le Nord de la France, le lecteur suivra les affrontements des partisans de l'Algérie française et de l'Indépendance. La vie du gamin dans la lumière douce et tamisée du Nord est pleine d'attente. Il attend notamment qu'on lui parle de sa mère disparue, de comprendre les amis de son père et ses activités, de retrouver son amie algérienne Halva qu'il ne pourra oublier. Autant de félures qui marquent son enfance. "Avec sa mémoire écornée" et "sa part de ténèbres", on suit René à la recherche de son passé et de son équilibre. Un livre passionnant tout en nuance qui évoque les souffrances, les non-dits, l'art difficile de vivre et d'aimer. Un livre qui se lit d'une traite.
Fiche #51
Thème(s) : Littérature française
- Zinet - Aggoune - Hane - Gautier - Ames - Barry - Candré - Bolger - Vigier - Beninca - York - Pelletier - Barry - Bordas - Mainard - Mainard - Lou - Quint