« D’une génération à une autre, le passé nous prend en otage. »
Sandrine Roudeix

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Les Presses de la Cité

Régis FRANC

Je vais bien
Les Presses de la Cité

8 | 155 pages | 02-08-2023 | 18€

Régis Franc nous offre le récit autobiographique d’une famille qui se voit percuter par la mort prématurée de la mère. Elle meurt alors que son mari met la dernière pierre à la maison qu’il a construite pour elle, pour eux. Un séisme dont les enfants (Régis et sa sœur) ne se remettront pas (« Alors une lourde, longue, longue vague comme jamais a déferlé sur mon âme : Maman est morte. »). L’auteur qui se voit maintenant comme le miroir de son père revient sur l’histoire de sa famille et de ses ascendants. La mère disparue, la figure du père prend naturellement une place importante. Un père avec qui il a peu parlé (« Trop de silences ont sédimenté entre nous. »), mais un père qui l’a construit, qui lui a certainement ouvert les portes d’une certaine liberté. Une famille modeste, le père deviendra maçon après avoir été viré pour des revendications collectives salariales que le patron n’acceptera pas, donc un père engagé, digne, fraternel, cultivé. Illustré de nombreuses anecdotes, portrait tendre, émouvant et attachant d’une famille, d’un monde ouvrier encore plein d’espoir voire d’utopie, d’une douleur intense après la mort d’une mère, trop tôt donc forcément injuste.

« Nous apprîmes alors la mélancolie, sentiment si inapproprié au caractère des gens du peuple. »

Ecouter la lecture de la première page de "Je vais bien"

Fiche #3058
Thème(s) : Littérature française


Gabriela GARCIA

De femmes et de sel
Les Presses de la Cité

7 | 302 pages | 17-10-2022 | 22€

Entre Miami, Cuba et le Salvador, Maria, Dolorès, Cécilia, Carmen, Jeanette, Ana portent sur leurs épaules le poids de l’histoire de leur pays et des Etats-Unis, le poids des hommes, le poids de l’exil, le poids de l’immigration, des expulsions… Il en faudra du courage pour ne pas abandonner, et un livre fait le lien entre elles, un exemplaire des Misérables avec une citation leitmotiv d’Hugo, « Nous sommes la force », qui les accompagnera en permanence et les aidera dans les moments les plus éprouvants. Il faudra en effet qu’elles arrivent à s’en convaincre au moment des tragédies qu’elles vont toutes vivre, à la fois entourées et seules. Cinq générations de femmes (entre la fin du XIX ème et les années 2000), plusieurs relations mère-fille, plusieurs exils, des épreuves, des non-dits, du courage, des vies pour prendre en main son destin et enfin réaliser que « Nous sommes plus que ce que nous pensons ».

Premier roman

« … Ne croyez pas les mères qui prétendent que la maternité est une vocation, ou un sacrifice, ou quelque chose de beau, ou tout ce qui figure sur les cartes de vœux. La maternité est un questionnement, une série sans fin d’interrogations commençant par et si ? … »

« Il n’y a pas de règles tangibles qui expliquent pourquoi certains naissent dans le chaos… Les dés sont jetés, puis nous venons au monde. »

Ecouter la lecture de la première page de "De femmes et de sel"

Fiche #2942
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Valérie Bourgeois


Yves VIOLLIER

Un jeune homme si tranquille
Les Presses de la Cité

6 | 265 pages | 30-07-2022 | 20€

Le narrateur d’Un jeune homme si tranquille est le maire du village qui a accueilli Roger Martin. Le village lui a ouvert ses portes, tous l’ont accueilli avec bienveillance, certains sont devenus très proches, il a su être à l’écoute, se rendre parfois indispensable. Tout le monde l’aimait bien et fut triste à sa mort. L’enterrement révèlera un autre homme, une petite phrase anodine de son neveu et le doute et les questions jaillissent. Les archives de Bordeaux vont révéler la véritable histoire de Roger Martin. Qui aurait pu se douter que derrière ce vieux monsieur avenant se cachait un autre homme, un ignoble. Pour sa défense, à son procès, il dira sans remords : « Pourquoi avez-vous choisi la Gestapo ? Je ne l’ai pas choisi. C’est elle qui m’a choisi. ». L’homme a passé la guerre à dénoncer, Juifs, communistes, résistants... et à s’enrichir. Jugé, condamné à mort, il fut amnistié et réussit à gommer son passé dans sa nouvelle vie. Ces archives décrivent le parcours odieux de cet homme qui arrive semble-t-il à l’oublier ou du moins choisit le silence. « Etait-il avec nous, malgré les apparences, le monstre froid et dénué de scrupules... ? » En sachant ce passé, l’amitié restait-elle possible ? Son nouveau comportement était-il la preuve d’une mutation et d’un repenti sincère ? Histoire glaçante d’une trahison et d’une amitié trompée.

Ecouter la lecture de la première page de "Un jeune homme si tranquille"

Fiche #2879
Thème(s) : Littérature française


Emma DONOGHUE

Le pavillon des combattantes
Les Presses de la Cité

5 | 358 pages | 23-08-2021 | 21€

Julie Power est une jeune infirmière et la période est plus qu’éprouvante : 1918, Dublin et l’Irlande ravagés par la guerre qui tarde à s'achever, subissent une terrible épidémie, la grippe espagnole (qui tuera davantage que la première guerre). Julie travaille dans un pavillon qui accueille les femmes enceintes qui arrivent souvent malades et atteintes de la grippe. Julie assure le service avec dynamisme et humanité malgré les accouchements qui parfois se terminent mal pour le bébé ou la maman. Elle se pose beaucoup de questions, se sent souvent seule et aimerait être aidée, seule une jeune orpheline l’accompagne. Celle-ci se confiera et partagera son passé, enfance placée et maltraitée par les bonnes soeurs et autres curés. Trop rarement, le Dr Kathleen Lynn apportera son aide et son expertise mais membre du Sinn Féin, elle continue d'être recherchée par la police. Le frère de Julie, parti à la guerre presque avec le sourire, est revenu silencieux, incapable de parler. Comme souvent, un roman irlandais âpre et dense aux thèmes multiples : une pandémie terrible (tiens, tiens), le poids de la religion et de la politique sur la société, la maltraitance des religieux sur les femmes et les enfants, les scandales de l’église irlandaise, les ravages de la guerre 14-18, les accouchements dans ces conditions compliquées et la relation au corps, quelques lumières fugaces éclairent néanmoins le récit comme la relation entre Julia et Bridie.

« L’homme finit toujours par composer avec toutes les épidémies. Ou au moins par les contenir. »

Ecouter la lecture de la première page de "Le pavillon des combattantes"

Fiche #2746
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Valérie Bourgeois


Patrick RENOU

D'une île à l'autre
Les Presses de la Cité

4 | 320 pages | 15-08-2021 | 20€

Novembre 1946. Les quais du port de Cherbourg fourmillent de monde. Milena attend devant l’Ile de France son mari. Ils doivent embarquer pour New-York. Il ne viendra pas, désespérée, elle montera à bord comme passager clandestin sur le paquebot. Ils avaient prévu cette éventualité, il la rejoindra dès que possible. Enceinte, elle accouche sur le bateau. Le commandant doit la déclarer comme passager clandestin mais tentera de la protéger sur ce bateau où bon nombre de passagers sont riches et continuent leur vie luxueuse : un combat de Marcel Cerdan qui acceptera d’aider Mila, la musique de Charlie Parker... « D’une île à l’autre » relate les pérégrinations de Mila. Elle se raconte pour laisser une trace, un témoignage. Cela passe d’abord évidemment par son passé : un passé en Lettonie éprouvant, violent, terrible dans les camps nazis, sa rencontre avec un chirurgien russe qui deviendra son époux. Mais l’avenir n’est pas oublié : elle est en effet heureuse de rejoindre la liberté, certaine de son bonheur dans ce nouveau pays quand son mari l’aura rejointe. Basé sur une histoire vraie, un portrait émouvant d’une femme déterminée à vivre libre malgré les épreuves de l’Histoire.

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Fiche #2742
Thème(s) : Littérature française


Susan KRELLER

Villa Pirasol
Les Presses de la Cité

3 | 235 pages | 26-03-2020 | 19€

Gwendoline, 84 ans, vit enfermée dans sa Villa Parasol. Une vie depuis longtemps dans la solitude, les souvenirs, la résignation et la soumission. Elle partage cet espace clos avec Thea, plus jeune qu’elle, qui la maintient sous sa coupe avec autorité, comme si elle avait un différent à régler avec elle. Mais jusqu’à aujourd’hui Gwendoline a toujours préféré le silence et n’a jamais su lever la tête, prendre son destin en main. Gwendoline a vu tous ses proches disparaître. Sa mère, son père que les livres n’auront pu sauver, loin de là, et qui aura connu les camps, son fils disparu suite à la maltraitance et la sévérité de son mari, un deuil sans sépulture, et enfin cet époux violent et cruel. Mais aujourd’hui, la rumeur court, son fils serait de retour. Thea craint qu’il n’exige sa part, elle dresse alors un mur entre Gwendoline et l’extérieur. Gwendoline saura-t-elle enfin à 84 ans malgré sa fatigue et sa lassitude briser ce mur, devenir visible, se libérer et dire non ? Une histoire de soumission, une histoire de l’Allemagne, un huis clos qui n’en est pas un, puisqu’à travers cette longue vie de Gwendoline, Susan Kreller revient aussi sur le poids de l’histoire, histoire de l’Allemagne, l’avant-guerre, la guerre (« la période des Égarés ») et l’après-guerre.

Premier roman

« … qu’on résiste ou pas n’a aucune importance parce que, l’enjeu, c’est de devenir quelqu’un à qui on fait croire qu’il résiste. »

Ecouter la lecture de la première page de "Villa Pirasol"

Fiche #2516
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Corinna Gepner


Marina MANDER

Le premier vrai mensonge
Les Presses de la cité

2 | 200 pages | 01-09-2013 | 16€

Luca âgé d’une dizaine d’années vit seul avec sa mère et son chat. Il ignore tout de son père et voit passer quelques hommes dans la maison, mais ils ne font que passer. Un matin, avant de partir à l’école, il s’aperçoit que sa mère est morte. Il ne peut y croire et part à l’école en espérant qu’elle se réveille. Hélas, à son retour, il doit bien s’y résoudre, sa mère est belle et bien morte. Néanmoins, par peur de l’orphelinat, il décide de se taire et continuer de vivre comme avant, premier mensonge qui en entraînera d’autres… Marina Mander en faisant parler le petit Luca qui a ses mots, ses expressions et son imagination évite les écueils misérabilistes et nous offre un récit poignant et intense mais aussi frais et même parfois joyeux. Pourtant le regard de Luca, que l’on aimerait tant protéger, sur le monde adulte est particulièrement aiguisé et loin d'être tendre. Une émouvante et vibrante tragédie prétexte aussi à décrire le monde de l’enfance et sa psychologie.

« Les adultes n’imaginent pas tous les trucs que les enfants doivent s’inventer pour être ce qu’ils sont. »

Ecouter la lecture de la première page de "Le premier vrai mensonge"

Fiche #1349
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Diane Ménard


Buddhadeva BOSE

La fille de nos rêves
Les Presses de la Cité

1 | 168 pages | 30-10-2011 | 20€

Au hasard de leurs pérégrinations, quatre Bengalis d’âge mur se retrouvent dans le même compartiment d’un train bloqué dans la gare d’une petite ville entre New Dehli et Calcutta. Quatre hommes qui n’auraient pas dû se rencontrer, tout les oppose : leurs classes sociales, leurs apparences physiques, leurs caractères… Pourtant, eu égard au confinement et à la durée du voyage, le dialogue se noue peu à peu, surtout après l’immobilisation du train. Ils se réfugient alors dans une salle d’attente « lugubre et sordide » espérant atténuer le froid de l’hiver. Une forte impression de chaleur inonde la salle lorsque la porte s’ouvre sur deux jeunes amoureux, un couple de jeunes mariés « toujours absorbés par leur amour ». Cette vision provoque une longue série de confidences : « nous avons tous connu ce que ce couple est train de vivre ! Tout le monde a aimé » et chacun se lance avec réticence au départ dans le récit de l’Histoire d’amour qui l’a définitivement marqué : amour déçus, amours impossibles, amours partagés… Voyage au sein de la petite bourgeoisie indienne avec ses us, ses aléas, ses joies et peines, voyage dans l’intimité des sentiments délicats et pudiques de quatre hommes continuant de rêver aux femmes qui les ont marqués à jamais. Un joli texte tendre et d’une grande fraîcheur.

Fiche #1042
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Sylvie Schneiter





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