« Parler c’est comme un muscle. Si on ne s’y met pas régulièrement, ça finit par coincer. »
Jan Carson
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Laurent Gaudé a vraiment l’art de prendre le lecteur par la main, page après page, pour lui faire découvrir à chaque roman des chemins différents, des rencontres singulières affrontant lors de chaque épopée des problématiques à la fois contemporaines et intemporelles, particulières et universelles. La tempête s’annonce et la Nouvelle-Orléans (« la tombe humide ») se vide, l’évacuation s’accélère. Pourtant quelques-uns demeurent dans la ville, irréductibles, laissés pour compte, prisonniers… attendent le déchaînement de la nature et ses effets. Le récit suit alternativement le parcours d’une série de personnages et leurs réactions au sein du chaos, personnages amenés à se croiser un jour ou l’autre pour le meilleur et pour le pire... Le rythme de la narration adopte la vitesse de la tempête. Keanu revient de l’enfer et souhaite retrouver Rose son ancien amour comme une ultime chance. Rose est perdue avec son fils sans père dans cette ville entourée de ses terrifiants bayous. Josephine « négresse depuis presque cent ans », « mère de tous les nègres », fière, désespérée et entêtée, n’a rien oublié de son histoire et de celle de son pays, et garde la tête haute et le regard fixe devant les vieux blancs, sa liberté n’a pas de prix (« Alors ils sont venus comme ils viennent toujours dans ces cas-là, la main tendue d’un côté et les doigts pour se boucher le nez de l’autre… Ils ont tiré en l’air pour effrayer le nègre. Depuis toujours, ils aiment ça. Je ne monterai pas. Je suis Josephine Linc. Steelson, je prends le bus tous les matins pour que les vieux Blancs baissent les yeux devant ma liberté. Je ne veux pas monter comme ça, comme une bête apeurée que l’on sauve par charité. Alors je reste assise. »). Cette chorale disparate continue d’avancer au milieu de l’apocalypse, chacun conservant aussi longtemps que possible un brin d’espoir, un projet pour le maintenir à flot. Des personnages vrais, humains avant tout, forts ou faibles, torturés, lucides, fraternels ou haineux... qui vous entraîneront dans leurs pas souvent hésitants.
Fiche #809
Thème(s) : Littérature française