« Nous passons chaque jour et chaque nuit à nous perdre et toute notre vie à nous chercher. »
Hafid Aggoune
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Notre antihéros du jour n’est pas au mieux de sa forme : liquidation de son entreprise, liquidation de son couple. Josefa vient en effet de lui annoncer son intention de divorcer et il attend le courrier du liquidateur qui mettra un point final à son entreprise d’ambulances. Il continue d’errer dans sa maison, l’âme en peine, quand sa voisine tente une première approche, puis une seconde. Sally insiste, il plie. Sally s’ennuie à la maison, son mari Miko est un gagnant mais la délaisse. L’argent coule à flots et échoue même en espèce dans un coffre-fort caché dans la maison. Sally rêve d’autre chose, d’une nouvelle vie et notre antihéros fait (peut-être) partie de ses plans... Les évènements s’enchaînent et il les subit, presque impuissant. Sally le transformera-t-elle en gagnant ou le looser l’entrainera-t-il dans sa chute ? Après Taormine, Yves Ravey nous entraîne à nouveau en tension dans les pas d’un destin non maîtrisé, que les évènements percutent, dans une impuissance maladive, jusqu’au couperet définitif n’empêchant pas la vie de continuer.
Ecouter la lecture de la première page de "Que du vent"Fiche #3205
Thème(s) : Littérature française
Une famille heureuse, soudée, unie. Elle se retrouve pour une triste journée, le père, le grand-père, Luciano Malusci est mort, et l’enterrement se déroule, classiquement, discours, hommage, émotion... Et puis, après coup, une pièce rapportée, Franz, prend à témoin Simon, le narrateur, et lui confie son regret de n’avoir parlé lors de l’enterrement et rappeler à toutes et tous, qu’il manquait quelqu’un en ce jour particulier. Il manquait M. l’enfant que Malusci avait eu avec la femme allemande, à la fin de la guerre, lors de son rapide séjour en Allemagne. Certains savaient, d’autres (dont le narrateur) non. C’est un jour de bascule pour la famille. Simon est lui-même en train de se séparer de sa femme et cette nouvelle accroît ses interrogations et son trouble. Il ne peut résister à enquêter voire à rencontrer M. l’un des « 400000 enfants allemands nés de soldats alliés ». Entre Toulouse, les Bouches-du-Rhône et le lac de Constance, le voici parti pour une enquête sur un secret de famille bien gardé mais aussi dans une réflexion sur sa vie, son passé, son avenir. Sylvain Prudhomme (et son superbe style) réussit parfaitement à installer une atmosphère, suggérer, évoquer. Un récit finement mené, doux, puissant, humain qui implique progressivement, page après page, le lecteur qui grandit au côté de Simon et l’accompagne avec émotion dans son enquête et son introspection.
« Le problème n’était-il pas plutôt que la paix soit l’autre nom du déni. L’autre nom de l’effacement pur et simple de vies. »
« Les enfants dans la vie ce qu’il faut pour être heureux, c’est des os à ronger. »
Fiche #3055
Thème(s) : Littérature française
Une relation mère-fille à deux âges différents, l’enfance, l’âge adulte, pour deux actes d’une même violence. Dans la première partie, la mère et Elsa, la fille, s’installent dans leur nouvel appartement, aucune des deux ne trouvent sa place dans ce changement d’environnement. La mère et la fille se retrouvent dans une sorte de piège et la violence de la mère enferme sa fille dans une voie qui semble sans issue, comme un hamster tournant dans une roue. Domination, emprise, manipulation, tension malsaine, oppression, atmosphère pesante, chaque mot est à sa place et l’écriture et le style placent le lecteur au plus près de ce face à face. Second acte, vingt ans plus tard, Elsa est partie mais reste proche de sa mère, le lien exclusif se perpétue, la malédiction familiale représentée par trois bagues semble toujours d’actualité alors que la mère décide de vendre l’appartement. Il faut le vider, l’histoire les rattrape, peut-être est-ce le moment de lever le voile sur cette relation, que chacune reconnaisse, comprenne et prenne sa place… Détruire, s’autodétruire, pour tout stopper ou tout continuer voire reproduire… Troublant.
Premier roman
Fiche #2973
Thème(s) : Littérature française
Pour Pâques, un couple au bord de la séparation espère renouer les liens, se retrouver, lors d’un voyage touristique en Sicile. Melvil a effectué les réservations, Luisa a préparé le programme des visites. Ils logeront à Taormine. Arrivés à l’aéroport, ils récupèrent leur voiture de location et ne s’attardent pas. Pressés de voir la mer, ils quittent l’itinéraire prévu et s’en éloignent un peu au hasard. Une décision qui va totalement bouleverser leur séjour et certainement plus. Un enchaînement inédit d’évènements, plus aucune maitrise de leur quotidien (comme de leur avenir), des rencontres amicales ou inamicales, le savent-ils vraiment... Une bonne idée ce voyage en Sicile ? La réconciliation était-elle possible ? Yves Ravey (et sa plume légère) suit avec candeur un couple fragile qui va totalement se noyer dans les belles eaux siciliennes et se laisser imposer le fil de leur vie, enchaîner les mauvaises décisions suite à un évènement particulier de quelques secondes, mais cet évènement est-il vraiment celui qu’on leur impose ? Un chemin étonnant pour qu'une incertitude se mue en certitude...
Ecouter la lecture de la première page de "Taormine"Fiche #2893
Thème(s) : Littérature française
En Salle mène de front deux récits pour deux périodes de la vie d’une jeune femme, la narratrice. Elle vient de passer un entretien d’embauche pour une grande chaîne de restauration rapide et c’est le succès... Dans le même temps, elle revient sur son enfance avec ses parents, son frère Nico, une enfance marquée par l'omniprésence du travail du père, ouvrier à la maintenance, un poste dangereux, mais guère considéré avec une pression permanente des patrons alors ses blagues potaches lui permettent peut-être d’oublier... Avec une description clinique du travail dans « le restaurant », des différents postes de travail, des relations entre les employés, des interventions permanentes des managers et autres petits chefs, Claire Baglin dissèque un emploi aliénant (« Aux frites, l’automatisme empêche de réfléchir. »), pressant, usant psychiquement et physiquement (« ... c'est un fait, les peaux se décollent et s'effritent lorsqu'elles de lavent les mains. »), qui réussit à faire oublier tous les espoirs et rêves possibles et peut vous aspirer rapidement vers un trou noir sans issue. La construction, le style, la description froide et précise, le réalisme, un vrai grand premier roman !
Premier roman
Fiche #2875
Thème(s) : Littérature française
Au château, dans la banlieue chic, il y a Dieu le père, l’icône absolu, un monstre du spectacle, une star reconnue de tous, intouchable, devenu monument national, entre Johnny Halliday et Alain Delon. Autour de lui, sa très jeune (évidemment) femme ancienne miss (évidemment), le ou les enfants qu’elle a voulus et puis le petit personnel totalement dévoué : une nurse, une intendante sévère, un coach venu du 93, une cuisinière, un jardinier et un chauffeur. Mais les fissures commencent d’apparaître en surface et comme au coeur de l’édifice. La star est vieillissante, le château se lézarde alors la fidélité va-t-elle tenir ? Surtout que la COVID vient aussi bouleverser le quotidien des plus riches, que c’est triste ! C’est Joséphine, la fille adoptive, avec son œil vif, franc, attentif, imaginatif et naïf qui se lance dans la narration de ce huis clos, pour nous confier une satire, une fable débordant d’ironie, un polar cinglant qui vous fera sourire jusqu’à l’apothéose conséquence de la lecture du testament de la star avec un feu d’artifice final hilarant et loufoque !
Ecouter la lecture de la première page de "Monument national"Fiche #2808
Thème(s) : Littérature française
En quelques pages, les personnages sont campés : Max Le Corre un boxeur sur le retour, chauffeur du maire d’une petite ville bretonne, Quentin Le Bars, et Laura la fille de Max, superbe jeune femme de 20 ans de retour dans sa ville natale. Laura a donc besoin d’un logement voire d’un boulot, alors Max a la mauvaise idée de demander de l’aide à son patron... la machine est lancée, une demande qui oriente et fige les destins de chacun. Le père et la fille ont exhibé leurs corps : l’un pour l’annonce de ses combats, l’autre parce qu’elle a posé pour des photos publicitaires de sous-vêtements. Nous voilà au cœur du pouvoir, de la domination, de l’emprise, du consentement, des petites magouilles locales permettant d’asseoir son pouvoir, de l’argent... Roman noir, roman social, sociétal, tendu, rythmé, les images jaillissent, très cinématographique évidemment éclairé par le rythme très personnel et le style lumineux et précis de Tanguy Viel.
« Un monde normal... un monde où chacun reste à sa place. »
« ... rien ne les vexe plus que d’être rattrapé par la trivialité du monde dont un temps ils ont oublié qu’ils faisaient encore partie. »
Fiche #2726
Thème(s) : Littérature française
Un hameau et trois maisons isolées. Dans la première vivent Bergogne, sa femme Marion, leur fille Ida. A côté, la deuxième est habitée par Christine, une peintre retirée du monde artistique qui vit là depuis longtemps et a connu Bergogne gamin. Radjah le chien navigue entre les deux maisons. La troisième est vide et en vente. Bergogne a repris la ferme de ses parents et se débat dans les difficultés habituelles de ce genre d’exploitation. Il est très amoureux de sa femme même s’il sait que certaines zones d’ombres l’accompagnent et qu’elle cache quelques secrets. Ida adore les contes que continue de lui lire sa mère, des contes pour trembler. Dans deux jours, elle aura quarante ans et Bergogne prépare la fête et la nuit sera longue... Christine et deux collègues de Marion seront là. Mais le passé de Marion va faire violemment irruption avant que la fête prenne son envol. Deux hommes débarquent suivis par un troisième, tuent Radjah et les séquestrent un à un. Rapidement, il ne fait aucun doute qu’ils connaissent très bien Marion et son histoire... La discussion s’ouvre, la tension monte, la peur et les menaces pointent leur nez... Que ce soit dans un roman de soixante pages (« Ce que j’appelle oubli ») ou ici de six cent trente pages, Laurent Mauvignier excelle à tenir en haleine le lecteur et à installer une proximité évidente avec ses personnages, leur histoire familiale, leurs secrets, leur vie et leur destin.
Ecouter la lecture de la première page de "Histoires de la nuit"Fiche #2568
Thème(s) : Littérature française
Voilà des mois que leur projet murît avec bonheur : les Caradec vont enfin déménager, quitter leur appartement et devenir propriétaire d’une belle petite maison dans un écoquartier qui se crée en banlieue. Ils ont nécessairement trouvé la belle affaire, elle est du métier, urbaniste, elle travaille sur le réaménagement urbain et connaît le domaine. Quant à lui, il est sous médicament et ne quitte guère l’appartement mais partage cette joie. Ils s’installent donc dans une rue qui voit naitre une petite dizaine de maisons en même temps. Chaque heureux propriétaire s’installe et découvre ses voisins : naissance d’une nouvelle communauté. Chacun se renseigne, observe, écoute. Pour le chat aucune notion de propriété, il passe allègrement d’un domaine à l’autre. Et finalement l’intimité se retrouve réduite à sa plus simple expression, pour le plus grand bonheur de certains et le plus grand malheur d’autres... Même porte fermée, le voisinage continue d’impacter les Caradec surtout qu’ils restent en peu en retrait de la communauté donc nécessairement suspects et notamment pour leurs voisins immédiats, les Lecoq, remarquablement intrusifs et curieux. Julia Deck nous offre un petit bijou, roman noir débordant d’humour, étude sociologique, tout y est, aussi profond que léger, un roman à la Chabrol (sans la bourgeoisie provinciale) que l’on dévore d’une traite.
Ecouter la lecture de la première page de "Propriétée privée"Fiche #2382
Thème(s) : Littérature française
La narratrice est dans un temps de « latence », elle s’est séparée du père de sa fille, et vit actuellement avec un jeune bulgare. Et puis, lors d’une soirée entre amis, Sarah arrive en retard et immédiatement s’impose, prend sa place, prend la place. Elles s’écrivent, elles se revoient et une passion fulgurante les emporte. Et la narratrice les raconte, Sarah et cette passion folle. Folie des sentiments, folie des corps, Sarah déborde de vie, « Elle est vivante », exubérante, passionnée, enfant souvent, femme parfois, elle aspire ce qui l’approche et la narratrice se laisse prendre par le tourbillon. Un tourbillon qui va de plus en vite jusqu’à la rupture, violente et définitive. Récit d’une passion étouffante, sans limite, que seuls la maladie et la folie pourront rompre. L’écriture de Pauline Delabroy-Allard réussit parfaitement à rendre compte de ce tourbillon de la vie et du rythme imprimé par Sarah à la vie de ces deux folles amoureuses.
Premier roman
Fiche #2184
Thème(s) : Littérature française
Sybille fut une jeune étudiante brillante, et pleine de vie. Son quotidien oscillait entre révisions, fêtes et amours. Elle ambitionnait de devenir chirurgien et la voie était ouverte. Puis, en une nuit, sa vie bascule et se réoriente définitivement. Une vie moins étincelante, elle se marie néanmoins, et a un fils, Samuel. Alors quand Samuel semble emprunter un chemin chaotique et dangereux, elle réagit enfin, elle ne peut le laisser se fourvoyer sans rien tenter. Elle a le projet insensé de partir seule avec Samuel quelques temps au Kirghizistan et de randonner dans les montagnes à cheval. Sauver Samuel par la solitude et l’immensité des paysages, le ramener à la réalité par les rencontres et l’hospitalité des Kirghizes pourtant bien loin du confort bordelais de Samuel, recréer des liens pour pouvoir espérer continuer. Encore un grand Mauvignier qui campe avec Sybille un personnage fragile et volontaire, humain et attachant, analyse avec précision les relations filiales entre un ado et sa mère placés dans des situations très variées voire extrêmes, et confirme qu’il est toujours aussi efficace quand il joue avec le rythme de la narration.
« Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu’on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu’on n’a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c’est pas renoncer à soi. »
Fiche #1816
Thème(s) : Littérature française
Gustave même s'il est chauffeur routier à l'international n'a finalement jamais quitter la petite ville de province de l'Est de la France où il a passé son enfance. Son père est mort il y a peu, sa mère perd la mémoire et est maintenant en maison spécialisée. Gu continue donc d'occuper en vieux célibataire la maison où il a grandi. Il n'a pas oublié ses amies d'enfance, Betty et surtout Stéphanie dont il est encore secrètement amoureux. Alors quand il voit un Américain sorti de nulle part tourner autour d'elle et Stéphanie succomber au charme de ce John Lloyd, c'est inévitable, Gu ne peut rester sans réagir. John Lloyd disparaît sans laisser de de traces ni d'explication au grand désespoir de Stéphanie qui charge immédiatement Gu de l'enquête et Gu est à la fois le mieux et le plus mal placé pour élucider l'affaire ! Un faux polar qui se lit d'une traite, des personnages forts et caractéristiques, une atmosphère bien noire entre Gailly et Simenon, ne reste plus qu'à trouver le scénariste et les acteurs ! Du grand art !
Ecouter la lecture de la première page de "Sans état d'âme"Fiche #1674
Thème(s) : Littérature française
Le nouveau roman d’Eugène Savitzkaya revendique la folie. Nous sommes tous fous, admettons-le et « la plupart du temps, il (ndlr le fou) fraude », ils ne sont pas là où on les attend et ne s’en préoccupent guère. Qui est cet enfant fou ? L’auteur ? Son double ? Peu importe. Il nous emporte sur ses traces au coeur de la nature qu’il nous décrit et nous incite à observer attentivement, odeurs, sensations, bruits, couleurs, il prête attention à ce qui l’entoure et traduit ses impressions. Il y puise la sève de sa vie. Il reconstruit son passé, nous fait rencontrer ses parents, ce qu’il en sait, leurs mots, leurs gestes. Il décrit le monde, dans tous ses aspects, le beau, le laid, le doux, le violent, parfois crûment, et toujours avec poésie. L’écriture, les thèmes, la progression, tout est singulier. A chaque page, le lecteur est happé par une réflexion, interrogé par une image. Original, poétique et puissant !
« Le fraudeur n’a foi en rien sauf en la forme des nuages dont il absorbe goulûment la vapeur. »
Fiche #1614
Thème(s) : Littérature française
« Il aura parcouru la Terre comme pour rappeler que tous les objets du monde sont reliés entre eux d’une manière ou d’une autre et qu’ils se touchent les uns les autres. » : une quinzaine de trajectoires ou personnages principaux en mouvement pour renforcer cette idée. Seul lien entre eux : le tsunami de 2011 au Japon, une longue vague, qui déferle sur le monde et n’en finit plus, de les faire bouger, évoluer et pourtant chacun reste définitivement ancrer dans sa propre histoire.
Ecouter la lecture de la première page de "Autour du monde"Fiche #1537
Thème(s) : Littérature française
Mademoiselle n’a plus de travail. Les emplois proposés ne sont guère motivants, elle peut jouer le jeu quelques temps mais stoppent l’hypocrisie à un moment ou à un autre. Pourtant les dettes s’accumulent, alors pourquoi ne pas changer d’identité ? Etre écrivain, simple, motivant, et peut-être enrichissant. Bérénice Beaurivage, voilà sa nouvelle identité qui lui permet de rencontrer l’Inspecteur dont elle tombe immédiatement amoureuse et qu’elle ne va plus lâcher ! Toutefois, une journaliste Blandine Lenoir est aussi sur l’affaire et s’inquiète de cette romancière inconnue… Un jeu dangereux que ce changement d’identité car quand on y a goûté, est-il possible de revenir en arrière ? Julia Deck traite à nouveau du problème de l’identité avec réussite notamment par un humour singulier et un traitement décalé original.
Ecouter la lecture de la première page de "Le triangle d'hiver"Fiche #1489
Thème(s) : Littérature française
La disparition de Jim Sullivan est un défi, mais aussi deux textes qui s’emboîtent parfaitement l’un dans l’autre. En effet, dès la première page, le narrateur écrivain nous annonce tel un torero tentant la passe parfaite, qu’il a décidé d’écrire un roman américain. Il doit donc respecter l’idée qu’il se fait d’un roman américain. L’ambitieux malicieux et moqueur s’interroge, interpelle le lecteur, stoppe la progression de l’intrigue, tâtonne, applique et explicite ses recettes, cherche son chemin, ébauche puis affine ses personnages et enfin, se laisse happer (comme le lecteur) par l’histoire. Un fait divers réel avec un chanteur emblématique disparu mystérieusement, un mari prof de fac, évidemment, séduit par une étudiante puis quitté par sa femme mais qui ne lâche pas l’affaire et passe beaucoup de temps dans sa voiture en écoutant Jim Sullivan, un adultère avec un amant collègue du mari, Detroit la ville de l’automobile… Tout en donnant vie à ses personnages, l’auteur et/ou le narrateur mettent à jour leurs fiches. Tanguy Viel réussit brillamment l’examen en construisant une vraie fiction autour de personnages denses et réels tout en disséquant avec humour les ficelles de la création. Le lecteur, sourire aux lèvres, suit de pair les deux fils narratifs. Roman américain, roman français, roman d’aventure, méthode d’écriture, analyse littéraire, hommage à la fiction, scénario, mais où va-t-on classer ce livre singulier et si attachant !
Ecouter la lecture de la première page de "La disparition de Jim Sullivan"Fiche #1366
Thème(s) : Littérature française
Ecrire et publier un livre est toujours une aventure. Celle de « La méthode Arbogast » fut particulièrement périlleuse et son auteur, Valentin Noze en sut quelque chose ! Notre destin tient parfois à un fil et celui de Valentin bascula à cause d’un ballon de baudruche et d’un moineau ! Rien ne le prédestinait à devenir un nouveau James Bond au cœur d’un trafic d’animaux sauvages et notamment de grenouilles au pouvoir étonnant ni à définir une nouvelle méthode d’autohypnose ! Réjouissant et quelque peu moqueur !
Ecouter la lecture de la première page de "La méthode Arbogast"Fiche #1337
Thème(s) : Littérature française
Jean Echenoz raconte sans raconter, décrit sans décrire. Chaque mot est pesé, dans la sobriété et la simplicité, subtile contraste entre la délicatesse de l'écriture et le thème abordé. En effet, il s'agit de la première guerre mondiale, de cette boucherie mais s'agit-il seulement de cela ? Cinq hommes sont mobilisés et partent, presque joyeux, en tous cas unis et certains de revenir rapidement. Mais vont-ils vraiment revenir et dans quel état ? Du grand art !
Ecouter la lecture de la première page de "14"Fiche #1149
Thème(s) : Littérature française
Viviane Elisabeth Fauville, jeune Parisienne, aborde une période difficile de son existence qui révèlera sa folie ou son instabilité. Le malaise s'installe dès les premiers mots. Elle a accouché il y a peu et son époux vient de la quitter. Seule dans son appartement avec son enfant, elle apparaît quelque peu désemparée, des moments de panique la bousculant périodiquement. Elle est suivie par un psychanalyste et au cours d’une consultation, alors qu’il semble se désintéresser d’elle et ne pas l’aider, sans aucune préméditation et sans véritable volonté, instant de colère, elle le tue avec un couteau de cuisine qu’elle portait dans son sac. Elle rentre chez elle en métro persuadée que son arrestation n’est qu’une question de minutes. Pourtant, après sa convocation, elle ressort libre du commissariat et devient « le jouet des circonstances ». Elle suit l’enquête en lisant la presse qui lui apprend que la police s’intéresse à une série de suspects proches du psy tous plus vraisemblables qu’elle. Peut-être déçue par ce manque de reconnaissance, elle part à leur rencontre et la rencontre de son destin. A l'aide d'une construction minutieuse, Julia Deck réussit un portrait d’une femme dérangée certes, qui voit la réalité lui échapper mais une femme multiple qui se métamorphose selon le lieu, l’instant, la personne qui l’accompagne. Mais qu’adviendra-t-il de ce caméléon fou, devra-t-il vivre éternellement seule avec son secret ou la vérité le rattrapera-t-elle ?
Premier roman
Fiche #1146
Thème(s) : Littérature française
Etre une pièce rapportée est le lieu commun de l’humanité : la famille, groupe complexe, prégnant, souvent étouffant, parfois libératoire possède ses règles et peu osent les transgresser. Le récit s’ouvre lorsque Elvire apprend l’accident de sa fille Claire. Elle a été renversée par un motard et hospitalisée, se trouve dans le coma. Elvire prend aussitôt le train pour rejoindre Paris et Claire. Ce voyage (et la suite) est propice à la résurgence de souvenirs : ses deux filles, son mari et sa belle famille, Nathalie sa belle-sœur, le cousin, le frère, le confident, l’amant Claas, homme si propice à tomber dans les pièges tendus par les femmes… Les tensions familiales y compris entre la mère et ses filles sont extrêmes, certaines franchissent le pas de l’isolement, d’autres acceptent le piège de la famille et des sentiments en préférant le silence, autre forme d’isolement. L’accident aurait pu resserrer les liens, il va exacerber les ressentis, accroître les douleurs, attiser les brûlures. Par le thème, son traitement par Hélène Lenoir comme par son écriture, un texte particulièrement théâtral.
Fiche #1025
Thème(s) : Littérature française
Tout les oppose. Lise est une jeune adolescente issue d'une famille plus qu'aisée, insouciante, elle se laisse vivre ("Lise s'amusait d'un rien, en l'occurrence de moi."). Son professeur de dessin est plus âgé, son train de vie est à l'opposé de celui de la famille Delabaere. Elle l'entraîne dans sa vie, tourbillon, en perpétuel mouvement. L'amour comble les différences, pourtant le narrateur semble toujours en retrait, observateur de leur amour, quelque peu incrédule et toutefois prêt à la suivre jusqu'au bout du monde, jusqu'au bout de la vie.
Premier roman
Fiche #959
Thème(s) : Littérature française
L’homme arrive dans un supermarché. La vie et le hasard l’ont mené là. Il erre jusqu’au rayon des canettes de bière. Il a soif, il en choisit une, l’ouvre et la boit. Immédiatement, quatre hommes de la sécurité l’encadrent, et lui demandent de les suivre. Il se laisse faire, ne cherche ni à s’expliquer ou se justifier, ni à se défendre, il les suit. Il se retrouve dans un endroit isolé au fond de la réserve et l’enfer commence. Les coups pleuvent, les ricanements et autre regards en biais explosent. Il se recroqueville, se tait, et attend, sans révolte, usé, seul face aux autres, face à nous, face à la société toujours plus agressive et offensive ou au contraire lâche et apathique. Il attend que cela cesse, ça ne peut que cesser, il se dira seulement, in fine, « pas maintenant, pas comme ça ». Une seule phrase, un long cri sans début ni fin, ininterrompu, récit étouffant, éprouvant, suffocant, asphyxiant, une chute vertigineuse dans un gouffre sans fin semble-t-il… Vous finirez le texte essoufflé ou oppressé, je vous l’assure, encore un très très bon Laurent Mauvignier qui, en s’inspirant de la réalité, nous offre encore un texte inoubliable et profond et une nouvelle variation autour « des hommes ».
Fiche #918
Thème(s) : Littérature française
Braine revient d’un hôpital militaire après plusieurs mois de convalescence. Gravement commotionné, il semble avoir repris le chemin de la vie lorsque trois vivants l’accueillent à la gare le 20 juillet : sa femme Lily, son fils Louis et la petite chienne Lucie. Pourtant la vie hésite encore, une anxiété et une menace pèsent, le trio vacille, tangue malgré tous les efforts de Lily pour maintenir le cap dans ce réapprentissage de la vie. L’arrivée de la pulpeuse Rose semble réveiller des tourments oubliés : elle rappelle à Braine qu’il a été un brillant musicien et qu’avec quelques compères il pourrait revenir sur les planches avec succès. Braine ne sait dire non et « c’était peut-être ça, sa véritable infirmité. L’invalidité qu’il avait rapportée de là-bas. Une incapacité à ne pas aimer… ». Le lecteur espère page après page que le couple Lily et Braine surmontera les obstacles qui se dressent jour après jour devant leur bonheur. Christian Gailly grâce à son écriture par petites touches et suggestive excelle vraiment à décrire aussi bien le monde des musiciens et des clubs de jazz que les sentiments humains. Une belle musique !
Fiche #705
Thème(s) : Littérature française
Dès la première page, par son écriture, par ses descriptions, par ses dialogues, par ses personnages, Laurent Mauvignier capte le lecteur et ne le lâche plus. Né en 1967, Laurent Mauvignier n’a pas vécu la guerre d’Algérie ; longtemps les combattants de base ont gardé le silence à leur retour. Mais un jour pas comme les autres, le besoin est là, le passé et le présent ne font qu’un et il faut cracher le venin qui les infecte depuis 1962 par une confession sans retenue. Dans une petite ville française où tout le monde se connaît, Solange fête ses soixante ans dans la salle des fêtes du village. Les invités voient débouler son frère Bernard qu’on appelle maintenant Feu-de-Bois eu égard à l’odeur qui l’accompagne. Bernard vit à l’écart, seul, souvent saoul et sans le sou. Il offre à sa sœur une superbe broche et aussitôt la tension monte : où a-t-il trouvé l’argent ? Les vieilles affaires familiales ressurgissent… Bousculade, insulte, insulte raciste, coup de sang… Une enquête est déclenchée, déclic pour son cousin Rabut présent sur les lieux qui a vécu avec Bernard la guerre d’Algérie et n’en peut plus de son mutisme. Ces hommes brûlés de l’intérieur pour lesquels la guerre ne se terminera jamais vont se dévoiler dans cette tragédie en quatre actes. Sa longue confession revient sur son passé terrible et inoubliable qui terrifie toutes ses longues nuits. Laurent Mauvignier fait preuve d’une grande maîtrise dans cette évocation d’une histoire récente et encore brûlante où il ne s’agit jamais de juger, de choisir un camp, mais bien au contraire, où il s’agit des hommes et de leur capacité infinie d’(auto-)destruction. Il démontre encore une fois la puissance mais peut-être aussi la dangerosité du roman.
« Peut-être que ça n’a aucune importance, tout ça, cette histoire, qu’on ne sait pas ce qu’est une histoire tant qu’on n’a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s’accumulent et forment les pierres d’une drôle de maison dans laquelle on s’enferme tout seul, chacun sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres ? Et moi, à ce moment-là, j’ai pensé qu’il faudrait bouger le moins possible tout le temps de sa vie pour ne pas se fabriquer du passé, comme on fait tous les jours ; et ce passé qui fabrique des pierres, et les pierres, des murs. »
Fiche #627
Thème(s) : Littérature française
Après la musique de Ravel, Jean Echenoz adopte un autre rythme, d’autres notes, une autre musique, la musique des pas, de la course à pied, mais toujours avec sa musique des mots. Emile habite la Moravie lorsque les Allemands s’y installent. Jeune adolescent, son temps est occupé par un travail pénible afin d’épauler sa famille. Il n’aime pas courir ni le sport et pourtant il est obligé de participer à une course. Ce n’est pas une révélation mais il termine second et surpasse nombre de coureurs surentraînés… L’entraînement aidant, il commence d’y prendre plaisir, et ne s’arrête plus. Il court, il court et court encore. Vite, plus vite, encore plus vite, sur toutes les distances. Ce stakhanoviste de la course à pied qui travailla pour l’entreprise Bata usera quelques paires sur les stades ! Ses méthodes personnelles d’entraînement sont inédites, comme son allure et son rythme, loin de répondre aux modèles d’efficacité déjà prônés à l’époque. Qui a vu une fois, Emile Zatopek courir s’en souvient, visage marqué, grimaces, tête inclinée... ("Style, en effet, impossible... A se demander comment se débrouille Emile"). Emile Zatopek s’imposera dans le monde entier mais non sans mal. Il habite un pays qui fait partie du bloc soviétique et sport et politique sont plus que jamais imbriqués. A chaque ligne, on sent toute l’affection de Jean Echenoz pour ce phénomène qu’était la locomotive, un homme avant tout, et il établit une véritable proximité entre le lecteur et Emile. Beau portrait d’un homme singulier par sa simplicité, sa modestie, son calme, et sa réussite et Jean Echenoz rend cet Emile très attachant.
"Je n'ai pas assez de talent pour courir et sourire en même temps, reconnaît Emile en levant aussi la sienne. Je courrai dans un style parfait quand on jugera de la beauté d'une course sur un barème, comme en patinage artistique. Mais moi, pour le moment, il faut juste que j'aille le plus vite possible."
Fiche #456
Thème(s) : Littérature française
Trois hommes. Trois Parisiens séparés de leurs femmes, vivant seuls et quelque peu solitaires (« J’expliquai que pour ma part j’étais isolé depuis le début. J’avais, n’est-ce pas, commencé à vivre en m’isolant. Ca m’avait aidé. Plus tard, j’avais rencontré une femme. Puis quelques autres. J’en restais à Marie. »). Deux d’entre eux s’affrontent depuis peu sur un court de tennis. Sans être amis, ils s’apprécient. Marie, l’ex-femme du narrateur, lui propose de venir en Corse et par la même occasion de lui rapporter une chaise qu’elle a laissée lors de son départ. Il appréhende et attend à la fois cette rencontre comme une possible renaissance, un nouveau départ. Redoutant de l’affronter seul, il invite Marc qui accepte en se faisant accompagner d’un ami, Cyril, funambule blessé. Le trio prend la route, chacun avec ses attentes, ses rêves tout en prêtant attention à ses compagnons de voyage. Christian Oster excelle dans l’art de la mise en scène, de la description décalée qui éclaire indirectement, comme un jeu de miroirs, les personnages et les situations. Une belle écriture à apprécier sans retenue.
Fiche #428
Thème(s) : Littérature française
Pour son neuvième roman, Yves Ravey nous offre un court texte, direct, franc, vif adoptant les règles classiques. Unité de lieu : un bar glauque où quelques jeunes femmes « offrent leurs services », un appartement où un homme les observe et la rue qui les sépare. Unité de temps : l’action se déroule sur quelques jours. Unité d’action : une intrigue bien définie au rythme très cinématographique. Les gendarmes débarquent chez monsieur Rebernak, l’interrogent mystérieusement et remarquent sur sa voiture, une Ambassador 72, une trace qui pourrait provenir du choc avec une jeune fille en vélo. Coupable idéal que cet étranger qui regarde à l’aide de ses jumelles le bar peep-show d’en face et qui devient chauffagiste de l'établissement ? Pas un mot de trop pour déméler les fils de cette intrigue pseudo-policière sur un thème d’actualité…
Fiche #349
Thème(s) : Littérature française
- Ravey - Prudhomme - Peyrade - Ravey - Baglin - Deck - Viel - Mauvignier - Deck - Delabroy-Allard - Mauvignier - Ravey - Savitzkaya - Mauvignier - Deck - Viel - De La Peine - Echenoz - Deck - Lenoir - Almendros - Mauvignier - Gailly - Mauvignier - Echenoz - Oster - Ravey