« Il n’existe pas d’histoire qui, en tout ou partie, ignore le passé. »
Colum McCann
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?
Noir sur Blanc
12 | 220 pages | 13-02-2024 | 17€
en stockGaëlle Josse propose trente trois microfictions avec comme point commun la nuit, la nuit de chacun : « Ce sont les heures où le cœur tremble, où les corps se souviennent, peau à peau avec la nuit. On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites. ». Des nuits d’attente, des nuits d’interrogation, des nuits de décision, des nuits d’écoute, des nuits d’espérance, des nuits de remise en question, des nuits de solitude, des nuits de souvenirs, des nuits accompagnées de fantômes, des nuits de rêves, des nuits de peur, des nuits obscures, des nuits de désirs, des nuits d’écriture, des nuits pour rien... Avec sa précision, sa délicatesse et sa sensibilité habituelles, Gaëlle Josse nous dresse les portraits courts, précis et réalistes de femmes, d’hommes, d’enfants, de nous et des autres, dans un instant particulier où chacun est vulnérable et vrai.
Ecouter la lecture de la première page de "A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?"Fiche #3140
Thème(s) : Littérature française
Maman, la nuit oscille entre cri d’amour et cri de haine pour Maman mais « Maman a disparu. C’est pas simple. ». Elles habitaient dans une maison isolée près d’un village qui les regardait avec méfiance et suspicion. Les hommes passent, souvent la nuit, et la petite observe, attend une parole, un geste d’amour de sa mère qui la trouve « éparse et découpée… poisseuse et encombrante… Et laide, très laide. » La petite résiste à tout : une tentative d’avortement, le dédain, le manque d’amour, « Parfois j’ai des pensées comme des échardes à l’intérieur. Des pensées épaisses brûlantes des grandes traînées de lave des explosions des catastrophes imminentes là dessous ma peau. » Attendre pour que ça s’améliore, mais maintenant c’est trop tard. Alors que va-t-elle devenir après cette disparition et avoir tant attendu de l’être adulé ? Un premier roman singulier par son style très affirmé, poétique, maniant souvent le contraste entre la douceur de l’écriture et les sentiments à l’œuvre, et un rythme sec, rapide et maîtrisé.
Premier roman
Fiche #3002
Thème(s) : Littérature française
Isabelle n’est pas revenue sur les lieux de son enfance depuis longtemps. Documentariste, elle a vécu au contact des océans alors que son père et son frère, kiné, n’ont pas bougé et vivent toujours en montagne, dans les Alpes. La santé de son père, ancien guide de montagne, décline (il entre dans les brumes de l’oubli) et son frère l’a appelée. Elle arrive avec ses peines (elle vient de perdre son compagnon) et ses craintes. Son enfance reste un douloureux souvenir : un père qui l’a ignorée, a toujours préféré la montagne et le silence. « Je commence à deviner qu’un étrange jeu de piste m’attend ici, avec de vilains cailloux posés au hasard des lieux. », comprendre pourquoi ce père est toujours resté froid et distant, comprendre ce qui le faisait crier pendant son sommeil, le père parlera-t-il enfin ? Gaëlle Josse avec sa délicatesse et ses mots si bien choisis décrypte les conséquences dramatiques et pesantes qu’un traumatisme enfoui et la honte de soi peuvent engendrer, enchaînant à jamais à la fois celui qui l'a vécu et ses proches ; seul espoir de retrouver la lumière, la parole...
« On ne sait jamais quoi faire du chagrin des autres. »
« … faire son deuil, que c’est une expression pour les magazines, on continue à marcher avec nos morts sur les épaules, avec nos ombres, et rien d’autre. »
« Que la douleur est un archipel dont on n’a jamais fini d’explorer les passes et les courants. Qu’elle est inépuisable. Lente, féroce et patiente comme un fauve. »
Fiche #2865
Thème(s) : Littérature française
Courir. Courir dans Paris. Courir toujours. Courir encore. Courir comme seul remède. Courir pour oublier, courir pour se vider, courir pour fuir, courir pour se faire mal (« C’est douloureux mais tu finis par t’y faire… Tu t’y fais car la douleur vaut mieux que l’enfermement, la souffrance que la haine. »), courir pour progresser, courir pour s’occuper, courir pour s’évader, courir pour rêver, courir pour ne pas réfléchir, courir pour réfléchir, courir pour regarder devant, courir en se retournant sur son passé. Courir et convoquer son corps pour oublier les sentiments. Victor a quitté Fécamp avec son père, un père violent qui s’est proclamé écrivain, après le suicide de sa mère. Ce père a toujours installé un climat de violence et de peur : « Etre menacé était devenu une forme de normalité. Vivre dans la peur. Dans le doute. ». Alors Victor choisit la course pour fuir, fuir l’appartement, fuir son père, fuir son enfance, fuir son adolescence, fuir la vie. Au hasard de ses courses, Victor fera de belles rencontres, de belles personnes qui tenteront au-delà de la course de le réconcilier avec l’humanité et son avenir. Comme un sprint, le style comme le sujet et le fond est percutant, rapide, rythmé, haché. Un premier roman émouvant qui dresse le portrait d’un adolescent au bord du gouffre qui réussira notamment par la course à s’extraire de la violence et s’ouvrir les portes du grand stade de la vie.
Ecouter la lecture de la première page de "Asphalte"Fiche #2850
Thème(s) : Littérature française
A vingt ans, alors qu’elle devait partir enseigner à l’étranger, son père craque, et elle restera. Douze années plus tard, ce matin-là, c’est son tour de craquer, de s’effondrer : « Clara, la vaillante, vacillante. Une lettre en plus qui dit l’effondrement. » Alors évidemment, Clara s’interroge, questionne sa vie, son enfance, ses amitiés, ses amours, ses rêves, « Mais qu’est-ce que la vie a fait de nous ? » Pourquoi cet épuisement ? Tenir et vivre, Tenir ou vivre, ou se réinventer, Clara va devoir retrouver son chemin vers la vie. Gaëlle Josse avec un style épuré, en se jouant des mots autant que des lettres, dissèque les sentiments éprouvés lors d’une chute (dépression, burn-out) et souligne l’importance d’une amitié pour retrouver la lumière et comme toujours avec Gaëlle Josse, la sensation de simplicité dans la complexité.
Fiche #2651
Thème(s) : Littérature française
Après « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage », nous retrouvons dans « Rassemblez-vous en mon nom », Maya Angelou (ou Rita) âgée de dix-sept ans avec Guy, son bébé sans père. Nous allons partager deux années de son existence, de petit boulot en petit boulot. Elle avance fièrement vers son indépendance au gré des rencontres, belles ou mauvaises, tendres ou dangereuses. Elle est éduquée, aime passionnément la lecture, adore la danse et la musique, découvre le jazz, mais la vie l’éloigne de la culture et le danger provient en particulier de sa recherche éperdue de l’amour, sentiment qui peut l’aveugler et remettre en cause ses capacités de jugement, par amour elle est prête à tout ! Mais Rita a du caractère et à chaque mésaventure, elle trouvera les ressorts pour rebondir, déménager, partir, changer de travail, quitter l’homme qu’elle aime et toujours conserver sa liberté. Portrait d’une femme sincère, indépendante, libre et volontaire : la vie de Maya Angelou est vraiment digne d’un roman.
« L’apitoiement sur soi, à ses débuts, est aussi agréable qu’un matelas de plumes. Ce n’est qu’à la longue qu’il devient inconfortable. »
Fiche #2597
Thème(s) : Littérature française
Ils sont trois, trois ados en classe de seconde, Luky, Diego et Abdoul. Ils vivent aux Renarts, une cité de Saint-Roch non loin des montagnes iséroises, un quartier à mauvaise réputation qui sera peut-être un jour rénové... « Pour Luky » nous permet de les suivre pendant un an. Ils appartiennent à une cité mais savent aussi vivre dehors, « une fois qu’Abdoul a fait ses devoirs, Diego la moitié, Luky rien du tout, ils partent dans la plaine à la recherche d’un coin d’eau ». Ces trois là partagent tout, se disent à peu près tout, leurs rêves comme leur quotidien, savent s’écouter et même se disputer entre rires, moquerie et tendresse, connaissent leur différence, Abdoul le Harry Potter arabe ou plutôt kabyle qui aime apprendre et la lecture, Diego qui à part l’Equipe ne lit pas grand-chose et Luky qui n’aurait pas dû se retrouver dans cette seconde classique. En classe, chacun arrive avec son histoire, a beaucoup en lui, peut être en dehors de la norme, mais comme tous, reste en attente même si sa confiance envers les adultes peut avoir été échaudée et rêve son futur, certains enseignants feront l’effort de le comprendre. La parole est essentielle au milieu de l’ennui qu’ils peuvent ressentir et comble la fin de course de leur adolescence, écouter son pote mais s’écouter aussi pour mieux se construire, mettre des mots sur ses rêves, sur sa vie de demain. Aurélien Delsaux dresse un portrait réaliste, tendre et attachant de ces trois jeunes à l’issue de leur adolescence dans un style oral et fluide parfaitement inscrit dans le vécu du trio.
Ecouter la lecture de la première page de "Pour Luky"Fiche #2503
Thème(s) : Littérature française
Borgo Vecchio est un quartier de Palerme que trois enfants nous font découvrir dans son âpreté et sa violence « Dans le quartier on ne meurt pas d’amour, mais seulement par haine. » Mimmo et Cristofano, deux petits gars amis indéfectibles, plus heureux ensemble que dans le cercle familial, Céleste (que Mimmo aime) la fille de Carmela qui reçoit les hommes du quartier en priant la vierge pendant que Céleste patiente sur le balcon. Pour ces gamins, seul Totò, sorte de robin des bois séducteur, présente un peu d’humanité. Les autres semblent prêts à tout pour survivre dans ce quartier déshérité étouffé par la misère sociale. Court texte qui rappelle les tragédies antiques, où la violence, le drame et la mort rodent en permanence et la seule issue semble la fuite.
Ecouter la lecture de la première page de "Borgo Vecchio"Fiche #2384
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Lise Chapuis
« Trois fois la fin du monde » décrit trois périodes de l’existence de Joseph Kamal. Son frère (« C’était lui le voyou de la famille, pas moi. ») organise un braquage, Joseph s’y joint, ça tourne mal, son frère est tué par la police et lui se retrouve en prison. Plongée immédiate en enfer et en violence. Dès la fouille, il n’est plus le même homme. Il découvre la promiscuité, la saleté, l’enfermement, la violence, la haine, le combat pour survivre, la perversité : un quotidien décrit précisément et sans artifice par Sophie Divry. Impossible de stopper le cauchemar, il faut patienter et courber l’échine en abandonnant son innocence, son humanité et sa confiance en l’autre. Un évènement extérieur vient pourtant à nouveau bouleverser son quotidien : une explosion nucléaire dérègle tout et Joseph en profite pour s’évader. Il rejoint le monde extérieur et surtout la nature. Peu survivent à l’explosion mais Joseph est de ceux-là : il choisit de s’isoler, se cacher, de se construire une nouvelle vie, seuls un mouton et une chatte l’accompagneront et l’apaiseront. La nature l’entoure, le cerne, et même peut-être le protège et Joseph en apprécie la beauté induisant une sérénité revenue et une nouvelle approche de l’humanité bien loin de son épisode carcéral : « Et, l’humanité, c’est cet homme, il n’y en a jamais eu d’autre. Joseph est l’espèce humaine tout entière. » Mais cette humanité peut-elle survivre dans la solitude absolue ? Un court texte contrasté entre violence et douceur, humanité et inhumanité, illuminé par une écriture poétique (alternant entre le récit et les paroles de Joseph) et de superbes descriptions de la nature et de ses couleurs puissante et indestructible.
Ecouter la lecture de la première page de "Trois fois la fin du monde"Fiche #2183
Thème(s) : Littérature française
Marie-Hélène Coulanges grandit à Brigneau, un hameau de la campagne française, lieu perdu au milieu de la nature où la pauvreté est la règle : une pauvreté qui vous marque bien avant votre naissance et à jamais, une blessure qui restera toujours ouverte, impossible à oublier. Les enfants grandissent, forgent leur personnalité dans cet environnement, sans livres, sans sorties, sans chants, la candeur disparaît vite (« … il y a en elle une dureté infaillible à l’égard de ce que la pauvreté enlève aux enfants. »). La course vers la vie est en effet pipée à l’évidence, les gagnants sont identifiés dès le plus jeune âge... Dans la honte (« Marilène a honte de tout et d’elle-même. Elle ne sait pas pourquoi. ») et face au mépris des autres, il faut s’endurcir pour accepter de vivre à côté, dans un autre monde : la frontière est en effet immédiatement marquée et évidente, la franchir sera pour beaucoup un Everest. Marilène suivra le chemin des études qui finalement mettront aussi en évidence sa différence, « son retard », son refus d’accepter les injustices et la pauvreté et peut-être son incapacité à vivre dans le monde, « une vie qui ne produit rien de plus que de la fatigue et du sommeil. ». Un style épuré, des phrases courtes, directes, un narrateur qui prend du recul et de la hauteur en décrivant froidement, sans parti pris ni jugement, la lutte de Marilène, en espérant que sa quête de liberté ne reste pas vaine et que les mots et l’écriture lui ouvriront d’autres portes…
Ecouter la lecture de la première page de "Le bruit du monde"Fiche #2112
Thème(s) : Littérature française
Anne s’est mariée jeune avec Yvon, un vrai marin pêcheur, elle vit en effet en Bretagne. Yvon décéda rapidement après le bombardement de son bateau par les Anglais. Anne va dans un premier temps survivre avec Louis, leur fils, puis trouver une seconde maison en se mariant avec Etienne le pharmacien. Ils auront deux enfants mais elle s’« invente des ancres pour rester amarrée à la vie ». Etienne n’est finalement pas le père qu’il a promis pour Louis alors, un soir, il ne rentrera pas : il s’invitera sur un cargo comme il l'avait annoncé à neuf ans, prendra la mer, et alors la vie de sa mère et de ses proches seront bouleversées. Anne retrouvera la longue attente, les incertitudes, la peur. Elle résiste, comme accrochée à une bouée de sauvetage, mais chaque retour de bateau sans Louis la mine, le mal s’installe, torture, une destruction à petit feu. Alors Anne lui écrit, entre ses deux maisons, celle de la vie et celle de l’attente, deux maisons deux vies, rêve son retour et à la fête qu’elle organisera pour l’accueillir. Elle scrute à l’infini l’horizon annonçant le bateau de Louis jusqu’au jour où elle non plus ne rentrera pas. Gaëlle Josse a trouvé les mots justes pour traduire cette douleur immense induite par l’attente, pour nous ouvrir l’intimité d’une mère inconsolable, une immense délicatesse pour traduire cette obsession, ce manque absolu sur le fil de la folie.
Ecouter la lecture de la première page de "Une longue impatience"Fiche #2067
Thème(s) : Littérature française
Trois jeunes bulgares après la perestroïka sont sans avenir et décident malgré leur différence de changer de destin : direction Paris pour y voler des voitures. Lucky nous parle tendrement et avec sensibilité de sa vie actuelle en France, de sa femme et de sa fille mais aussi de la Bulgarie communiste où tout, selon lui, n'était pas aussi triste que l'Ouest voulait bien l'entendre. Puis, le lecteur suivra l'épopée et ses déconvenues de ses trois jeunes bulgares jusqu'à l'abandon par Lucky de son "statut" de voleur. Un roman vif et alerte.
Fiche #168
Thème(s) : Littérature étrangère
- Josse - Bourre - Josse - Zaccagna - Josse - Angelou - Delsaux - Calaciura - Divry - Chaillou - Josse - Savov