« Combien de Voltaire finissent mécaniciens parce qu’ils sont nés plus près d’un garage que d’une école ? »
Olivier Dorchamps
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Yi Sunil tous les ans se rendait à la frontière des deux Corée pour rendre « visite à son passé » : se recueillir sur la tombe de son grand-père, un grand-père qui l’a accueillie quand elle était petite. Mais Yi Sunil fatigue et cette année, elle a décidé de détruire la tombe et d’exhumer le grand-père. Ce n’est donc plus une visite dans son passé mais un passé qui s’invite avec force dans son présent. Yi Sunil revient sur son enfance, son mariage, ses enfants, une femme à sa place, qui a toujours fait ce qu’on attendait d’elle, parents, beaux-parents, enfants, une vie naturellement impactée par l’histoire et la guerre avec toujours la difficulté de communiquer, de parler, de se confier. Un portrait tout en retenue et émouvant d’une femme qui a souvent fui et ose enfin lever le voile en espérant mieux pour ses enfants : « Je voulais que mes enfants vivent bien. Qu’ils deviennent grands sans avoir à traverser de rudes épreuves. Qu’ils soient heureux. Sans m’y connaître j’ai rêvé de ça. Sans m’y connaître. »
Ecouter la lecture de la première page de "Une bonne fille"Fiche #3199
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Jacques Batilliot,
Jeong Eun Jin
Une écrivaine, la quarantaine, partage ses réflexions intimes, son quotidien entre son compagnon et ses analyses passées ou en cours, ses doutes, sa relation au réel et à l’imaginaire, son appréhension du réel en tant que femme et en tant qu’écrivaine, son envie et parfois sa difficulté d’écrire. Elle montre comment les faits du réel du plus anodin ou plus présent peuvent susciter quelques lignes, une nouvelle ou un roman et de même, constate étonnamment, qu'un fait né de son imaginaire au coeur d'une nouvelle peut se concrétiser en un fait réel, comme un présage mystérieux et inattendu : imbrication de la fiction de la réalité. Les nouvelles s’enchaînent ou s’enchâssent pour mieux dévoiler une écrivaine qui laisse tomber le masque avec retenue et modestie.
Fiche #3145
Thème(s) : Littérature française
Le vieil incendie est une histoire de sœurs, une histoire de retrouvailles : deux sœurs et le silence. Agathe scénariste vit à New York depuis quinze ans. Véra est restée dans la maison familiale en Dordogne. Agathe revient neuf jours en Dordogne pour vider leur maison d’enfance. Enfant, Agathe s’occupait de tout : Véra est en effet aphasique depuis l’âge de six ans alors Agathe faisait tout pour elle, parlait pour elle, presque pensait pour elle puis le silence les a éloignées, protection et dépendance les ont épuisées, Agathe est partie. Elle ne se sont plus revues depuis quinze ans. Aujourd’hui, elles se retrouvent. Comment ce lien va-t-il se traduire dans leur retrouvaille avec le silence de Véra entre elles ? Quelque chose va-t-il se nouer dans cet instant particulier ? Quels souvenirs vont remonter à la surface ? Vont-elles se supporter ? Agathe retrouve une femme alors qu’elle a quitté une enfant et elle observe Véra avec curiosité mais aussi souvent froideur, on a la sensation d'un empêchement. Neuf jours pour se retrouver, pour se quitter, se reconnaître, la tension est palpable, comme à son habitude, Elise Shua Dusapin nous fait ressentir cette tension et les sentiments des sœurs, violents ou pas, par petites touches, leur complixité et leur intensité, une prose clinique, concise et précise.
« ... c'est quand on aime le plus, qu'on dit les choses qu'on pense le moins. »
Fiche #3089
Thème(s) : Littérature étrangère
Bruno Pellegrino se fait narrateur de ce texte, entre témoignage, roman et essai. Une série de vignettes avec en commun, la peur de la mémoire, de sa mémoire : « La mémoire humaine est vivante, indisciplinée, faillible et mouvante , et donc bon, bref, ça reste entre nous, mais personne n’y comprend vraiment quoi que ce soit. ». Déjà enfant, il rangeait, triait par peur de perdre et d’oublier. Alors tout au long de sa vie, quoi conserver ? se débarrasser de quoi ? où est l’essentiel ? que faire de ses souvenirs ? Archiver ou écrire ne peuvent être hélas une solution, alors comment se satisfaire de l’oubli ? Soucieux de sa mémoire, l’écrivain est naturellement attaché aux détails et Bruno Pellegrino excelle à nous les décrire, et Tortues, texte atypique, ne sera pas qu’un furtif souvenir, le lecteur s’en souviendra !
Ecouter la lecture de la première page de "Tortues"Fiche #3001
Thème(s) : Littérature étrangère
Une histoire familiale, un lointain ancêtre, un grand-oncle sorte de fantôme familial, dont on parle parfois, notamment à propos de sa mystérieuse disparition. Alors un jour, c’est le moment : Douna Loup part sur ses traces sans vraiment savoir pourquoi (« Il m’est difficile de dire exactement les raisons de mon intérêt soudain. »), mais le voyage et le récit le révèleront peut-être... Boris est né en 1941 en URSS, juif, brillant mathématicien et d’une grande franchise. Il aime déjà la marche et la solitude au milieu de la nature sauvage. En URSS, il se renferme et choisit souvent le silence. Après une longue attente, il obtient enfin son billet de sortie, ce sera finalement les Etats-Unis. Et pourtant c’est dans le Chili de Pinochet en 1985 où la barbarie n’est jamais loin qu’il disparaît sans explication. Douna et ses filles partent à sa recherche et espèrent trouver les raisons de cette disparition. Et comme dans tout voyage, Douna part aussi pour se connaître, aller à la rencontre d’elle-même, se dévoiler donc le récit oscille entre le « je » et le « tu » quand elle s’adresse à Boris. Un portrait d’un homme attachant, brillant et amoureux de la nature, une double enquête parfaitement menée sur la disparition de ce fantôme au cœur d’une dictature et sur les motivations et l’intimité de l’enquêtrice.
« Mais un voyage, c’est toujours la remise en question totale des plans préétablis. »
Fiche #2975
Thème(s) : Littérature française
Parlez-vous arabe ? Leitmotiv sous forme de question tant entendu par le narrateur. Sa mère est arrivée depuis Casablanca en Suisse italienne enceinte et célibataire. Elle confia son bébé à une veuve d’un village de montagne, l’Elvezia, une vieille dame plus à l'aise avec le dialecte local qu’avec n’importe quelle autre langue. « Grains noirs » sous forme d’une longue suite très rythmée de scénettes, de souvenir égrainés, souvenirs de petits grains noirs, dresse le portrait au plus près du quotidien du gamin, de l’ado, du jeune adulte, puis enfin de l’adulte. Evidemment les souvenirs lointains sont plus hésitants, reposent sur des émotions, des sensations, que ceux plus récents. Un parcours à l’intersection de plusieurs pays, de plusieurs langues (Italien, Allemand, Français et Arabe), de plusieurs cultures (« Je suis marocain. Je ne suis pas marocain. »). Les fait sont relatés tels quels, de manière directe, sans enjoliver, sans chercher à charmer, à se magnifier, on suit l’apprentissage de la vie avec cette identité multiple, les premières expériences, la formation d’un homme avec ses contradictions, ses colères, ses peurs, sa solitude. Un long chemin chaotique pour s’apercevoir alors devenu enseignant et étudiant en littérature que ses premières années avec l’Elvezia furent fondatrices pour l’homme qu’il est devenu.
Premier roman
« Il faut naître fou ou roi pour faire ce qu’on l’on veut. »
Fiche #2888
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Lucie Tardin
La narratrice, documentariste de radio, vit une histoire d’amour avec un scénariste canadien, quand elle apprend que sa mère est gravement malade. Sa mère vit sur une île bretonne alors que Farell habite une île face à Vancouver. Elle l’accueille donc et partage son quotidien ordinaire mais aussi sa maladie. Une nouvelle relation et complicité naissent dans ce cadre et deviennent propices aux confidences : elle découvre en effet un secret (ou des secrets) de famille, secret qui a éprouvé plusieurs générations des femmes la précédant. La mère s’en libère avant sa mort alors que sa fille devra libérer les autres femmes, devenir la sirène salvatrice qui brisera le silence et délivrera les femmes de la malédiction qui les frappe. Un roman tout en retenue, délicat et sensible, qui prouve une nouvelle fois que seule la parole même dérangeante, crue, singulière, voire violente, mais toujours vraie, peut mener à l’apaisement.
Ecouter la lecture de la première page de "Des sirènes"Fiche #2822
Thème(s) : Littérature française
Trois voix se dévoilent alternativement dans « Je vais ainsi » : deux sœurs et leur frère de cœur. So Ra est la grande sœur, douce, rêveuse, attentive. Na Na la cadette a un caractère entier, direct, indépendante et bien décidée à conserver sa liberté. Deux sœurs indissociables. C’est parfois tendu, mais chacune sait être la meilleure part de l’autre. Elles ont rencontré Na Ki en partageant un modeste appartement. Na Ki peut être à la fois effacé et très présent, grand frère protecteur mais si fragile. Les trois ont perdu leur père et vivent avec des mères quelque peu absentes. Ils s’observent, observent leurs vies, chaque détail mérite attention, « Des évènements sans importance. Des choses sans importance. » Alors ils grandissent puis vieillissent ensemble dans une Corée moderne qui n’a pas oublié ses traditions jusqu’au jour où, sans être mariée, Na Na tombe enceinte sans être décidée à convoler. Chaque personnage a sa propre voix, ses sentiments et questionnements personnels et Hwang Jungeun associe un style d’écriture précis à chacun d’eux. Un roman intimiste à l’écriture superbe pour un voyage coréen envoûtant.
« L’homme est condamné à disparaître de manière insignifiante et après sa mort, c’est tout, dit-elle… L’homme est futile et insignifiant. Mais c’est pour cela qu’il est adorable… »
Fiche #2748
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Jacques Batilliot,
Jeong Eun Jin
Christelle, Greg et leurs deux jeunes enfants décident de partir. Partir ailleurs, quitter le confort suisse, pour un minibus, prendre la route, aller voir ailleurs, rencontrer les autres, subir un autre climat, s’éveiller à la nature et tisser un nouveau lien avec, nier la banalité de son existence, être différents dans une autre vie, meilleure espèrent-ils. Dans ce cadre, le Mexique est le pays idéal : un spot de surf pour Greg, un climat très éloigné de la Suisse, une nature riche et luxuriante mais aussi violente et déstabilisante, une faune omniprésente… La vie quotidienne (dans un espace exigu) s’en voit naturellement totalement bouleversée mais ont-ils vraiment laissé leurs préoccupations profondes en Suisse ? Une menace diffuse semble en permanence peser sur la famille. Trouveront-ils la bonne vague qui les portera pour un instant ou pour une vie ? Quelles étapes seront nécessaires pour espérer basculer réellement dans une autre vie et renforcer encore leur relation ? Peut-être la rencontre avec Ana Maria, ses serpents et son frère German Engel Cristobal ?
Ecouter la lecture de la première page de "La patience du serpent"Fiche #2715
Thème(s) : Littérature étrangère
Nathalie s’installe dans un cirque à Vladivostok pour créer des costumes. Cette femme devenue solitaire et qui ne parle pas la langue du pays va observer et rendre compte de la vie du cirque, apprendre à connaître (voire à devenir leur confidente) les athlètes restés pour préparer un concours international : un numéro de barre russe. Deux personnes supportent une barre sur laquelle un troisième exécute des acrobaties. Ce seront Nino (le plus jeune) et Anton les deux porteurs accompagnés par Anna l’acrobate. Ces trois là n’ont pas de liens particuliers hors de la piste et pourtant leur relation sera puissante. On suit son évolution, sa progression dans un cadre particulier, un entraînement hors norme, éprouvant, répétitif mais toujours accepté. Anna confie en effet sans retenue sa vie aux deux porteurs avec une confiance nécessairement totale, le doute est interdit. Ils recherchent l’exploit, le numéro inédit stupéfiant de beauté en oubliant le risque quand Anna vole follement et avec légèreté au-dessus de la barre, l’enchaînement de quatre sauts périlleux, tension permanente. Leur existence est confinée dans ce cirque avec ses odeurs, le froid, la promiscuité, l’obligation de partager l’espace et d’apprendre à connaître et comprendre l’autre. Avec son style feutré et maîtrisé et la douceur de ses mots, Elisa Shua Dusapin réussit parfaitement à nous plonger au cœur d’une relation d’êtres interdépendants qui exige compréhension et coopération et à nous faire ressentir la tension et le danger permanents qu’ils vivent.
Ecouter la lecture de la première page de "Vladivostok Circus"Fiche #2577
Thème(s) : Littérature étrangère
A la tête de l’entreprise Bouké et Parteneure, ils sont deux, Stefan et Elsa. Stefan Bouké et Elsa Parteneure. Une réussite. Ils sont restés maîtres dans leur entreprise et s’apprêtent à lui faire subir une mutation. Un rachat de société, Vue mer. Il reste à l’annoncer à l’équipe. Stefan monte dans sa voiture pour se rendre à cette réunion, mais ne démarre pas. Pourquoi se déplacer, alors que tout est défini à l’avance. Depuis longtemps. La petite comédie de la vie, la petite comédie de la vie d’entreprise, les rôles sont déjà distribués, chacun à sa place (mais qui a décidé de cette place ?) : le gentil, le méchant, le silencieux, le râleur, le suiveur... Alors il se joue la scène. Les comportements de chacun, leurs pensées, leurs arguments, leurs gestes, leurs regards, leurs silences, leurs discours, son propre jeu avec Elsa… Il profite de l’occasion pour tirer le portrait de ce petit monde, de son monde, avec cynisme et ironie. Il pense être le marionnettiste et tenir les ficelles avec une maîtrise absolue. Mais est-ce si sûr ? Une satire efficace et percutante (le ton est léger pour un tableau bien noir) du monde de l’entreprise où la hiérarchie et le sentiment de supériorité restent bien ancrés dans l’esprit préformaté de certains dirigeants encore persuadés de rester les maîtres omniscients et indispensables du jeu de la vie.
Ecouter la lecture de la première page de "Vue mer"Fiche #2564
Thème(s) : Littérature française
Carlo est jardinier et les évènements autour de lui s’enchaînent et il semble s’en étonner mais avec un calme à toute épreuve. Sa fille a délaissé ses parents et sa femme vient de le quitter. Son amour persistant, elle lui manque cruellement. Il travaille avec Agon, un Kosovar aussi fort que sentimental, amoureux de la littérature, qui vit dans un modeste cabanon au cœur d’une nature accueillante (élégamment décrite) à qui Carlo peut se confier sans retenue. Mais Agon se fait tabasser par des inconnus pour une raison mystérieuse. Puis Pia, sa mère qui vit dans une maison de retraite s’en échappe pour rejoindre un grand hôtel, l’Hôtel National, où elle semble connue. C’est ainsi que Carlo va découvrir l’histoire de sa mère, de la femme qu’elle fut, de la façon dont elle vécut la guerre. Carlo est donc à ce moment où l’on découvre des facettes inconnues de ses proches, comprendre les autres, se comprendre, il le fait avec calme et sérénité dans une atmosphère mélancolique et avec un certain détachement. Un court roman envoûtant au style parfait.
Ecouter la lecture de la première page de "Grand National"Fiche #2431
Thème(s) : Littérature étrangère
Franklin Starlight vit en total symbiose avec la nature et la faune sauvages. Quand il ne s’occupe pas de sa ferme, il part en solitaire au cœur de cette nature où le calme est la règle (« C’est le calme qui est normal. Les animaux le savent. Ils ne l’ont jamais perdu comme nous. Ils vivent au milieu du calme. Ils le portent sur eux. »). Il observe et photographie la faune avec respect et amour représentant ainsi ce qu’il ressent. Mais sa vie de taiseux est bouleversée quand il accepte d’héberger Emmy et sa fillette Winnie. Emmy n’a connu que la violence des hommes et a fui celle de Cadotte son compagnon. Franklin avec patience et attention est prêt à les aider à s’apaiser, à retrouver calme et confiance et sa meilleure alliée sera la nature. Mais Cadotte n’a pas digéré cette fuite et est prêt à parcourir beaucoup de chemin pour assouvir son désir de vengeance. Dernier opus (inachevé, le lecteur choisira donc sa fin apaisée ou non ce qui n’en entache en rien la lecture de ce superbe texte) de Richard Wagamese (appartenant à la nation des Ojibwés) qui nous plonge dans une nature sauvage irrésistible grâce à de superbes descriptions et place le lecteur émerveillé au cœur de chaque scène. Sublime !
« ‘‘Progrès’’ c’est rien d’autre qu’un mot de paresseux pour ‘‘facile’’. »
Fiche #2427
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Christine Raguet
Le temps d’un été, Claire, 30 ans, rejoint ses grands-parents à Tokyo, immigrés au Japon après la guerre de Corée. Même si pour eux il n’existera toujours qu’une unique Corée, un pays qui n’existe plus, on leur a imposé de choisir, alors venant de Séoul, ils ont choisi la Corée du Sud. Et Claire, sans véritablement connaître leur histoire, est bien décidée à les convaincre de retourner visiter leur pays natal qu’elle ne connaît pas (elle parle le japonais mais pas le coréen). L’atmosphère familiale feutrée mais tendue, entre la grand-mère qui bougonne et le grand-père de retour de sa salle de jeux qui tempère, incite peut-être Claire à s’écarter tout en observant : elle scrute la vie autour d’elle et donne des cours de français à Mieko qu'accompagne sa mère détachée, ailleurs, une gamine japonaise, avec qui des liens se créent au fil des rencontres. Le récit se situe à la croisée des cultures, « Ce n’est pas ma faute, je pense, si je ne raconte rien. Si j’oublie le coréen. Ce n’est pas ma faute si je parle français. C’est pour vous que j’ai appris le japonais. C’est les langues des pays dans lesquels on vit. », au cœur d’une atmosphère particulière qu’Elisa Shua Dusapin fait parfaitement ressentir comme elle sait, par quelques images et quelques mots apaisés, évoquer les sentiments doux ou violents de chacun. Une belle confirmation après « Hiver à Sokcho ».
Ecouter la lecture de la première page de "Les billes du Pachinko"Fiche #2185
Thème(s) : Littérature étrangère
Loin de Douala relate le voyage de deux jeunes Camerounais de Douala vers Yaoundé et le nord du Cameroun. En effet, après la mort du père de famille, les tensions devinrent insupportables pour Roger, l’un des fils, celui qui venait d’obtenir difficilement son brevet et n’avait qu’un seul Dieu, Roger Milla, le footballeur camerounais mythique. Alors, discrètement, il s’est éclipsé et a décidé de faire boza, c’est-à-dire rejoindre clandestinement l’Europe et ses beaux terrains de football. Le petit Jean et son ami-frère Simon (qui ne le laisse pas indifférent) ne peuvent l’accepter et partent vers le nord où Boko Haram sévit pour tenter le retrouver. Un voyage remuant, dangereux, initiatique, débordant de vie, de frasques, éclairant sur le quotidien du peuple camerounais. Du rythme, du souffle, de l’humour, un style singulier et attachant tant les images et le vocabulaire sont frappants, vous apprendrez peut-être ce qu’est un tourne-dos voire un plantain… Max Lobe nous plonge avec bonheur dans un quotidien où l’humour réussit semble-t-il à étouffer littéralement le danger et la misère.
Ecouter la lecture de la première page de "Loin de Douala"Fiche #2109
Thème(s) : Littérature étrangère
Alissa et Richard étaient reconnus sur le Campus comme un couple heureux, souvent envié. Ils s’aimaient et rapidement naquit une petite fille, Una. Basculement définitif et irréversible dans la vie d’Alissa qui se retrouve seule avec le bébé dans une nouvelle résidence où tout le monde semble pouvoir observer la vie de ses voisins. Immédiatement, le doute l’assaille et l’étouffe : « Alissa ne pouvait plus la regarder, elle avait du mal à crier de se savoir absolument incapable d’assumer la responsabilité de cette vie dépendante d’elle face aux déceptions qui commençaient. » Incapacité à assumer et pourtant aucun retour en arrière possible. Pourra-t-elle être mère ? Pourra-t-elle le devenir et sortir de cette solitude ? Le couple survivra-t-il ? Un roman troublant et remuant sur le choix de la maternité et de son quotidien.
Ecouter la lecture de la première page de "L'implacable brutalité du réveil"Fiche #2052
Thème(s) : Littérature étrangère
Max Lobe est enfin de retour au pays avec « la joie, mais aussi la peur de rentrer à la maison. » Il a en effet passé ses dix-huit premières années au Cameroun où il est né puis s’est installé en Suisse. Alors qui de mieux que Mâ Maliga du haut de ses quatre-vingts ans pour lui conter l’histoire de son pays, elle l’a vécue, elle a vu les Allemands, les Anglais, les Français s’installer, profiter, s’enrichir puis partir. Elle a observé le mouvement pour l’indépendance triompher alors que son père le redoutait et sa mère l’attendait. Et Mâ Maliga raconte tout ça avec sa verve – « Je vais te raconter la vraie vérité sur tout ce que je connais de cette histoire-là. », sa vivacité, sa franchise, et l’alcool délie les langues, Mâ Maliga aime en effet partager le matango (vin de palme) avec Max ! Le récit alterne le discours de Mâ Maliga et la vision du Cameroun, de sa famille, de son histoire personnelle par Max. Cela entraîne évidemment un rappel du déroulement de la colonisation et de ses conséquences, de ses principaux acteurs notamment Pierre Messmer pour la France et Ruben Um Nyobè pour le Cameroun mais aussi un questionnement sur l’histoire intime et les racines d’un exilé installé de longue date dans un pays européen. Telle une discussion (non dénuée d’humour) sous l’arbre à palabre, Max Lobe entraîne dans sa quête d’identité le lecteur qui a parfois l’impression de toucher et d’entendre la voix chantante de Mâ Maliga, un personnage et une langue que l’on n’oublie pas !
Ecouter la lecture de la première page de "Confidences"Fiche #1914
Thème(s) : Littérature étrangère
Sokcho, petite ville portuaire de la mer du Japon, proche de la Corée du Nord, semble vivre au ralenti, embuée et embrumée dans l’hiver qui s’installe. Une ambiance feutrée, un peu triste, « Suintant l’hiver et le poisson, Sokcho attendait. Sokcho ne faisait qu’attendre. Les touristes, les bateaux, les hommes, le retour du printemps. », et néanmoins cette impression de sérénité, de tranquillité même si les évènements et les psychologies des personnages sont en opposition avec ces sentiments. Une jeune franco-coréenne accueille un dessinateur de BD français venu chercher l’inspiration. Le roman nous les montre se rapprochant lentement tout en intégrant et mesurant leurs différences marquées, tant au niveau de leur personnalité que culturellement. Elle est restée à Sokcho pour ne pas quitter sa mère, son père étant parti rapidement sans laisser de traces. Ayant appris le Français au lycée, elle connaît la littérature française. Les deux s’observent entre deux dessins et deux plats cuisinés, parlent peu. Ils s’effleurent à peine du regard et pourtant ils sauront rompre la frontière, franchir le mur d’incompréhension qui les séparait. On est dans le ressenti, on sent, on ressent, par petites touches, l’auteur met en place une atmosphère singulière empreinte de douceur et de lenteur et tisse le portrait intime d’une jeune femme aimantée par ce lieu qu'elle ne pourra quitter. Un court roman qui nous emporte pourtant très loin dans les brumes des rêves et la poésie.
Premier roman
Fiche #1840
Thème(s) : Littérature étrangère
Lily assiste aux funérailles avec son oeil critique de Réjean, son second mari resté élégamment fidèle à ses trois femmes. Lily n’est pas toute jeune non plus, mais la tristesse ne semble l’atteindre. D’ailleurs même si sa fille lui reproche vertement de ne plus être dans le coup, Lily reste vive, volontaire, pleine de vie, d’humour et de réparties. Même ses pertes de mémoire ne la catastrophent pas et l’incite à développer son imagination... Elle demeure curieuse et continue d’avoir envie de profiter de la vie et n’aura qu’un conseil pour le jeune lecteur « Faites au mieux et rêvez ! ». Un portrait sensible et touchant d’une vieille dame, l'oeil pétillant, lucide et amoureuse de la vie.
« Faut-il avoir un rêve pour être heureux ? »
« Que ressent une fleur qui se fane, se demande Lily. Est-elle dans la nostalgie de sa splendeur ou à l’affût des saveurs nouvelles de son flétrissement? »
« Au fond, être dans le coup, c’est se plaindre de sa vie. »
Fiche #1463
Thème(s) : Littérature étrangère
Le narrateur croit s’être construit une carapace indestructible, une vie bien réglée, protégée (« Oui, il y a chez moi cette forme de régularité, ou plutôt d’exactitude, qui est la réalité de mon existence. Là est ma force. Là est ma vie. »). Jusqu’au jour où, dans une file d’un supermarché, un ado le traite de « pauvre type ». Jamais il n’avait entendu cette sentence, jamais il ne l’avait pensée ou supposée. Ces deux mots le transpercent, sa protection se fissure, et l’homme décide de s’enregistrer, de se raconter, de présenter son « petit panthéon privé ». Il est cultivé, a beaucoup lu, hanté par les mots, il sait trouver la citation adéquate et définitive à toute situation, ce qui lui a permis jusque là de mépriser allègrement son prochain, de s’estimer supérieur au cœur de ce petit monde clos qu’il s’est construit. Ces deux mots et le calme avec lequel ils ont été énoncés lui ouvrent une nouvelle humanité, sorte de rédemption qui semble être salvatrice et la prose raffinée et recherchée de Michel Layaz accompagne parfaitement cette redescente sur terre d’un grand présomptueux en espérant qu’il ne représente pas l’un des archétypes de nos sociétés modernes !
Ecouter la lecture de la première page de "Le tapis de course"Fiche #1326
Thème(s) : Littérature française
« Que fait-on avec une personne qui, un beau jour, déverse le contenu de son esprit dans le ciel ? ». Le plus jeune fils revient chez sa mère. Très jeune, elle eut des comportements singuliers, oubliant les mots, les choses, réactions de plus en plus étranges provoquées par une sénilité précoce, « maman s’est mise à oublier de façon plus créative ». Ses deux fils la quittent mais le plus jeune ne pourra l’oublier, la laisser seule plus longtemps que deux ans. Il revient pour l’aider, et devient sa mémoire. Il revient sur l’histoire terrible de cette femme intimement liée à l’histoire de la Caraïbe. Une île qu’elle aime mais qui éprouvera fortement cet amour : l’installation des soldats dans l’île, la prostitution, l’exil au Canada et le racisme… Un passé aussi éprouvant que le présent affecté par cette maladie destructrice provoquant une déchéance physique et psychique de tous les instants qu’il apprend à gérer et supporter, les moments de répit étant rares d’autant plus que les attaques de la terrible Soucougnant se répètent. Une langue lumineuse au service d’une chronique bouleversante d’un fils dévoué et aimant au cœur d’une lente érosion.
Premier roman
« Au cours de nos vies, nous luttons pour oublier. Et c’est ridicule de croire que l’oubli est une chose absolument mauvaise. La mémoire est une meurtrissure encore sensible. L’histoire est un entassement rouillé de lames et de menottes. Et oublier peut parfois être la chose la plus créative et vitale que l’on puisse jamais espérer accomplir. Le problème se pose quand on commence à y exceller.
Fiche #1100
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Christine Raguet
Le narrateur est un garçon de quinze ans qui en plus de l’école travaille dans une boucherie. Son univers tourne autour de quelques personnes : ses parents bien que son père atteint d’une maladie incurable est en train de mourir ce qui mobilise totalement sa mère, Walter, un collègue boucher maître en sagesse, et sa mère artiste Giuletta, Raton, le roi de la mécanique qui mélange ses mots, et Charlotte son initiatrice. Elle lui enseigne l'amour, l'initie à d'étranges rituels animaliers dans la forêt. L’enfant est attendrissant et nous est immédiatement sympathique par sa fraicheur, son innocence, son attention aux autres, son écoute. La seconde partie du texte nous apprend que ce retour sur une adolescence bien réelle est raconté par le même garçon devenu très âgé (88 ans), alors que la mort rode. Il vit un dernier amour en la personne de Lucie, une infirmière en qui il retrouve passagèrement Charlotte. Cette infirmière attentionnée a découvert un procédé original et si humain pour que ses pensionnaires préférés puissent choisir eux-mêmes et en toute quiétude l'instant de leur mort quand le désir de vivre devient trop faible. Ce texte poétique aborde la vie dans son ensemble et sa complexité : vie, mort, amour, désir, amitié… Aucun mot de trop, aucun mot ne manque, superbe !
"Walter me parle de l’état d’innocence, quand les hommes pouvaient se passer des animaux : de leur peau, de leur viande, de leur force. Il ajoute que personne alors n’avait besoin d’un animal de compagnie. Rien n’aurait pu le justifier."
"Alors que le dernier moment approche – que ce dernier moment je le ferai venir un peu plus vite -, je suis prêt à tout recommencer, prêt à aimer Charlotte comme je l’ai aimée. Je suis prêt à recevoir à nouveau ce qu’elle m’a donné, comme au premier jour, comme à la première heure. C’est peut-être pour cela que je parle dans le petit enregistreur bleu, pour juxtaposer les espaces-temps, les serrer les uns sur les autres, les rétrécir jusqu’à ce qu’ils se confondent, que l’espace de maintenant et le temps d’avant se mêlent au temps de maintenant et à l’espace d’avant."
Fiche #157
Thème(s) : Littérature française
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