« On dirait que les familles sont faites pour ça. Elles créent des rôles, des règles, des interdits et des silences infranchissables. Tu deviens un individu, mais dans la famille non, tu dois tenir un rôle, respecter les règles, ne pas transgresser, se taire. A la fin c’est toujours à elle qu’on en veut... »
Thomas B. Reverdy
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La crise climatique a produit ses effets, les cultures souffrent, l’eau manque, nourrir les citadins est devenu compliqué. Des petites communautés se forment un peu partout avec au programme la survie : « De survivre, oui. De vivre, non. Les volonterres tentent de continuer de travailler la terre, Léo est l’une d’eux. Son engagement et sa vie frugale lui conviennent. Seule frustration, la nage lui manque. Alors quand Mathieu lui annonce un lâcher d’eau, elle part, seule, avec une vieille voiture pour quelques instants de bonheur dans l’eau. Au retour, elle tombe en panne et rencontre alors Boa une femme élégante, dans une belle voiture. Elle l’emmène en lui proposant un cours de mécanique pour réparer sa voiture. Elles retrouvent un groupe de femmes clandestines, les Clandés féministes, et résistantes, et le cours de mécanique va vite être oublié pour un face à face entre les deux femmes avec des discussions, des débats, des confrontations pour un apprentissage de la vie, de la liberté, de l’émancipation. Léo, version féminine du Petit Prince d'aujourd'hui, va apprendre à se connaître, à connaître Boa, à connaître cette communauté tout en se racontant, se dévoilant. Ces femmes en lutte savent que retrouver le monde d’hier est impossible et non souhaitable et préfèrent construire ensemble le monde de demain.
Premier roman
« Le cloud a fini par tout aspirer, y compris notre maîtrise du monde. »
« On a perdu le savoir de la réparation. »
« J’ai fini par conclure qu’on a tous et toutes un connard en soi, et ce n’est pas si grave tant qu’il ne prend pas le pouvoir. »
Fiche #3301
Thème(s) : Littérature française
Yassaman Montazami, auteur et narratrice de ce nouveau roman, nous propose de rencontrer sa mère, Roya (rêve en persan) et de découvrir leur relation. Entre Téhéran, à une époque où les jeunes femmes aisées pouvaient encore jouir d’une certaine liberté permettant d’appréhender la vie avec humour, puis Paris, Roya restera toujours dans l’ombre : l’ombre de sa sœur, l’ombre de son mari, un mari qui repartira en Iran pour se remarier avec sa meilleur amie, l’ombre de sa vie. Une mère avec laquelle jamais elle ne pourra véritablement établir et partager une vraie relation, ce qui aujourd’hui, alors que sa mère vieillit et affronte la maladie, suscite un sentiment de honte et de culpabilité. En effet, sa mère a toujours été ailleurs, à côté, « … elle se comportait comme une figurante, sans rôle bien défini. », dans son monde, en dehors du monde ; une mère qui a subi sa maternité, « les enfants sont une peine à perpétuité. ». Une mère qui vieillit, une mère qui voit la maladie s’approcher et son esprit s’envoler mais qui n’ouvre pas la porte à sa fille. Une femme, une mère qui même si « un Iranien n’est jamais seul », vivra à côté des autres, en solitaire et après sa mort, sa fille lui rend un hommage tendre et émouvant et tente une nouvelle fois de s’en rapprocher au-delà de la mort.
Ecouter la lecture de la première page de "Dans une autre vie"Fiche #3300
Thème(s) : Littérature française
Nives est veuve depuis peu. Elle a refusé de quitter sa ferme pour rejoindre sa fille et son gendre en France. Seule, elle trouve réconfort auprès de Giacomina… une poule attentionnée qui remplace aisément l’homme avec qui elle a partagé sa vie. Jusqu’à l’inexplicable et inquiétante paralysie de Giacomina. Nives, paniquée, appelle Loriano, un vieil ami vétérinaire. Sa femme le réveille et Loriano est loin de se douter que la nuit et sa conversation téléphonique avec Nives va être longue, très longue et très éclairante, mise à nu inattendue... En effet, Nives va se confier, revenir sur leur jeunesse commune, leur amour passé, les non-dits et autres secrets, « Le passé est plein de fantômes » … Nives n’épargne rien ni personne. Elle se livre, revient sur ce qu’ils furent et ce qu’ils sont devenus, exprime avec lucidité et franchise ce que Loriano (et ses mensonges) a laissé en elle. Un long dialogue pour enfin pardonner, se pardonner, lui pardonner et se libérer. Un bilan de vie sans artifice, jubilatoire, cocasse et mordant.
Ecouter la lecture de la première page de "Nives ou les coeurs volatils"Fiche #3299
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Jean-Luc Defromont
Ce noël n’est définitivement pas un noël comme les autres pour Caroline : elle a sept ans, vit à Valparaiso avec ses parents qui lui annoncent qu’ils vont partir. La famille fuit le Chili pour le Canada. Un exil décidé par ses parents qui bouleverse la petite fille : elle pose son regard d’enfant sur l’environnement, sur ses parents, leurs vies, leur détresse, leur courage, devenir invisible (« ... m'interdire de mendier la moindre chose est devenu un mode de vie. »), victime de préjugés. Elle se heurte à l’obstacle de la langue et à un nouvel apprentissage, abandonner une langue pour une autre. Traumatismes divers, déclassement, discriminations, elle ressent tout. Quitter une dictature pour se retrouver suspects, d'abord enfermés en continuant d’espérer vivre libre. Quitter une culture pour une autre, être tentée d’abandonner, de trahir ses origines, sa culture première : se mentir pour espérer devenir une autre : « Mon intégration d'enfant immigrante a passé par la honte de ce que j'étais, le rejet de ce qui me constituait et une série de petites trahisons envers moi-même et mes parents. ». La rage naît, croît mais devient un moteur pour exister, pour une détermination sans faille. Quel parcours chaotique, que d’abandons et de ruptures pour une intégration réussie, et combien resteront-ils sur le carreau sans trouver leur place ? Un roman (autobiographique) pour ressentir la douleur profonde et la violence d’un exil subi par une petite fille que la langue sauvera et ses sentiments face au déclassement puis au transfuge de classe.
Ecouter la lecture de la première page de "Là où je me terre"Fiche #3298
Thème(s) : Littérature étrangère
Jacques était parti, il revient auprès de ses femmes tant aimées, une femme et ses deux filles. Il est le beau père. C’est un homme d’affaires, des affaires pas très florissantes, mais l’homme est exubérant, dépensier, excessif, fantasque, déborde de projets pour ses femmes, sa maison, son apparence. Aussi enthousiaste et inventif que dépressif, aussi autoritaire qu’attentionné, son amour impressionne autant qu’il paralyse. Il fascine, il exaspère. Il en impose, il impose, elles ne peuvent refuser, s’opposer. Le trio uni l’aime autant qu’il le rejette. Elles ne peuvent repousser cet amour puissant, son « admiration éperdue », sa vague les entraîne : « Pourtant quelque chose en lui nous émouvait, au-delà de l’amour qu’il nous portait. Peut-être était-ce justement sa folie. Peut-être était-ce, aussi, sa folie. ». Il les place sur un piédestal alors elles ne peuvent en descendre d’elles-mêmes : « Pour Jacques, nous étions belles, nous étions brillantes et nous étions ses enfants. ». Superbe portait d’une grande sensibilité d’un perdant magnifique attachant et repoussant assez aveugle et égoïste pour entraîner avec lui sa famille finalement tout aussi perdante que lui.
Ecouter la lecture de la première page de "Un perdant magnifique"Fiche #3297
Thème(s) : Littérature française
Un chauffeur de VTC sans client, une chanteuse lyrique sans carrière devenue standardiste et une rencontre inattendue et singulière : elle est nue sur les toits parisiens. Il l’accueillera avec sa veste jaune à sa descente. C'est le début d’une histoire d’amour, d’une aventure, d'une escapade normande d’une espèce de Bonnie & Clyde sans véritable projet à part vivre et oublier leur solitude et le rejet de la société qu’ils ont subi, être à la marge, déranger et faire un pied de nez à tous, à la société et à leurs familles.
Ecouter la lecture de la première page de "Un étrange dérangement"Fiche #3296
Thème(s) : Littérature française
Une femme se retire dans un village au bord de la mer. Elle a perdu son fils (un fils pas comme les autres) et vient rencontrer ici sa douleur. Autour d’elle, Jean l’ami de son fils qui veille sur elle et une petite fille qui a vu sa mère se noyer en la sauvant. Douleur de perdre un fils, douleur de la petite fille, douleur de continuer de vivre, douleur des guerres, de l’exil, de l’absurdité de la vie, des non choix... La femme et la petite fille vont aller l’une vers l’autre, nouer une relation avec beaucoup de douceur et d’attention à l’autre, ressentir la douleur de l’autre, « C’étaient deux douleurs qui marchaient ensemble. ». Un chemin mutuel pour espérer se libérer de la douleur passant par l’écriture, l’eau et la nage. Un portrait singulier, décalé, humain, d’une femme, Marie et d’un chemin de libération avec l’écriture toujours poétique de Jeanne Benameur.
« Peut-être se demande-t-elle juste ce que c’est de ne plus rien attendre et de respirer pourtant, dans le silence. C’est vivre tout bas. »
« Il pourra toujours laisser son regard aller sur l’eau, il y aura toujours un plus lointain encore. Il a appris à aimer ce qui ne s’atteint pas. »
« Elle écrira les histoires des uns et des autres. Les histoires humbles de chaque jour, les histoires de rien. Ce sont les moments qui comptent. Pas les vies. Ces moments où on ne sait pas pourquoi on fait quelque chose mais on le fait. C’est cela qui mérite d’être raconté. Ce qu’on ne sait pas. Encore et toujours. »
Fiche #3295
Thème(s) : Littérature française
Dans ce 4ème roman, l’auteur tisse le lien entre la République Démocratique du Congo (RDC) et Haïti, sœurs de malheur, meurtries par l’histoire et encore aujourd’hui par l’actualité : terres de conflits, de catastrophes comme d’appétits financiers aussi ravageurs. Les tribulations de l’équivoque Faust Losikiya nous emmènent d’abord en Haïti. Avide de notoriété et de rencontres féminines, il fuit la France, et le #Balance ton Faust, après une sordide histoire dans un Sofitel... Pendant ce temps-là, à Kinshasa, Jonas Monkaya Boyika est en cavale lui aussi. L’ancien catcheur et pasteur devenu président de la RDC appelle le (très) vieux Molili à la rescousse. Faustin (dit Faust), notre (anti) héros étant lui-même écrivain, d’agapes nocturnes en banquets littéraires, on croise du beau monde ! Les vrais artistes et auteurs (dont notre cher Wilfried N’Sondé !) français, kino-congolais et haïtiens côtoient personnages fictifs et autres lwas (esprits de la religion vaudou) parfois cruelles. Ainsi, Freddy Tsimba sculpteur de statues géantes faites de douilles et de fragments de roquettes récupérés sur les champs de bataille du Kivu exaspère la Mort qui, pulpeuse et sapée comme jamais dirait Maître Gims, vient demander des comptes à ce présomptueux qui « accapare ses instruments (… ). Sans lui avoir demandé l’autorisation, en plus, sans s’acquitter des droits d’auteur, rien ! » . Le funeste « business plan de la Mort » se met en place…
Une lecture dense, pour un récit aussi réjouissant que tragique.
Christine J.
« Tu vas à la chambre de commerce de Port-au-Prince et tu compares ces noms avec ceux qui vendent en gros de l’eau en bouteille plastique, ceux qui possèdent des usines d’embouteillage, ceux qui entreprennent des forages de nappes aquifères. A Kinshasa, c’est comme ça que ça se passe : on sabote l’épuration et la distribution d’un côté, on vend des tonnes de flotte de l’autre. »
« En Bourse, il faut acheter la rumeur et vendre la nouvelle ! C’est ce qu’elles font avec moi, mais le coassement des crapauds et des petites grenouilles n’empêchera jamais un éléphant comme moi de boire au marigot. »
« Le coltan, le germanium, la cassitérite, l’or et le diamant n’étaient pas les seuls coefficients dans l’équation Congo-Rwanda. »
« Tout ça fait partie d’un business plan, tu t’en doutes, beaucoup plus simple à mettre en oeuvre que l’exploitation du pétrole ou des minerais. Quoique le coltan reste une valeur sûre. Figure-toi qu’au Kivu, en basse saison comme ces jours-ci, je fais tout de même entre seize et dix-sept mille morts par mois … »
Fiche #3294
Thème(s) : Littérature étrangère
Où mènent ces empreintes gigantesques dans la neige ? Ont-ils vraiment vu ce grand bipède velu ? Aidan (en 1920), puis sa petite-fille Sandy (années 2000), suivront sans répit les signes de vie rares, fugaces donc incertains de cet être mystérieux (« … sa première impression n’était pas celle d’une créature abominable, mais splendide. C’était impossible, et pourtant elle était là. »). Celle, celui ou ceux, qu’ils nommeront Charlie occupe désormais toutes leurs pensées et devient la passion de leur vie, secret difficile à porter et à partager. Avec Luke, jeune compagnon d’aventures qui deviendra un peu plus, Sandy, comme son aïeul, suit cette quête un peu folle, chemin de vie qui traverse la magnifique nature sauvage de Colombie-Britanique. On se sent vite à notre aise dans ce chalet accueillant, à proximité d’un lac, dans une forêt idyllique, quoique sauvage, parfois dangereuse et souvent cruelle. Entre plaisirs simples (« Je chasserais des perdrix et j’attraperais de petites truites argentées dans les ruisseaux des montagnes, et je dormirais tous les soirs sur une couche moelleuse de branches de cèdres, près d’un feu crépitant dont les flammes éclaireraient la pierre fraîche. ») et inquiétude viscérale, le lecteur accompagne avec envie l’existence de ces personnages attachants.
Christine J.
Premier roman
« Viens me chercher, Charlie. Pose un doigt sur moi, et décide quelles empreintes mes pas laisseront sur cette fine couche de neige. »
Fiche #3291
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Charlène Busalli
Christophe WOJCIK
Cent minutes de silence
Héloïse d'Ormesson
92 | 206 pages | 12-02-2025 | 18€
en stockUn village comme les autres à un moment particulier : tout le monde s’est rassemblé pour l’enterrement de Léon, Léon Léger, cent personnes pour une minute de silence, des amis, la famille, des voisins, des inconnu(e)s, chacun a la parole pour donner sa vision de ce beau parleur, coureur de jupons, fier de sa réussite : des avis ou pas, des informations ou pas, des indices sur cette mort mystérieuse (son corps a été retrouvé désagrégé), peut-être martienne… Etonnamment, pas de retenue, chacun parle avec franchise et c’est drôle, percutant, et malgré ce moment douloureux, cela reste rythmé, extrêmement vivant et très léger cet au revoir à Monsieur Léger !
Ecouter la lecture de la première page de "Cent minutes de silence"Fiche #3292
Thème(s) : Littérature française
L’ouverture du premier roman d’Emilie Devèze donne le ton « Il était une fois… ». Le conte (évidemment philosophique mais agréablement agrémenté d'un humour fin) s’ouvre avec le départ d’un gendarme autoritaire et de sa fille vers Cul-de-sac devenu pour ses habitants Ici : village perdu dans une nature qui a repris ses droits et qui s’est sauvagement réinstallée au milieu d’une centaine d’habitants. Des habitants qui se connaissent parfaitement, une même famille mais une présence presque anecdotique. Pourtant, dans ce lieu isolé et si peu peuplé, un meurtre est commis et le gendarme Jean-Code doit trouver rapidement son auteur. Cela tombe bien, il a sous la main, une coupable (singulière) idéale. Peut-être est-ce le moment pour Hazel, sa fille, de prendre ses distances, de dire non et de s’émanciper, en menant sa propre enquête… le chemin pour se libérer des entraves d'un père, des hommes, de la société.
Premier roman
Fiche #3293
Thème(s) : Littérature française
Adrien PARLANGE
Un abri
La Partie
90 | 40 pages | 08-02-2025 | 20€
en stockComment partager un abri quand on est si différents et de plus en plus nombreux ? “Ce matin là, dès l’aube, le soleil brûlait déjà” : au milieu du désert, le soleil brûle et l'ombre se fait rare... La “petite troupe” trouvera, collectivement, la solution, chacun faisant une place à l’autre. Ceux qui auraient pu s’affronter s’accueillent. L’ombre de l’abri se déplace imperceptiblement, de double page en double page. Un très bel album aux couleurs apaisantes, subtil, magnifique et astucieux qui fait du bien, et qui mérite d’être lu, relu, à tout âge.
Fiche #3290
Thème(s) : Jeunesse
Roxane, Lucas, Sofia, Lorenzo forment une famille comme les autres à Marseille : du bonheur, des rires, des portes qui claquent, des disputes. Classique. Puis, en un éclair, la famille bascule, un frein de vélo qui lâche, et Lucas meurt. Elle devient la famille dont le père de famille est mort. Les trois se retrouvent seuls avec leur peine et une douloureuse absence. Lucas les observe. Lucas continue de les voir, de les sentir, de les ressentir. Le trio se serre les coudes, partage ou non ses craintes, ses peurs, ses douleurs, son manque et Lucas nous les décrit avec tendresse et amour. Progressivement Lucas s’évapore, ses sens s’estompent, à mesure que la vie continue, reprend, que chacun trouve son chemin (« … une vie, c’est presque rien ; c’est tant de choses. C’est un chemin. ») même avec ce vide immense, cette incompréhension et cette tristesse qui resteront (« On n’oubliera jamais le compte de nos tristesses. ») à jamais (« … ça ne passe pas, ça s'espace. »). Un superbe texte, tendre, délicat et émouvant, débordant d’amour sur le deuil et sur les différentes phases traversées après la mort.
ps : Raphaël Meltz et
Hadrien Klent ne font qu'un.
« … les vivants qui peuvent aider d’autres vivants trop tristes ne doivent jamais baisser les bras. »
« … Lucas ne peut pas lui dure que face au deuil il vaut mieux, toujours, éviter de se fier aux apparences. »
Fiche #3288
Thème(s) : Littérature française
Des personnages réduits à leur activité, leur fonction, l’individualité est autant niée que l’individualisme forcené dans le village C.. Chacun a une place, sa place et regarde son voisin comme un danger, un ennemi. Chacun peut en effet destituer l’autre et le remplacer. Considéré comme inutile, vous disparaissez. L’Autre n’existe pas, est nié. Tout le monde se connaît alors reste sur ses gardes et épie le voisin. La foule assiste aux destitutions, duels à mort, sorte de rite collectif. Tension extrême, peur constante (« On a toujours peur. »). L’absence de liberté semble être acceptée par tous (« L’espoir est au cœur de la peur. La peur est au cœur de l’espoir. »), seul un langage entre hier et aujourd’hui pourrait permettre de la retrouver. C., petit village isolé, tel une île, près d’une forêt voit le retour d’un revenant et d’une jeune femme qui va bouleverser l’ordre établi. Entre conte futuriste, conte médiéval et conte philosophique, un premier roman détonnant, percutant et surprenant.
Premier roman
Fiche #3289
Thème(s) : Littérature française
Un album d'une efficacité terrible, drôle et d'une actualité brûlante qui tourne en dérision la folie des hommes et leur propension à déclarer la guerre à leurs frères.
Fiche #3286
Thème(s) : Jeunesse
Traduction : Marie-Andrée Dufresne
Elsa BORDIER
SANOE
Maléfices - Les contes d'Alombrar
Jungle
86 | 72 pages | 26-01-2025 | 16.95€
en stockDeux royaumes se font face, des humains face à des démons. Un mariage pourrait les rapprocher et pacifier les relations. Après deux échecs avec ses deux fils qui se sont "perdus" en chemin, le roi humain envoie sa fille, Michèle, princesse de Brumeval, pour se marier à la princesse Gorgona. Les deux princesses se rencontrent sur la route et décident de prendre en main leur destin, les deux rois vont découvrir que leurs filles sont déjà des femmes de caractère... Superbe BD, deux beaux personnages, un scénario et des dessins très beaux.
Fiche #3287
Thème(s) : Jeunesse
Dans les Ozarks, les chiens bien qu’enfermés sont redevenus sauvages. Ils se battent férocement pour survivre. Ils craignent les hommes qui le leur rendent bien. Les hommes sont-ils différents ? Enfermés et sauvages ? Violents ? Le vieux et vétéran du Vietnam Jeremiah n’a d’yeux que pour sa petite fille Joanna depuis que son fils Jake est en prison. Il a même arrêté l’alcool pour elle. Face à eux, une autre famille, les Ledford, suprémacistes blancs, ont aussi perdu un fils. Ces deux familles partagent une haine profonde et mutuelle. Même si cela lui coûte, Joanna sait que pour échapper à la noirceur étouffant les Ozarks, elle devra partir même si elle vit sa première relation. Les Ledford ne l’entendent pas de cette oreille, et enlèvent Joanna en joignant l'utile à l'agréable : s’enrichir et se venger. Impossible pour Jeremiah de rester inactif : il sait qu’il va devoir reprendre les armes et que cela finira mal. Le sang va couler. Roman bref mais intense et percutant au goût de sang et de fer, seule lueur d’espoir le tendre amour d’un grand-père pour sa petite fille, pour le reste, les hommes révèlent avec brio et sans aucune limite toute leur noirceur.
Ecouter la lecture de la première page de "Chiens des Ozarks"Fiche #3285
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Emmanuelle Heurtebize
Johanna, la narratrice, a fait le choix de partir jeune, s’éloigner de sa famille, de ses parents, de sa sœur, ne pas suivre le chemin qu’ils attendaient, qu'ils traçaient. Elle est partie avec Mark et son art, ses dessins. Une rupture, une première petite mort. Trente ans plus tard, Mark est mort, son fils vit à Copenhague et elle revient. Elle revient vers son enfance alors que son père est déjà mort sans la revoir et « je ne suis pas venue à l’enterrement de père » : sa mère l’avait mal vécu, « d’une certaine façon, je l’avais tuée symboliquement ». Elle sait que ni sa sœur ni sa mère ne souhaitent la revoir, elle appellera, sa mère ne décrochera pas. « Parce que je suis moi-même sur le point d’entrer dans l’âge de l’introspection, parce que je ne regarde plus uniquement vers l’avant mais aussi en arrière » le passé remonte et elle va questionner, disséquer les relations intrafamiliales, la relation avec sa mère, « Peut-être que mère, dès l’instant où je suis née a eu le désir de ne pas être ma mère. » Ses souvenirs correspondent-ils à la réalité ? Qu’a-t-elle oublié ? Pourquoi ? Pourra-t-elle rencontrer sa mère ? Pourra-t-elle se libérer de ses souvenirs (« … ils s’imaginent pouvoir laisser le passé derrière eux, mais ça ne marche pas ! ») ? Sa mère l’a-t-elle définitivement oubliée (« J’étais morte en elle. ») ? Un roman dense et poignant sur la douleur d’une femme qui n’a jamais vraiment été fille, douleur que seul l’art pourra édulcorer.
« Si on savait, si on comprenait étant jeune à quel point l’enfance est déterminante, personne n’oserait avoir des enfants. »
Fiche #3284
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Hélène Hervieu
La narratrice est une scénariste toujours en quête de nouveaux projets, de nouvelles idées. Quand elle part retrouver sa grand-mère en Australie, elle ignore qu’elle va se retrouver dans une réalité dépassant allègrement toute fiction. Elisabeth Halpern, sa grand-mère, est en effet une femme hors du commun, volontaire et de tempérament : un destin exceptionnel. Elle a changé plusieurs fois d’identité, s’est mariée plusieurs fois, a échappé aux nazis, s’est exilée… Habituée à se débrouiller seule, elle va cette fois demander l’aide de sa petite-fille. Elle a rencontré un vieil homme, Carl, qu’elle soupçonne d’avoir été un maillon important de la hiérarchie nazie et qui n’a pas été jugé : « … il devait payer. Tôt ou tard, et il n’était jamais trop tard. ». Elle décide sa petite-fille de participer au crime parfait qui rendra justice aux siens, à toutes et tous (« … le projet dépassait la vengeance individuelle… ») et satisfera son désir de vengeance. Justice ou vengeance ? Justice et vengeance ? Le crime parfait est-il possible ? La justice suffit-elle pour réparer ? Pourront-elles épargner un homme sans remords ? Un roman atypique qui varie les tons du plus rieur au plus grave et interroge la justice, la réparation, le désir de vengeance et la transmission des traumatismes d’une génération à l’autre.
Ecouter la lecture de la première page de "Vies et survies d'Elisabeth Halpern"Fiche #3283
Thème(s) : Littérature française
Agnès est danseuse, danse et crée des spectacles. Ce soir, elle l’a décidé, c’est la dernière d’un spectacle créé avec une troupe atypique. Ils étaient ensemble, le lendemain elle sera seule. Elle prendra en effet la route, en car, pour un voyage « déraisonnable », « lent », « indécis », « des moments pour me souvenir », « un voyage comme une promesse à notre histoire », voyage à travers l’Europe vers un lieu particulier. Dans son sac, un livre, le livre. Elle le connaît par cœur, c’est le seul livre de Julien Lancelle, elle l’a lu et relu à son ami décédé Guillaume, relu jusqu’aux derniers instants : récit d’une relation père-fille, une fille différente et un père aimant et totalement dévoué qui lui consacre sa vie, lui tiendra la main pour découvrir la vie et la nature (de très beaux extraits s’intercalent dans le récit du voyage d’Agnès). Agnès avec ce voyage entre la solitude et Guillaume respecte une promesse, une parole, une fidélité, une amitié, « pour notre histoire qui vibre encore. » pour « faire de nos blessures un royaume. » et « danser la page suivante. ». Le style poétique de Gaëlle Josse toujours aussi addictif et sa sensibilité au service d’un superbe et émouvant récit de deuil, de reconstruction, d’hommage à la vie (« Chaque jour, écrire une nouvelle vie »), aux livres et à la parole donnée.
« … les souvenirs, c’est un peu comme ce papillon qui ressemble à une petite feuille sèche, invisible sur le sol, le bois, la pierre. Lorsqu’il s’ouvre, il dévoile un intérieur bleu de lapis-lazuli, marbré de jaune, offrande fugitive d’une merveille, puis il se referme, très vite, à nouveau insoupçonnable de beauté. »
« Jusqu’à quel point faut-il embarquer ses proches dans une histoire qui n’est pas faite pour eux ? »
« Sans élan, ne vivons-nous pas qu’à moitié ? »
« … on ne peut s’empêcher d’espérer. »
« Pourquoi vivons-nous parfois si loin de nos vies ? »
Fiche #3282
Thème(s) : Littérature française
Nous plongeons avec Adrian, jeune Ecossaise, dans un autre monde : sa vie est en effet sous l’eau, dans le secret d’un sous-marin nucléaire britannique. “Oreille d’or”, elle a choisi ce métier solitaire,
exigeant toujours, dur souvent au service de la Royal Navy . Elle ne laisse pas son corps la dominer et tient ses émotions à distance. Seules les traces acoustiques d’une baleine bleue qui finit par disparaître dans le néant bleu l’émeuvent mais “Sa foi dans la nécessité militaire la préservait de toute indignation
vis-à-vis de l’exploitation animale au profit des desseins belliqueux des hommes”. Si, parfois, brièvement, voire brutalement, elle cède à ses désirs, elle revient vite à sa solitude et à cette vie sous-marine (dans un monde masculin) où elle se sent davantage chez elle que partout ailleurs. A un retour de patrouille, elle apprend la mort de son père et revient sur les terres de ses origines. Déstabilisée malgré elle par ce deuil, elle part en mission en France. Là, elle rencontre Arthur, plongeur à la base de Roscoff, qu’elle fascine. Il ne parvient pas à lui cacher bien longtemps le séduisant et ténébreux Abel, dont le père lui a confié la surveillance. Abel, taciturne et parfois brutal, fuit la compagnie des humains et peut maltraiter son entourage. Il semble n’aimer que son chat, Miel, devenu son guide lors de ses rares sorties. Car il est aveugle et vit reclus. Leur rencontre emporte Abel et Adrian dans une passion tempétueuse, dangereuse qui changera Adrian à jamais … Ce roman riche, à l’écriture exigeante, nous donne à voir les paysages sous-marins et ceux des côtes écossaises ou bretonnes. Ses personnages attachants jusque dans leurs failles (abyssales !) et parfois leur violence nous emportent dans une passion singulière.
Christine J.
« Elle entrevoyait une part d’elle-même dont elle devinait instinctivement qu’il lui fallait se
méfier. »
« ...il flottait au creux d’eaux noires, glutineuses, où poissaient des bêtes répugnantes, où
crissaient les térébrantes épines de vives et les peaux verruqueuses des poissons-pierres,
où claquaient à bas bruit les pinces venimeuses des limules au sang bleu, où grondaient les
menaces fantômes de créatures inconcevables. »
Fiche #3279
Thème(s) : Littérature française
Obi a un unique compagnon, son stylo quatre couleurs. Alors il le chérit et lui accorde des super pouvoirs. Obi en effet déborde d’imagination certainement due en partie à sa solitude et au fait que « … tout le monde sait que c’est un golmon. Et Obi lui-même l’a compris très jeune, qu’il était un golmon… », « Il a le cerveau déchiré ». Alors comment trouver sa place au collège quand on ne sait que lui sourire « tendrement comme on fait aux gosses pour lesquels on ne bougera pas le petit doigt » ? Obi est partout où on ne l’attend pas et jamais où on l’attend, Obi cherche son stylo qu’il a égaré. Amoureux de Candice, il fait face aux autres élèves et aux enseignants pour la plupart désabusés, usés, proches de l’abandon, des profs violents, des profs rêveurs, « il veut toujours que les élèves soient comme des enfants parfaits qui n’existent pas. », des profs débordant de certitudes qui ont en commun de finir dévorés par l’impossibilité d’assurer correctement leur boulot. Personne n’est heureux, serein dans ce collège et ça déborde chez Obi comme chez les profs, le feu d’artifice est proche ! Un roman « dédié aux enfants et aux adultes des pauvres écoles » percutant qui rappelle que le collège peut aussi devenir une machine à broyer l’humain, adolescents comme adultes.
Premier roman
« Peut-être qu’on n’y est pas pour grand-chose quand ça fonctionne ou quand ça ne fonctionne pas. C’est une histoire de concordance, d’adéquation d’orbites, de solstice ou d’équinoxe. C’est une allumette qui prend ou ne prend pas. Quelque part entre la magie et la physique. »
Fiche #3280
Thème(s) : Littérature française
Zahra a seize ans. Sa mère l’a rapidement surnommée Badjens, « mauvais genre » ou « espiègle, effrontée ». Aujourd’hui, « Ben j’ai juste envie d’être moi » et tout est fait pour l’en empêcher : les hommes, le père et les autres hommes de la famille, la religion, l'oppression du pouvoir... En se retournant vers son court passé, cette adolescente encore pleine de rêves, d’envies et de révoltes décrit le quotidien des femmes en Iran, leur invisibilité, les différences entre les générations, le poids des hommes et de la religion, le culte de la mort, les concessions, le désespoir, ces foulards qui entravent, la vie à l’extérieur et la vie à la maison (« Pas étonnant qu'on soit un peuple de schizos. C'est la seule voie pour s'en sortir »), l’espoir du printemps 2018, la répression constante de toute contestation, le mouvement « Femmes, Vie, Liberté ! » Témoignage et cri émouvants et réalistes à hauteur d’adolescente d’une génération qui continue de bouillir devant l’absence de liberté et l’impossibilité de se réaliser.
« Les mots sont des armures contre la prison des maux. »
Fiche #3281
Thème(s) : Littérature française
Cécile CAYREL
Aveu de tendresse
La Tribu
78 | 250 pages | 08-01-2025 | 20€
en stockSamuel a choisi finalement l'intérim et cette fois il oeuvre chez Supergel avec un boulot sans passion, répétitif et ennuyeux. Samuel est seul, très seul et cela commence de lui peser. Alors Samuel franchit le pas, ose une première rencontre : pour d’autres ce serait un python, pour Samuel, ce sera Betty, un poisson aux belles lèvres qui s’applique à tourner en rond avec sagesse et doute. Mais cette rencontre en appellera d’autres : Jacques vendeur chez Truffaut autre solitaire qui a définitivement perdu l’amour et avec qui il nouera un lien étrange ; Zélima une collègue de Jacques qui lui fera redécouvrir l’amour et l’espoir. Mais Jacques sera retrouvé dans son sang dans l’appartement de Samuel. Samuel tente d’expliquer sa vérité à la commissaire Delair (« Elle avait tout de la femme intelligente que son intelligence ne pardonne pas, n’épargne pas… ») qui l’écoute patiemment. Elle va devoir en effet l’écouter longtemps tant Samuel a peur de ne pas être compris, il reprend avec minutie et moult détails chaque évènement, chaque geste, chaque parole qui, selon lui, ont conduit à la tragédie. Un lien étrange naît entre eux. La commissaire Delair est intriguée, attentive mais pas dupe, Samuel reste le coupable idéal. Un grand face-à-face à l’atmosphère particulière, une superbe confession au ton singulier qui nous parle de solitude, d’amour, de suicide, de sensibilité et d’émotions.
Ecouter la lecture de la première page de "Aveu de tendresse"Fiche #3277
Thème(s) : Littérature française
Des femmes, des hommes s’isolent, se rapprochent, s’éloignent, six Tentatives d’évasion réussies ou non pour six nouvelles. Une femme pour retrouver un collègue s’est faite belle et espère enfin vivre une vraie relation amoureuse, Violette est ravie de vivre seule sa passion au festival d’Avignon avant de voir débarquer deux anciennes connaissances qui l’ont élue guide de leur festival, Pierre et Pipo décident de visiter ensemble un lieu magique et mystérieux le Zor pour une plongée au plus profond de leur conscience, Thibault étouffé par sa mère et le confinement a choisi l’armée comme évasion, Emilie est très amoureuse de Jean-Paul qui se noie dans le travail et décide de l’emmener à Granville pour une évasion qui ne sera pas celle qu’elle espère, Cadette est amoureuse de son jardin et de ses fleurs où elle rencontre Zoé, enfant mystérieuse que la maladie condamne. Six univers différents où il n’est pas si simple d’effectuer un pas de côté, de s’évader, de rompre avec un quotidien devenu lassant mais s’y atteler n’est-ce pas vivre ?
Ecouter la lecture de la première page de "Tentatives d'évasion"Fiche #3278
Thème(s) : Littérature française
Il y a cent ans tout juste, en baie de Douarnenez, des femmes réclament leur dû. L’âge d’or de la sardine et des conserveries touche à sa fin. La grève victorieuse des Penn Sardin en 1924 reste encore dans les mémoires. A travers la vie de Rose et Louise, ce “Lit clos” rend hommage et justice à ces femmes. Rose est une paysanne, une Blanche, contrainte à peine adulte, après la mort tragique de sa mère en couches, de travailler à la conserverie. Etêtage, huilage, friture, emboîtage, cadence à tenir, odeur de poisson, le travail est rude. On cache les fillettes de 10 ans dans le trou à sel quand l’inspecteur passe. A l’usine, Rose rencontre Louise, une Rouge. Elle apprend avec ses camarades sardinières le plaisir d’être ensemble, d’être libre. La voix de Louise donne du cœur à l’ouvrage aux sardinières puis chante leur combat quand la grève les fait défiler sur le port du Rosmeur : « Je ne le savais pas vraiment, mais je ne me sens jamais aussi vivante que lorsque je m’engage dans des combats collectifs. Vive les sardinières, vive les femmes, vive le droit de vote et vive la République. » La boule noire sera accrochée aux vantaux de l’usine. Les deux jeunes femmes partagent le lit clos et le combat, même si les “robes noires” veillent. A Douarnenez comme à Paris, elles chercheront la voie de leur liberté.Très documenté, ce roman nous rappelle le courage et la détermination de ces sardinières. “Pemp real a vo” ! … et on se prend à fredonner avec elles le “Riches heureux” toujours d’actualité.
Christine J.
« Tu verras, ici, c’est l’esclavage. La loi de 8h ? Tu parles. Votée, oui, par ces messieurs de Paris, mais qui n’ont jamais pris le règlement d’application. L’interdiction du travail de nuit ? Le patron s’assoit dessus. »
« Tu es prisonnière de la société, du curé, du qu’en diras-t-on ! »
Fiche #3275
Thème(s) : Littérature française
Le père de Lise, Bernard Beaumont (un patronyme évocateur...) a toutes les apparences d’un homme aimable, charmant… Sa femme Elisa, belle et douce, elle, aime la nature sauvage, les animaux. Lui les préfère empaillés. Et c’est en cachette que Lise, munie d’une certaine clé, tente de découvrir ses secrets. Car il est moins affable qu’il n’y paraît, ce séducteur capable d’accès de violence. On le pressent mais il faudra pourtant attendre que Lise devienne femme, adulte, au fil des pages. Loup y es-tu ? Le titre aurait dû nous mettre sur la voie… “Heureusement, il y a Noun”. On jubile à découvrir les indices habilement disséminés. On déguste et on tremble, témoins muets et coupables, car Sonia Feertchak
excelle à semer, petits cailloux noirs et brillants, des traces ambigües. Par ce roman-conte Sonia Feertchak poursuit son enquête intime sur la famille et les secrets de ses armoires au parfum de renfermé, parfois délétère. Un grand plaisir de lecture que ce conte tout à la fois amusant et effrayant sur les ogres domestiques.
Christine J.
« C’est curieux comme avec le temps les souvenirs se décantent -les mauvais, surtout- et mettent les faits en perspective.
« L’acidité d’esprit lui va comme un gant. De boxe. »
Fiche #3276
Thème(s) : Littérature française
Anne et Stacey se sont croisées pendant leur apprentissage au métier de bouchère. Deux filles dans une classe de fauves, ça crée des liens. Elles se retrouvent des années plus tard après la disparition du père d’Anne. Anne a en effet décidé de reprendre la boucherie familiale rouennaise et Stacey serait l’associée idéale. Différentes mais complémentaires, elles sont rejointes par Michèle, une Guinéenne sortie de nulle part. Elles créent un lieu atypique qui bouscule les habitudes : couleurs, devanture, organisation de l’espace, tout est revu. Elles aiment découper la viande, manier le couteau et accueillir et satisfaire leurs nombreux clients. Mais elles ont un autre point commun, lourd, indélébile. Elles ont toutes rencontré l’homme qu’il ne fallait pas. Aujourd’hui, ensemble, elles se sentent fortes et ne peuvent ni supporter ni accepter toute violence faite aux femmes alors comme elles manient parfaitement les couteaux si bien affûtés… les bouchères deviennent justicières ! Rapidement, après quelques disparitions inquiétantes d’hommes du quartier, les rumeurs viennent obscurcir les débuts idylliques de la boucherie… les petites haines, jalousies et autres rancoeurs éclatent au grand jour alors que la police commence à s’intéresser à ce trio féminin bigarré.
Premier roman
Fiche #3274
Thème(s) : Littérature française
Alaa El Aswany dans « Au soir d’Alexandrie » revient sur l’Egypte des années 50 avec comme personnage principal Alexandrie, ville multiple (« Cette ville te prend dans ses bras sans égard pour ta langue, ta religion ou ton origine. ») adulée par un groupe d’hommes et de femmes, Caucus, qui se retrouvent dans un café pour de longues discussions. Refaire le monde, parler de liberté, de la dictature mise en place par Nasser, révolutionnaire devenu dictateur. Comment vivre dans cette dictature : Chantal, une Française libraire, Tony Kazzan d’origine grecque dirigeant d’une fabrique de chocolat, Albas avocat opposé au régime, Anas un peintre singulier, Lyda une propriétaire de restaurant, Carlo Sabatini, italien d’origine et maître d’hôtel et évidemment une palette de personnages secondaires dressent le portrait précis de la diversité de la société égyptienne d’alors. Chacun a ses convictions, certains plieront devant la dictature (« Le peuple égyptien est heureux de la dictature. ») et ses services secrets omniprésents et omnipotents, d’autres non. La prise en main absolue de la société par Nasser, la mise en place de sa dictature puis son quotidien sont disséqués. Un nouveau cri d’Alaa El Aswany (qui reste sans concession), cri d’attachement et d'amour pour l’Egypte et Alexandrie mais aussi de dépit et de dégoût pour la dictature et ses acteurs.
« La religion vous fait accepter l’oppression et attendre la justice pour l’autre vie. La religion vous entraîne à obéir. »
« Le mensonge est causé par l’oppression. »
« Dans un régime dictatorial vous n’avez aucune valeur. Vous n’êtes rien. Vous avez beau vouloir ignorer cette réalité ou vous fabriquer un monde à vous pour vous isoler des évènements extérieurs, vous avez beau vous évader dans l’art, dans la boisson, dans le haschich ou dans les soirées entre amis, ce ne sont là que des leurres qui éloignent le moment où vous devrez affronter la réalité. A un moment donné, comme maintenant, vous vous trouverez face à votre écrasement et à votre honteuse défaite. »
Fiche #3273
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Gilles Gauthier
« Nul besoin de prophétie pour savoir que le premier voyageur apporte toujours avec lui d'innombrables calamités » et jusqu’à aujourd’hui les habitants de « Nord Sentinelle » (d’où le titre) une île du golfe du Bengale l’ont bien compris : ils tuent en effet tous ceux qui se risquent à poser un pied sur leur terre. Le roman n’est pas situé mais pourrait bien se dérouler en Corse où comme parfois un fait divers déclenche un récit, une histoire, une retour dans le passé avec une violence latente. Pour une broutille, le jeune Alexandre Romani poignarde Alban Genevey au milieu d’un amas de touristes. Alexandre, l’autochtone, et Alban, le touriste, se connaissent pourtant depuis l’enfance. Le narrateur, un prof revenu depuis peu au bercail et proche des Romani, remonte l’histoire d’une dynastie, d’un lieu et souvent de la bêtise. Il y eut les explorateurs, les colonisateurs, il y a les voyageurs, les touristes. Jérôme Ferrari en décortiquant avec son ironie, son ton et son humour corrosifs, la sacro-sainte idée, l’histoire et la tentation du voyage, sorte de péché originel, nous fait ressentir avec une pointe d’amertume, une profonde détestation des valeurs actuelles (profit, pouvoir…), une critique acerbe du tourisme de masse, la vision d’un avenir très embrumé et un portrait aiguisé de la bêtise humaine.
Ecouter la lecture de la première page de "Nord sentinelle"Fiche #3270
Thème(s) : Littérature française
Joseph Vernot revisite pour les petits le mythe de Dédale, récit éclairé par de superbes illustrations, véritables tableaux.
Fiche #3271
Thème(s) : Jeunesse
Un petit garçon et son chien Roco montent dans un ascenseur et les voilà partis pour une aventure et des rencontres inattendues ! L’ascenseur devrait descendre, il monte. Les voisins, des vieux, des jeunes, des enfants, montent dans l’ascenseur, se parlent, apprennent à se connaître. Et quand deux jumeaux se mettent à pleurer, il va bien falloir trouver une histoire pour les calmer. Superbe album, deux histoires en une (une surprise vous attend sur la dernière page), des illustrations simples, chaleureuses et expressives.
Fiche #3272
Thème(s) : Jeunesse
Rut et Gorm se sont connus enfants et ne cesseront de penser l’un à l’autre. Pourtant le tourbillon et les contraintes de la vie les éloigneront. Des enfants, des mariages ratés et enfin, des retrouvailles pour un nouveau départ. Elle est une artiste reconnue, il reprend les études que jeune, il souhaitait poursuivre. Ils se retrouvent avec leur enfance, leur passé, leurs vécus, leurs fantômes, leurs familles. Herbjorg Wassmo déploie lentement tout son art pour nous faire ressentir leurs sentiments, leurs désirs, leurs doutes. Avant tout, ces deux là veulent, partager, dialoguer, profiter de leur amour en acceptant sans réserve l’autre, avec ses sentiments, sa personnalité propre, avec ce qu’il est, ce qu’il fait. Quand l’un a trouvé son autre, les aléas de la vie ne peuvent remettre en cause cette symbiose. Superbe voyage au cœur de la nature sauvage et glacée du Grand Nord et au pays de l’amour.
« … qui a droit à l’amour toute sa vie ? »
« L’art, on n’en parle pas, on le sent. »
Fiche #3269
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Françoise Heide
« La vacuité prolifère, s’instille dans chaque moment de la vie. La lumière nous quitte quand nos têtes reposent sur l’épaule du monde. » Cri de révolte, chemin de résistance, face à la noirceur du monde et des hommes, Eve Lerner propose des pistes pour entrevoir un filet de lumière pour un instant ou plus, « boire le lait des étoiles », « passe le reste de ta vie à t’émerveiller »… Une lueur parfois dérisoire face à la violence du monde et aux pulsions de mort qui le secouent. Certains se retirent, d’autres courbent l’échine ou tournent la tête, d’autres encore hurlent leur colère mais « Il faut tenir… Tenir la résistance à bout de bras… Pouvoir encore dire à un être, à une idée : je tiens à toi. » Comme toujours chez Diabase, un court texte au style affirmé, le journal d’Eve Lerner, entre désespoir et espoir, toujours avec une extrême lucidité, éclaire un chemin pour dévier du destin mortifère annoncé. Un récit qui mérite une lecture à voix haute tant il est percutant et qui finit en apothéose avec un dernier chapitre Entre-deux d’une poésie absolue.
Ecouter la lecture de la première page de "Un tant soit peu de lumière"Fiche #3268
Thème(s) : Littérature française
Anthony Barreau apprécie et est fier de son standing. Il vit en effet dans le XVIème, avec ses deux chiens, toujours sur son 31 et c’est obligatoire, car monsieur est agent. Un agent bien particulier qui gère des contrats très singuliers : il se donne beaucoup de mal pour dénicher les talents, l'excellence, les meilleurs qui pourront les exécuter et le mot est idoine, puisqu’il s’agit d’engager des tueurs à gages pour assassiner des cibles que ses clients lui indiquent. Du travail méthodique, professionnel, parfaitement réalisé, sans jamais de traces ni d’indices. Jusqu’au premier dérapage qui change tout. Dans le milieu, la haine est tenace et rapidement mue en un furieux désir de vengeance… Seule issue : la fuite ! Et qui pourrait penser qu’Anthony se terre dans un camping de Vierzon (« Qui part en vacances à Vierzon ? ») avec une vieille dame, directrice d’une agence matrimoniale à l’ancienne, elle-même aussi en fuite refusant son installation dans un Ehpad, et qui se fait passer pour sa grand-mère ? Pascale Dietrich est diablement efficace, on retrouve avec bonheur son humour, sa fantaisie, sa loufoquerie parfois, son habileté à mener un suspense tendu, et surtout ses personnages et leur humanité, jamais d’un côté les bons et de l’autre les méchants, « simplement » des hommes avec toutes leurs facettes et leur complexité auxquels le lecteur s'attache rapidement.
« D’une façon générale, il trouvait les riches admirables : ils n’ont pas besoin d’armes à feu pour tenir à distance les indésirables et défendent leur entre soi avec tact et diplomatie. »
Fiche #3267
Thème(s) : Littérature française
K a partagé l’exil de sa famille. Départ de l’Iran pour s’installer en Californie. Rêve d’un eldorado, mais la famille vit dans un espace minuscule, le père ingénieur en Iran reste sans travail et stagne. La mère aide soignante progresse et avance sur la voie de l’émancipation. Mais ils demeurent étrangers et musulmans. K et ses deux frères restent des enfants, avec leurs jeux, leurs rêves : être comme les autres, le sport, les copains, les filles... Le père vit mal ce quotidien, devient colérique et violent et décide de repartir avec les trois enfants en Iran pour retrouver espère-t-il leurs racines. Nouveau déchirement pour K qui découvrira une autre facette violente de son père qui le changera à jamais. Ils reviendront aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, tout a changé, leur espace s’est encore restreint avec encore davantage de difficultés pour trouver leur place. Portrait d’un gamin déraciné, déchiré qui voulait juste être un gamin comme les autres, un gamin devenu adulte trop tôt qui subira la violence d’un père, d’une société, d’un exil l’empêchant de grandir, de s’insérer ici ou ailleurs, ses seuls secours (et recours) restant sa fratrie et l'amitié.
Premier roman
Fiche #3263
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Charles Bonnot
C’est l’histoire d’un petit lapin blanc, un lapin blanc rêveur, débordant d’imagination et surtout toujours en retard, dès sa naissance il sera en retard. Un lapin qui passera ensuite son temps à courir après, après le temps, tentant de rattraper son retard, jusqu’à ce que son cœur s’ouvre à la belle lapine Camille, et qu'il apprenne alors que rien ne sert de courir : trouver son rythme et ouvrir son cœur et la vie prend alors sens.
Fiche #3264
Thème(s) : Jeunesse
C’est l’histoire d’un grizzly, un grizzly grincheux, râleur qui n’aime pas grand-chose alors à chaque proposition de son meilleur ami, il râle, il dit qu’il n’aime pas; il traine des pieds. Mais le petit ami ne se décourage pas et enchaîne les propositions, jusqu’à ce que, lassé, il lui demande ce que, finalement, il aime dans la vie. Un joli sourire au service de l’amitié !
Fiche #3265
Thème(s) : Jeunesse
Amalia adore les bateaux, la mer. Mais c'est une affaire d'hommes, et le village n'est pas tendre avec elle, moqueries, rires l'accompagnent quand elle met son bateau à l'eau. En effet, c'est un bateau en papier et elle a décidé de partir à la rencontre d'un pêcheur mythique, roi de la mer, que personne ne connait. Un incroyable et périlleux voyage l'attend et rien ne sera plus comme avant au retour de cette aventure.
Fiche #3266
Thème(s) : Jeunesse
Ils sont soumis et souffrent ceux qui vivent là. Soumis à la rudesse du temps et de la terre, à
la violence de maîtres qui n’ont “rien d’autre à faire que chasser”, aux chiens et étalons
mieux nourris que les paysans. Le Pays Arrière est comme une prison pour ceux-là, englués
dans cette terre, qui devrait les nourrir et n’y parvient pas toujours. Un lieu coupé du monde
par le Basilic, fleuve frontière.
En marge du village, trois fermes et des êtres aux destins étroitement liés. Les Montées.
La vieille Rose, qui connaît les secrets des plantes, a recueilli Bran alors qu'il avait faim, et
c’est lui qui commence à raconter. Il sent tout, comprend et partage jeux, travaux des champs et
courses dans la forêt avec les fils d’Eugène et Aelis. Dans la ferme voisine, Ambre et Léon.
Et la voilà. Madelaine. Son apparition inespérée et lumineuse bouleverse la vie aux
Montées. C’est comme un feu follet, une lueur dans leur nuit de brutes asservies, un espoir
dans leurs vies éreintantes. Sourire rageur et féroce aux lèvres, audacieuse, indomptable et
libre, sauvage et tendre, elle devient la fille d’Aelis et Ambre, jumelles, si semblables qu’on
les confond et dont la beauté est la tragédie. Les enfants leur offrent une vie à nouveau
partagée. Germain, Mayeul, Artaud, Madelaine et Bran cavalcadent ensemble dans les bois.
Leur enfance « oublie la dureté du monde ». Les enfants grandissent, Germain rêve d’avoir sa
terre. Madelaine, intranquille, a toujours en elle cette étincelle de vie, de liberté, mais de
haine aussi pour « les mains qui se croient tout permis » : « Chez Madelaine, il y a en plus une dureté insaisissable. Ambre est une pierre qui peut s’abîmer, s’effriter, se casser ; Madelaine, un diamant que rien n’entaille. ».Plusieurs saisons s’écoulent. Quand tout va bien et que la récolte est bonne, « malgré les
bras rendus douloureux par les fléaux et malgré la poussière, ils ne sont que joie, quelque
chose s’accomplit enfin ». L’araire nouvelle donne espoir mais n’est pas pour les hommes qui
n’ont pas d’animal de trait. La fatigue, l'épuisement sont la règle, « c’est normal, c’est comme
ça ». Mais quand deux années de suite la pluie et le froid sévissent, la famine dévore le
village. Les hivers surtout sont terribles, mais moins que le fils du maître à la férocité sans
limite : il saccage les blés, tue qui s’interpose, aime abîmer les récoltes, mais aussi les
femmes. Jusqu’au jour où « l’ordre des choses est fracassé »...
Dans ce superbe roman d’une tension et d’une émotion à couper le souffle, Sandrine Collette,
comme toujours en peu de mots, avec cette écriture au plus près des sens, tous
sollicités, nous emmène dans un autre temps, sombre, et sur une terre rude qui
ressemble au Morvan qu’elle connaît bien. Comme dans ses récits précédents, elle place le lecteur au
cœur, au cœur de la nature, au cœur de la forêt et, surtout ici, au cœur de l’humain.
Christine J.
« Que la vie soit mal faite, nous le savons tous.
Nous avons la conscience aiguë de l’imperfection du monde ; les terres pourraient
être partagées équitablement, et la richesse, le travail et la maladie. L'amour aussi.
Mais le monde n’est pas juste, il ne l’a jamais été ; nous avons toujours été des
gueux et nous avons toujours eu des maîtres. »
« Trop de fatigue, mais c’est normal. C’est tout le temps. Tous les jours. La fatigue est
la vie. »
« La nature, quand elle crée des situations difficiles, ne sauve ni les plus beaux ni les
plus imposants ; elle préserve les plus forts, et les plus forts sont ceux qui ont le
moins d’exigence. Madelaine et moi sommes de ceux-là. »
« Il faut recommencer : à travailler et retourner la terre, à l'ensemencer, à arracher les
mauvaises herbes, à récolter. Le cycle est rond et infini. C’est une source
d'épuisement mais aussi d’émerveillement, car au contraire des hommes, la nature
reprend toujours, même mal, même peu. »
Fiche #3262
Thème(s) : Littérature française
Cyril Jacquemin est un prof légèrement décalé, un peu triste, un peu en dehors de tout. Il vient de perdre sa mère et avec son frère toujours à l’initiative de tout, il doit vider la maison familiale alors que Noël et ses festivités parfois pesantes approche. Un homme le double dans une file de supermarché, un regard, une pensée négative de Cyril et l’homme s’écroule ! Coïncidence ? Pas certain, une série « d’accidents » du même genre vont s’enchaîner. Une contrariété, une colère et hop, la personne s’écroule ou pire meurt. Angoissant, perturbant, questionnant et culpabilisant ! Cyril ne sait où est la réalité, à qui se confier et comment gérer « ce don ». Doit-il en jouer ou éviter tous risques de dérapage ? Que faire de « ce pouvoir » notamment pendant un très long repas de famille ? Un portrait d’un homme frappé par la mélancolie et un pouvoir aussi exceptionnel que surprenant et qui, avec un humour décapant et une ironie percutante, peut nous interroger individuellement et collectivement sur le vivre ensemble et nos relations aux autres et à la mort.
« L’enfer c’est les autres avec du réseau. »
Fiche #3261
Thème(s) : Littérature française
Lorsque Ariadna avec son compagnon vient s’installer pour un an à Pueblo Chico, le petit village de montagne où est né son père, inconsciemment, elle sait peut-être que ce retour aux sources lui ouvrira les portes de silences, de secrets inavoués. Son père en effet ne lui a jamais rien confié à propos de son passé. Le village se meurt, ne restent que quelques vieux, des taiseux. Le Franquisme a laissé des traces dans tous ces villages qui à l’époque étaient séparés en deux camps distincts, opposés et irréconciliables. Ariadna va aller au devant des derniers habitants, tenter de s’en rapprocher, notamment de Pedro, au regard pénétrant et à l’envie de vengeance persistante. Rencontre après rencontre, mot après mot, Ariadna suivra les traces de son père. Après une terrifiante guerre civile, le récit démontre parfaitement et douloureusement, que subsistent d’un côté une haine et une envie de vengeance bien vivantes et de l’autre, malgré toute l’horreur des actes commis, l’envie d’un retour à une vie banale et sans histoire faisant fi, sans le reconnaître ni l'assumer, d’un passé horrible et inhumain.
« … il y a des lieux qui se rappellent, des lieux où, si tu t’arrêtes et que tu écoutes attentivement, il y a des voix qui racontent des choses. Mais il faut vouloir écouter. Par malchance, seuls écoutent ceux qui connaissent déjà les histoires des lieux. Les autres, ceux qui ont provoqué les faits ou ceux qui en savent quelque chose par peur ou par honte, nient l’existence de ces voix. »
« Qui vas-tu pardonner, quand personne ne t’a demandé pardon ? »
Fiche #3258
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Marianne Millon
Cécile CHABAUD
De femme et d'acier
L'Archipel
59 | 228 pages | 28-10-2024 | 20€
Dans ce roman émouvant, Cécile Chabaud écrit à la première personne le journal d’une femme exceptionnelle et presque inconnue. Auprès de celle qui fut l’unique femme médecin au front pendant la Grande Guerre, d’autres femmes sont à l’honneur : sa mère qui l’encourage dans ses études, les infirmières, héroïnes invisibles, les femmes « savantes » et engagées qu’elle va croiser ou côtoyer : Marie Diémer, Marie Curie, Anna Coleman Watts Ladd... En écrivant pour Nicole Mangin ce journal, l’autrice nous fait partager ses souvenirs, à la fin de sa vie (elle n’a que 40 ans !). Elle évoque toutes les difficultés de son parcours de femme et d’épouse autant que sa vie de médecin, marquée par plus de sacrifices que de signes de reconnaissance de ses pairs. Souvent ils la rudoient et la méprisent : son savoir et sa ténacité les dérange. On est pris par la lecture, même si ce sont souvent des scènes horribles que nous décrit, sans fausse pudeur, le médecin Girard-Mangin, envoyée par erreur à Verdun, « un secteur très calme »... Nicole est mobilisée sur le front car on prend le nom de son ex-mari, Girard, pour son prénom. Il est tellement impensable qu’une femme soit médecin ! Ce livre est aussi un témoignage édifiant sur la guerre, absurde et qui déshumanise. Et quand la guerre s’achève, le combat n’est pas fini, car la grippe espagnole prend le relais des marchands de canons. Pas le temps de s’apitoyer sur soi-même.
Femme intelligente, sensible mais dure à la tâche et dure avec elle-même, Nicole Mangin choisira sa mort : cela reste tu. Spécialiste de la tuberculose et des maladies contagieuses, médecin au front, puis, entre autres, à l’hôpital Edith-Cavell (une autre femme méconnue), elle va devenir la co-fondatrice de la ligue franco-américaine contre le cancer. Elle est bien placée pour être lucide sur son état de santé quand la maladie la frappe. Elle ne sera jamais décorée de son vivant, seuls « ses typhiques de Glorieux » eux, auront su lui témoigner leur reconnaissance de gueules cassées ainsi que Cécile Chabaud, qui ici lui rend hommage et nous permet de connaître désormais son nom.
Christine J.
« Le patriarcat est bien trop enraciné. C’est un cancer incurable. Le vote aux femmes ? Une chimère. Nous sommes traitées comme le fou, l’enfant, le vagabond et le criminel. »
Fiche #3259
Thème(s) : Littérature française
« Mariette nous abandonna un dimanche après la messe ». La Réunion, 1974 : quatre enfants quittent leur mère. Elle avait bien du mal à les élever seule, et la France de la Vème République, celle de de Gaulle et de Michel Debré, celle du Bumidom de triste mémoire, lui propose de l’aide. On promet à ses enfants des vies et des carrières brillantes, de celles qui ne peuvent exister qu’en métropole.
Les campagnes françaises manquent de bras. Les deux aînés trouvent « preneurs » les premiers. Et puis un jour les Brouillet, Thénardier modernes, emmènent Marie-Thérèse et Joseph à la ferme… Une chance ! C’est rare que deux enfants d’une même fratrie soient accueillis ensemble. Le lendemain même de leur arrivée commence le travail et il en faut peu pour que René Brouillet perde patience… Aux « rassin anler » (déracinés), il est interdit de parler créole, de communiquer avec sa famille biologique. Ainsi Mariette, malgré ses demandes, n’aura pas de nouvelles de ses enfants. Michel, Patricia, Marie-Thérèse et Joseph, devenus Frédéric, Magalie, Marie et Florent, n’auront pas davantage de nouvelles de leur mère. C’est Marie-Thérèse, la narratrice qui fait le récit à la première personne, depuis l’enfance en Creuse où elle et Joseph sont en famille d’accueil, jusqu’au retour à Saint-Denis de la Réunion, en 2018. On retrouve alors la fratrie réunie autour d’une commémoration : le 25è anniversaire de la mort tragique de Joseph. On lit ses poèmes publiés désormais avec succès.
Comme ceux du roman, fictifs mais si réels, plus de 2000 enfants réunionnais, seront transplantés (car dire « déportés » reste difficile, même aujourd’hui), entre les années 1960 et le début des années 1980 dans 83 départements de métropole. Leurs souffrances sont à nouveau dévoilées avec ce récit sensible.
Christine J.
Premier roman
« Quel type de stylo utilise-t-on pour vendre une vie ? Un stylo Bic ? Un feutre noir ? Je me demande si ce stylo existe encore quelque part. »
« La rancœur est un manteau dont on ne se défait jamais tout à fait. J’ai essayé de le retirer, mais ses manches me sont restées aux poignets, comme des menottes desquelles je ne pouvais me libérer. En relatant ces chapitres de ma vie, j’espère être soulagée du poids de cet habit. »
Fiche #3260
Thème(s) : Littérature française
Nicolas DI MEO
Tumiqa
La Veilleuse
57 | 158 pages | 27-10-2024 | 17€
Nicolas, en 2023, vécut vingt et un jours avec quelques compagnons d’aventure sur un ancien remorqueur, pris dans les glaces, hivernage au plus proche de la nature, dans le froid du Grand Nord, sur la côte ouest du Groenland. Changement d’environnement, de rythme, ralentissement du temps propice à l’observation, à l’introspection. Nicolas mêle son aventure sur ce remorqueur et aux alentours en nous faisant partager son immersion dans la nature et la vie des Inuits mais aussi dans leurs légendes et croyances et dans les souvenirs de son enfance avec ses parents. Une mère malade, un père attentif et aimant qui saura lui « donner à rêver d’une façon si parfaite » et qui en mourant jeune lui rappellera aussi l’urgence de la vie. Cette enfance apprendra à Nicolas à découvrir son identité (notamment sexuelle) et à croire aux mythes et aux légendes, donc à être attentif à l’extérieur, aux signes, aux mouvements, aux vivants. Ainsi, il deviendra conteur d’histoires. Hommage émouvant à un père, témoignage sensible d’un parcours humain mais aussi d’une culture en voie de disparition.
« La nature, dans son apparence la plus pure, me rappelle, à moi insignifiant, l’importance de s’émerveiller. »
« Je ne crois pas en un art seulement esthétique. Il doit rendre des comptes à tout ce qui l’entoure, véhiculer un message. »
« Nous sommes faits des traces de celles et ceux avant nous, même si elles ont fondu comme neige au soleil. »
Fiche #3257
Thème(s) : Littérature étrangère
La jeune Elba est née dans un lieu particulier où sa mère était enfermée, le monde-à-moitié, une maison pour les fous, les fêlés (« … ici, on est peut-être zinzins, mais pas crétins. »). Elle observe depuis son enfance, avec sa naïveté, son innocence et son humour, les différents fous et les différentes folies qui l’occupent, les soignants et leurs méthodes souvent archaïques alors que la loi Basaglia qui prévoit le démantèlement de ces asiles peine à s’appliquer. Néanmoins, un nouveau jeune psy, Fausto Meraviglia, viendra bouleverser les habitudes des soignants, des malades et d’Elba. Un psy attaché à ses malades que l’on va voir vieillir et que l’on suit avec intérêt avec parfois le sourire aux lèvres. Impossible de rester insensible à Elba, un roman qui touche sur la folie, le soin, la liberté, l’enfermement et la vieillesse.
« La poésie, c’est la liberté, on ne peut pas l’enfermer derrière des barreaux. »
« Devenir fou, c’est parfois une consolation, pour ceux qui n’ont rien de mieux. »
« C’est la seule différence avec les pas-mabouls : nous, on se promène nues avec notre souffrance bien en vue. La folie, c’est une sorte de vérité. »
« Une bonne loi, c’est comme un parapluie qui protège tout le monde, pas seulement ceux qui sont sous la pluie. »
« La souffrance se développe en cachette et elle explose quand on s’y attend le moins. »
« Tu sais à quoi on se rend compte qu’on vieillit ? A la perte. D’abord de la vue, puis des objets, puis de la santé, du sommeil, des amis, des cheveux, des amours. Et pour finir, à celle de son temps. »
« La vérité est une hypothèse, et une vie entière ne suffit pas à la vérifier. »
Fiche #3256
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Laura Brignon
Après des études littéraires à Liverpool, Sean Maguire est de retour dans son quartier de Belfast où il retrouve mère et frère dans un très modeste logement. Le Belfast pauvre n’a guère changé malgré les accords de paix. Tous les problèmes persistent : violence latente, alcool et drogue, précarité, opposition des religions, différences sociales et mépris de classe, différences culturelles, non-dits, secrets et fractures familiaux… La guerre civile est finie mais elle demeure toujours présente dans les esprits même dans ceux de la nouvelle génération : qui s’est engagé ? dans quel camp ? qui ne s’est pas engagé ? Les suspicions persistent et peuvent provoquer des séismes à tout instant. Le destin de Sean semble tracé, sa condamnation peut-elle être le déclic permettant de réorienter sa vie ou alors ce pourrait être une rencontre le poussant à croire en lui et en ses capacités notamment d’écriture ? Portrait réaliste de l’Irlande pauvre enchaînant petits boulots précaires dans une économie dévastée avec des accords de paix qui n’ont rien résolu.
Premier roman
Fiche #3255
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Paul Matthieu
Tass, dans son enfance, a été baignée par des histoires touchant sa terre natale, la Nouvelle-Calédonie. Et le jour est venu où elle doit choisir entre Nouvelle-Calédonie, remplacement et célibat et métropole, titularisation et Thomas. Elle choisit le retour et un poste de remplaçant de prof de français. Dans sa classe, elle observe des jumeaux, Célestin et Pénélope, qui vont rapidement disparaître. Elle ira à leur recherche mais aussi à la rencontre de la Nouvelle-Calédonie et de son histoire, de la Nouvelle-Calédonie pénitentiaire, du colonialisme qui a marqué d’une empreinte indélébile le pays, du racisme, des clans, des langues, des Kanaks, des déportés d’Algérie, des déportés de la Commune : variété des origines, des niveaux sociaux, des cultures, des croyances, tout ayant été toujours fait pour que les communautés au mieux s’ignorent. Tass partira ainsi sur les traces de son arrière grand-père venu de Kabylie. Une quête intime qui nous livre également une masse d’informations sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et l’impact toujours pesant du colonialisme sur les identités et le quotidien de la Nouvelle-Calédonie et propose quelques clés pour comprendre les derniers évènements (et ceux à venir).
Ecouter la lecture de la première page de "Frapper l'épopée"Fiche #3254
Thème(s) : Littérature française
Clemens est un jeune de la bourgeoisie allemande d’avant guerre. Ballotté d’institut en foyer, Clemens est une sorte d’elfe, d’une beauté remarquable, image de l’aryen parfait, mais gracile et d’une grande douceur et délicatesse. Il est musicien et un violon l’accompagne sans relâche : « Ce violon sanglé à l’enfant, c’était bien l’âme du grand-père virtuose. ». Virtuose lui aussi, il joue, rejoue sans cesse, ne quitte jamais son violon, un couple qui s’autoprotège : « Il doit le sauver du chaos ! » En effet, le chaos menace le monde, il verra disparaître son entourage un à un. Il freinera l’échéance mais la violence le rattrapera et l’enrôlera aussi. Le jeune garçon fermera les yeux en découvrant la beauté de l’océan et sa violence recherchant la musique la plus idoine pour représenter ce sublime tableau ambivalent. Violence et beauté, culture, musique, art et barbarie, côte à côte, voisines, se côtoient, s’affrontent à chaque guerre qui recommence et sur ce champ de bataille, des anonymes, des innocents. Littéraire, poétique, dense et profond, de superbes descriptions et une réflexion essentielle face au fracas du monde, hier comme aujourd’hui.
« On perd son temps dans la vie, mais un soir à sept heures dix-sept, ou un matin, on s’éveille tout à coup au milieu des grands arbres. Quelque chose se met à exister soudain… »
« La musique habite un monde inaccessible, elle est comme l’âme des absents. »
Fiche #3252
Thème(s) : Littérature française
Gafna a près de 75 ans quand elle accueille le petit Greg chez elle. Force majeure : son petit-fils se retrouve seul : son père Loun a été découvert blessé gravement, tabassé, dans le coma. Sa mère est la coupable idéale, Edoya est irascible, colérique, violente et peine souvent à se maîtriser. Elle reconnaît une dispute ce même jour mais nie le tabassage. Pourtant tout l’accuse. Alors Gafna, sa hotte sur le dos avec le petit Greg dedans, visitera chaque jour Loun et n’aura de cesse de démontrer l’innocence de Edoya. Elle rencontrera d’autres femmes, dans la précarité, souvent violentées et méprisées et l’une d’elles pourrait innocenter Edoya. Un portrait détaillé d’une femme humaine, droite, inspirant confiance, descendante d’une histoire qu’elle porte en elle et qu’elle n’a pas oubliée, une femme au service des autres, dans un environnement social où précarité, pauvreté et violence sont le quotidien ce qui n’exclut pas, bien au contraire, l’humanité, l’amitié et la solidarité.
« C’est un vrai métier, songe-t-elle, que de mourir à petit feu. »
Fiche #3253
Thème(s) : Littérature française
Trois vieux, les biens nommés Pètembulle, Trognecuite et Fricassée ont pris possession d’un banc du village de Consac. Position stratégique pour observer leurs congénères, et l’œil reste alerte, vif et précis ! Rien ne leur échappe et la langue reste bien pendue. Rumeurs, ragots, rancoeurs, tout y passe. Le ton déborde d’humour et d’ironie, les coutumes de ce petit village camarguais sont moquées ou adulées. Huit tableaux pour des brèves de comptoir à la provençale (la langue méridionale a la part belle) drôle et tendre.
Ecouter la lecture de la première page de "Le banc des vieux cons"Fiche #3251
Thème(s) : Littérature française
Les jardins de Torcello enserrent la maison de Maxence, avocat de père français et de mère vénitienne. Ces jardins sont des vestiges magnifiques du passé de Venise et Maxence n’abandonne pas son rêve de construire un havre de paix et de sérénité avec ces jardins devenus fragiles et menacés qui demandent entretien. Il veut conserver ce petit miracle, préserver sa beauté et la développer, la partager mais aussi la dresser en barrière face à la montée des eaux pour protéger l’île de Torcello en danger. Vivent à ses côtés son jeune amant Colin, traducteur et sous-titreur, et Elio un homme à tout faire qu’il a jadis défendu et qui lui est totalement dévoué. Après un voyage au Vietnam et les pressions insistantes de sa mère, Maxence a adopté Jess devenue guide dans cette ville après son départ précipité de France. Dernier personnage qui accompagne cette visite guidée de Venise, un migrant, un migrant les pieds dans l’eau, un migrant né d’un pochoir de Banksy (« Ce n’est pas un simple dessin. On dirait un cri. ») témoignage politique de notre société contemporaine. Superbe hommage à Venise et un hymne à la beauté pour les amoureux de Venise et ceux à venir.
« La beauté, en dernier recours, pour sauver l’humanité. L’idée lui plaît… La beauté est un axe fixe autour duquel tout le reste tourne. Et l’art, dans son ensemble, résistera à l’usure, à la défaite… Si la beauté disparaît, plus personne ne saura qu’elle peut exister, et alors notre monde sera sans espoir. »
« Un papillon bleu entre par la fenêtre ouverte. Il vole dans la chambre. Les papillons ne font pas de bruit, mais en étant très attentifs, on peut entendre battre leurs ailes, et dans ce bruissement à peine audible, se tient quelque chose d'immensément grand que Jess ressent et qu'elle ne parvient pas à nommer, et qui est la force ou la poésie commune à toutes formes de vie. »
Fiche #3250
Thème(s) : Littérature française
« Il est des lieux investis par la magie et la lumière. », l’hôtel du Rayon vert en est. Il n’est pas situé n’importe où, à Cerbère, non loin de la frontière entre l’Espagne et la France. Un lieu de passage, un lieu d’exil, selon les périodes, dans un sens ou dans l’autre, hier fuir Franco, fuir le nazisme, exils des anonymes comme des intellectuels, aujourd’hui fuir les guerres, la pauvreté et toujours le drame et le déchirement de l’exil. « Mais aujourd’hui, passions éteintes, est-il raisonnable d’interroger le présent pour décrypter le passé ? » Pour en parler et faire poindre une lueur d’espoir, Franck Pavloff suit une palette de personnages, anonymes ou non (le poète Machado, le philosophe Walter Benjamin…) vivant tous un engagement, une passion, la musique, la photographie, l’histoire, l’attention aux autres, la beauté de leur lieu de vie et avec comme point d’ancrage l’humanité.
« L’œil n’est pas fait pour voir mais pour recevoir. »
Fiche #3249
Thème(s) : Littérature française
En plein Japon médiéval, la petite Satomi voudrait tant que son père soit fier d'elle. Ils vivent tous les deux, sa mère est morte et la petite reste cloitrée dans la belle demeure familiale. Elle rêve de devenir archère, et s'entraîne sans fin. Mais les résultats ne sont pas là, en effet, « ses yeux ne voient pas plus ouverts que fermés », elle est aveugle. Jusqu'au jour où un jeune yokaï, esprit de la nature, met le vent à ses services, ou plutôt au service de ses flèches. Superbe récit et conte avec de multiples thématiques, joli dessin avec un rouge éclatant au milieu des nuances de gris.
Fiche #3246
Thème(s) : Jeunesse
La solitude ne gène pas Sam, bien au contraire. Il aime pêcher, seul, sur son petit bateau. Jusqu'au jour où la tempête bouscule son bateau, l'emmène loin de la côte, il sera alors bien heureux qu'une baleine vienne à son secours, la découverte de l'amitié...
Fiche #3247
Thème(s) : Jeunesse
Traduction : Emmanuèle Sandron
Attention, ce livre est dangereux ! Seuls les jeunes super-lecteurs sortiront indemnes de sa lecture ! En effet le super chevalier n'a peur de rien, entraîne le lecteur dans ses aventures et en plus, il n'hésite pas à l'intégrer, à le questionner, à l'interpeler.
Fiche #3248
Thème(s) : Jeunesse
Daniel est venu passer l'été avec sa grand-mère au fond d'une petite vallée verte de Normandie. L'ennui parfois le traverse. Et puis, un jour, lors d'une balade, il rencontre Paul un garçon de son âge qui lui fait visiter son moulin Ecoute s'il pleut. Il y vit avec sa mère, femme d'une beauté éblouissante. L'amitié pointe son nez mais Daniel s'aperçoit rapidement que Paul n'est qu'un fantôme, une vision. Il n'existe pas et le moulin en réalité est abandonné. Intrigué, il enquête, questionne pour une remontée dans l'histoire du village mais aussi dans sa propre histoire. Une belle et douce histoire enrichie par les superbes dessins et couleurs de Patrick Prugne.
Fiche #3245
Thème(s) : Adulte Bandes dessinées
Gustavo RODRIGUEZ
Eufrasia Vela et les sept mercenaires
L'Observatoire
44 | 280 pages | 01-09-2024 | 21€
Eufrasia travaille en tant qu’aide à domicile à Lima. Elle a un garçon et est très proche de sa sœur, infirmière. Eufrasia est particulièrement appréciée des personnes âgées dont elle s’occupe. Elle est aussi proche de ceux qui vivent seuls dans leur appartement que de ceux qui ont rejoint un établissement spécialisé et forment un groupe, les sept mercenaires, disparate mais uni. Il faut dire qu’elle est attentionnée, aimante, dévouée, prête à tout pour que leur fin de vie correspondent le mieux à ce qu’ils souhaitent. Ces retraités gardent tous leurs esprits (même si le Chleuh et le Rosbeef --ie Alzheimer et Parkinson-- ne sont jamais très loin) mais l’usure de la vie est là. Ils continuent de vivre par habitude, et une lassitude répétée peut parfois leur faire espérer en un repos bien mérité. Mais mourir seul n’est pas aisé et qui mieux qu’Eufrasia pour les aider ? Comment Eufrasia vivra-t-elle et acceptera-t-elle ce geste singulier ? Et s’est-elle posée la question de ce qu’elle fera lorsque son heure arrivera ? Avec humanité, légèreté et même humour, Gustavo Rodriguez aborde la question de la liberté ultime, du droit de mourir, d’en finir avec la vie, en toute conscience au moment et dans le lieu choisis.
« …elle savait qu’à un certain âge, il y a des blessures qui ne dépendent plus du calcium, ni de quoi que ce soit d’autre figurant dans le tableau périodique des éléments. »
« Deux personnes qui chantent ensemble spontanément atteignent une intimité aussi brève que difficile à reproduire… »
« … les vieux ressemblent aux enfants non seulement pour ce qui est de l’incapacité à se défendre, mais aussi parce qu’ils ont besoin d’adultes actifs qui se battent pour leurs droits. »
« C’est peut-être cela, vieillir, pensa-t-elle. Chaque portion de temps à affronter devenait une fraction de vécu de plus en plus minime… »
« La plupart des gens n’ont pas le loisir de penser, ils doivent travailler et travailler encore, voilà pourquoi il n’y a pas beaucoup de pauvres chez les philosophes. »
« Le mensonge est très utile à la survie sociale : voilà pourquoi les animaux ne mentent pas : leur socialisation ne dépend pas des discours. »
« A notre âge, Eufrasia, la mort est une étoile qui brûle déjà. »
« Qu’est-ce que je ferai quand tu me manqueras ? demanda-t-il. Cherche-moi dans d’autres rires. »
Fiche #3243
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Margot Nguyen Béraud
Deux jours pour un huis clos tragique. La petite bonne est au service de familles bourgeoises dont les Daniel, couple atypique depuis plus de vingt ans après la fin de la première guerre. Monsieur est une gueule cassée, lourdement handicapé, ancien musicien sur lequel le corps médical a choisi d’expérimenter. Il sait qu’il est devenu un poids pour la société, pour sa femme. Alexandrine lui est en effet totalement dévouée et nie sa vie à son service : deux mutilés de la vie (« Mutilé et inutile. »), sans réelle existence, seul subsiste leur amour de jeunesse, aujourd’hui lui (« Il se dégoûte. ») a honte de lui imposer cette existence et elle l’accepte en silence. Exceptionnellement, elle s’absente deux jours et confie Monsieur à la petite bonne. La petite bonne saura franchir deux obstacles, l’apparence du corps et la classe sociale de Monsieur. En effet, la petite bonne d’un autre milieu social ose le regarder, lui parler, le considérer en tant qu’homme, une relation se noue. La petite bonne a déjà vécu un drame intime terrible, qu’elle continue de porter dans sa chair, alors les corps, la douleur, la mort, elle connaît et tente de faire face. Monsieur est surpris et fait un pas vers elle. Des thèmes aux résonances très contemporaines (aidant-aidé, handicap, fin de vie…) pour un roman à la forme très singulière, chaque personnage a son style d’écriture (en vers libres pour la petite bonne), une fois rentré dans la danse, le récit se dévore jusqu’à une fin inattendue.
Ecouter la lecture de la première page de "La petite bonne"Fiche #3244
Thème(s) : Littérature française
Longtemps après avoir refermé le livre, on se souvient des êtres qui occupent ou hantent ce lieu. Car c’est surtout l’histoire d’un lieu - une forêt, un verger - que Daniel Mason nous raconte avec une tendresse non dénuée d’humour. Qu’on soit ami de la nature et de la forêt, pomiculteur ou écrivain, lecteur ou ornithologue, peintre, poète ou botaniste professionnel ou amateur, on vagabonde avec plaisir dans ce livre attachant et multiple. Car les douze chapitres ne sont pas seuls à nous « raconter » cette belle fable d’histoire naturelle. On trouve aussi, dans le désordre notamment : partition, poème, relevé topographique, empreinte, chant, ballade, gravure, planche de botanique, photo, dessin, pages d’almanach et même extrait de dossier médical et annonce immobilière ! On passe du récit à l’échange épistolaire quand on n’est pas plongé dans une enquête criminelle, d’un dicton à une note historique sans jamais perdre le fil. Car « seule reste la forêt ». Une forêt aux couleurs et odeurs très présentes, un coin de nature, quelque part dans le Massachusetts, où passent et trépassent des êtres sensibles, étonnants, souvent aimants et bienveillants, parfois cruels ou farfelus. Il y a là aussi une maison, personnage à part entière qui évoluera avec le temps car l’histoire des bois du nord se déroule sur quatre siècles (« Là, des hommes et des femmes pocumtuc avaient cultivé des champs le long du lit majeur de la rivière. Là, les hêtres et les chênes avaient poussé lentement à l’ombre d’arbres protecteurs. Là, les bouleaux avaient surgi après que les hommes du roi avaient coupé les pins pour servir de mâts à leur navire … On aurait dit que le passé se lisait partout dans le paysage. ») !
Arbres, plantes, oiseaux, animaux (parfois sauvages), insectes et même (et surtout) grains, pépins et champignons vivent là, aux côtés de femmes et d’hommes de tous âges et conditions, qu’ils cultivent la terre, les mots ou les arts. Chacun laissera sa trace. Une magnifique façon de parler d’un monde naturel qui disparaît. A moins que tout ne recommence.
Christine J.
« La première pomme. (…) J’ai failli pleurer, en pensant que j’avais gâché la moitié de ma vie avant de déguster ce fruit. Déchirons nos almanachs, datons cette existence d’avant et d’après cet instant. »
Fiche #3242
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Claire-Marie Clévy
Trois personnages principaux pour une tragédie, trois personnages dans une certaine solitude que leur rencontre va percuter. Théo et Max sont deux jeunes potes, désœuvrés, qui passent beaucoup de temps ensemble, à fumer, à boire, à délirer, à discuter. Ils s’isolent dans une vieille bagnole et peuvent penser entre deux discussions à leur futur. Théo aime l’histoire et la mythologie et vit dans une certaine tristesse, Max pense plutôt à la fille formidable au tatouage fascinant qu'il n'a pas osé draguer. Pour être tranquilles, Max entraîne Théo dans une cabane isolée : fumer, boire, rêver, discuter, loin des autres, loin du monde. Le Dr Rombouts a trompé « une petite fois » sa femme et s’est retrouvé seul dans sa grande et belle maison, sans femme, sans enfants. Alors parfois, il boit un peu, beaucoup... et entretient voire accroît sa colère, ses doutes, ses inquiétudes. Et seul, il veut l’être. Il a même racheté un bois pour éloigner les voisins et les dérangements potentiels. Et dans ce bois, il y a une cabane... Et aujourd'hui le Dr Rombouts, fusil à l’épaule, n’accepte plus que l’on ne respecte plus les règles élémentaires comme le droit à la propriété... Voici les ingrédients pour qu’une nuit de solstice bascule dans une triste violence que chaque protagoniste appréhendera difficilement. Trois hommes qui ne demandaient pas grand-chose et qui vont récolter le pire. Un premier roman haletant et incisif qui doit beaucoup au style de l’auteur.
Premier roman
Fiche #3241
Thème(s) : Littérature étrangère
De Beyrouth à Paris en passant par Nice, Frédéric Paulin, historien autant qu’écrivain, nous entraîne dans un conflit qui prend des allures de guerre mafieuse, sans qu’on puisse reprendre notre souffle. Nous sommes au Liban, terre d’accueil cosmopolite, pays de cocagne, béni par des Dieux divers jusqu’à ce que … On referme ce premier tome d’une trilogie attendue un peu sonné, avec dans les narines comme une odeur de poudre et de poussière mêlée à celle des Cedars que fument certains héros. Au pays du cèdre, il faut souvent alcool, drogue ou benzodiazépine pour tenir. Les parcours de femmes et d’hommes réels et fictifs s’entremêlent, s’entrechoquent. On pénètre l’intimité des séduisantes, puissantes et troubles Sandra et Zia. On se tourmente avec le diplomate Kellermann. On s’attache peut-être aux Nada père et fils, et même aux flics du SDECE ou des RG Caillaux et Dixneuf. Ils croisent les politiques français et libanais de l’époque. Pour ceux d’entre nous qui l’ont vécu, on entre avec un certain plaisir dans les secrets ( ?) de l’ascension de nos gouvernants, dans les combines de barbouzes ou autres agents, et aussi dans l’opposition UDR-RPR-PS des années Giscard-Chirac-Mitterrand. Dans ce Liban complexe, l’auteur nous mène dans les arcanes d’un système confessionnel et politique qui confine au gangstérisme. « Ad augusta per angusta » comme on disait au SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage)… Mais l’horreur des événements, bien réels, d’attentats en représailles, d’explosions en viols et en massacres, nous plonge aussi dans une noirceur plus douloureuse, qui fait écho à l’actualité du Moyen-Orient d’aujourd’hui. Ce tableau des années 1975-1983 est un texte sombre et brillant, passionnant, exigeant, édifiant et qui croira qu’il ne s’agit là que d’un roman noir et qu’il ne parle que du Liban ?
Christine J.
« Ce qu’il voit de son pays de cœur le dévaste. Il ne parvient pas à croire que les Libanais en soient arrivés là : que les pires atrocités en cachent de nouvelles, pires encore. Que des enlèvements succèdent à des exécutions, des massacres à des attentats, que la mort succède à la mort sans que cela émeuve une communauté internationale atone. Cela pourrait être une exacte définition de l’enfer.
Car ce qu’il voit du Liban est une chute dans l’horreur. »
« Oui, peut-être que pour les pays étrangers le Liban n’est qu’un moyen de renforcer leur puissance régionale. Peut-être que le Liban n’a pas d’autre intérêt pour ses puissants voisins que d’être un champ de bataille où régler leurs comptes. »
« Le vieil homme pense.
A moi tout seul, comme d’autres dans cette ville dévastée, dans ce pays meurtri, je suis le Liban.
Je suis le Liban qui vieillit, qui ne peut plus lutter contre le chaos et la destruction, la passion des hommes, leur folie, leur soif de vengeance. »
« Il aimerait croire qu’il appuie sur la détente et fait sauter la tête de la jeune fille parce qu’il n’est pas une bête féroce, seulement parce qu’il veut lui éviter de vivre après avoir vécu l’horreur.Mais il n’en est pas certain. »
Fiche #3240
Thème(s) : Littérature française
Mercy, petite ville des Etats-Unis, presque 4000 habitants, et une de moins ce jour de printemps : le cadavre de la jeune Leo est retrouvé au milieu des iris sauvages de la petite rivière qui traverse Mercy. La petite ville tranquille n’a jamais connu ça, ni Lauren Hobler la shérif (et son adjoint atypique), une femme shérif qui vit avec une autre femme, donc nécessairement illégitime pour certains. Leo vivait seule avec son père depuis le départ de sa mère d’origine italienne. Le récit s’étend sur quatre saisons proposant quatre témoignages qui s’entremêlent, se répondent, s’opposent parfois. Chacun a sa propre vision, ses problèmes et questionnements intimes. Chaque témoignage revient sur le passé de Leo et des autres et éclaire le présent : Lauren Hobler la shérif, Benjamin un professeur sorti de nulle part et au passé sulfureux donc coupable idéal, Emmy la meilleure amie de Leo (« Nous n’étions pas sœur et pourtant nous étions si proches que personne ne pouvait se glisser entre nous. »), Seth le père de Leo totalement désespéré. A travers leurs témoignages, la vie, les secrets et non-dits, les amitiés, les amours, les haines, jalousies et autres rancœurs sont décrits presque discrètement. Cette enquête haletante et tendue fera tomber progressivement les masques pour mettre à jour un coupable inattendu et surtout dévoiler les secrets et tourments de chacun. Une construction et une narration totalement maîtrisées et singulières qui surprennent le lecteur jusqu’à la dernière page, du grand art !
« C’est à ça qu’on prépare les filles. À avoir honte de tout, honte de son sexe, honte d’avoir été si idiote, honte d’être si peu armée pour la vie. »
« Donnez-leur une étincelle de pouvoir et ils en feront un brasier. »
« ... je riais partout, en toutes circonstances, c’est l’apanage de l’homme désespéré et ... c’est tout ce qui me reste. »
« Voilà ce que les adultes responsables sont censés faire : doucher les espoirs adolescents les plus fous parce qu’il faut les habituer aux duretés de la vie. »
« Vous savez ce qu’on dit des Italiens ? Ce sont des Français qui sourient. »
Fiche #3238
Thème(s) : Littérature française
C’est l’histoire d’un « cassos bigleux », né dans une famille vivant des prestations sociales au cœur d’un quartier d’une cité de Besançon. Il passera d’abord par une école classique, puis par une école regroupant tous les élèves à problèmes et autres cas sociaux souvent caractériels où règnent violence, colère, ruses et coups tordus, et enfin par un établissement spécialisé pour malvoyants. Lui souhaiterait seulement s’isoler, trouver le calme et se retire souvent dans la médiathèque, refuge où il trouve les livres et une certaine affection. Il nous livre les anecdotes qui font sa vie à l’école, dans son quartier, avec sa mère, son beau-père, son frère et sa sœur. Les adultes en règle générale semblent dépassés par tous les évènements et assez impuissants pour aider les gamins. Il nous fait partager ses peurs, ses hontes, ses colères, ses espoirs (« Comme tous les pauvres, je savais me montrer modeste dans mes aspirations. »), les violences subies, sa peur de ne pas être aimé, mais aussi les quelques rencontres heureuses qui sauront l’écouter et l’épauler. Un premier roman, chronique sociale qui dresse le portrait sans détour d’une cage d’escalier, d’un quartier, de la pauvreté, et d’une certaine forme d’isolement mais aussi portrait souvent drôle d’un gamin singulier et du chemin chaotique pour trouver sa place.
Premier roman
« La cité, vue de l’extérieur, c’est un sac poubelle, on n’a pas trop envie de s’attarder sur le contenu. C’est juste un tas de pauvres. »
« On ne nous a pas laissé le temps d’être innocent... Nous l’ignorons encore, mais n’ayant jamais été vraiment des enfants, nous ne deviendrons jamais véritablement adultes. Une double peine en quelque sorte. »
Fiche #3239
Thème(s) : Littérature française
La toute jeune Livia a tout pour être heureuse, une famille pleine d’amour, un avenir promis en athlétisme, un regard éblouissant, une amie intime. Une adolescente accomplie pleine de rêves et d’espoirs. Et puis une visite de contrôle à l’hôpital, elle rejoint le camp de son grand-père, même diagnostic, forte myopie et une rétinite pigmentaire. Un jour, comme lui, elle ne verra plus. On lui promet que tout sera fait pour que ce soit le plus tard possible. Mais en attendant, en plus du suivi, il faudra porter lunettes et faire attention à quelques situations néfastes pour sa vue. Mais Livia est une adolescente, belle, qui ne veut pas être différente, bien décidée à continuer de vivre sa vie, de profiter de ses amis, vivre ses premiers amours. La maladie va évoluer plus rapidement que prévu et rapidement, il va falloir qu’elle s’habitue « Au monde qui disparaît... au monde qui s’en va. ». Le chemin sera douloureux mais elle devra se préparer à un autre monde, il faudra qu'elle le réinvente tout en endossant une autre identité, une autre «vision» mais toujours avec le même caractère volontaire. Un émouvant récit des tourments et du combat d’une jeune fille contre la maladie (et parfois contre elle-même) et pour accepter d’habiter un autre monde.
Premier roman
Fiche #3237
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Romane Lafore
Kenneth et ses fils, Roy et Ness, ont quitté leur Ecosse et Isla leur femme, leur mère, disparue. Kenneth espère tout oublier, nier son existence passée (mais « On ne dissimule pas au fond de soi une vie entière, un pays entier. »), Roy et Ness ont encore leur mère et l’Ecosse en eux et tous les deux sont marqués différemment par leur enfance. Isla a rejoint les fantômes, leurs fantômes et en Ecosse, les fantômes ne font pas peur, bien au contraire, on les raconte, on les partage. Mais si on croît aux fantômes et aux légendes, peut-on accepter définitivement la mort (« Dans mon monde, les gens ne mouraient pas. ») ? Les trois se sont installés à Genève, près du lac, près de la montagne. Ness reste solitaire alors que Roy, le frère aîné musicien, a une compagne et Emily une petite fille débordant de vie et d’envie. Mais le drame frappe à nouveau la famille. Emily morte, un deuxième fantôme les accompagne et deux fantômes, c’est peut-être de trop pour conserver toute sa raison... Les deux frères vont aller chercher leur vérité dans le bothy familial isolé dans la montagne et la neige, un bothy suisse mais accompagné du même type de légende que les Ecossais (cabane aménagée ouverte à tous en pleine nature). Le récit alterne la vision, la version des évènements, les sentiments intimes... de Roy et de Ness ; il nous plonge au plus près du drame, des fantômes, de la douleur, d’une puissante relation fraternelle et nous entoure d’une atmosphère ouatée et étouffante.
« Je me suis dit que ce sont les mots qui font vivre, et les mots qui font mourir. »
« Mais la douleur ne serpente pas d’un être à l’autre. Elle s’étend. Elle se dilate. Elle saisit ceux qui l’accueillent, mais n’abandonne personne en route. »
« Nos seules vérités sont nos douleurs, Birdie. Si on les tait, on a beau parler, on ne dit rien. »
Fiche #3236
Thème(s) : Littérature française
Joël Egloff, entre grande histoire et histoire personnelle et intime, plus de dix ans après la mort de son père, lui rend hommage ainsi qu’à sa famille. Une famille ancrée en Moselle qui changera donc plusieurs fois de nationalité, dramatiquement. Un jour Allemand, le lendemain Français, ou vice-versa. La langue change, les noms des rues et des magasins aussi... violence... surveillance... Seule ligne de vie pour la région, le dialecte le platt qui les unit envers et contre le français et l’allemand. Joël Egloff reconstitue son histoire, leur histoire, à partir de quelques lettres, de quelques confessions paternelles (il regrette de ne pas l’avoir assez questionné, ... c'est peut-être la période dont tu as le moins parlé...), l’enrôlement contraint, sous peine de déportation de la famille, dans la Waffen SS, les premiers combats en tant que Malgré-Nous (ils seront 134 000), la bataille des Ardennes, le retour à la fin de la guerre dans le silence et l’ignorance, des combattants à part, inclassables. Un récit essentiel qui complète brillamment la BD de Philippe Collin avec un autre angle de vue, une lettre d’amour d’un fils à son père et une nouvelle triste démonstration de l’absurdité de la guerre.
Ecouter la lecture de la première page de "Ces féroces soldats"Fiche #3235
Thème(s) : Littérature française
La fillette meurt, ça finit comme ça et... ça commence comme ça. On pense à « Aujourd’hui maman est morte » dans L’étranger complété par la citation de La Chute de Camus, en exergue : «C’est à qui nettoiera l’autre». C’est Estela, l’employée de maison, qui raconte.
Embauchée lorsque la patronne est enceinte, elle vit pendant sept ans au domicile de ses patrons, jusqu’à la mort de la fillette. Elle envoie son salaire à sa mère. Une mère omniprésente dans les pensées d’Estela, sa référence. Estela a pour seule compagnie ses souvenirs d’enfance et parfois, celle de la chienne Yany. La maison est un huis clos étouffant. Aux informations, on n’entend que des mauvaises nouvelles. Les parents sont absents ou occupés, exigeants. Julia, dès sa naissance, est étrange : à ses 3 ans, elle a l’air d’en avoir 80. Taciturne et solitaire, parfois cruelle, elle ne mange rien de consistant.
Les petits événements du quotidien, les comportements de l’enfant et des parents, les odeurs, l’atmosphère, nous écœurent, jusqu’au malaise.
Dans le monologue perturbant d’Estela, tout se mélange et se confond. D’ailleurs, à qui demande-t-elle «Notez-le» ou «Rayez ça, s’il vous plaît» ? À qui parle-t-elle au juste ? Le doute s’insinue : que penser des ongles rongés au sang, des blessures, des brûlures, des «accidents domestiques», du figuier mort ? La mère d’Estela dit que la mort doit frapper trois fois...
Christine J.
«C’est une blague, pas d’inquiétude. Une de ces blagues qui servent à dire la vérité.»
«J’ai toujours su que c’était une mauvaise idée, il n’y avait aucune raison que cette histoire finisse bien.»
Fiche #3234
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Anne Plantagenet
Zeno vient de franchir la porte de la prison de Nisida et pour longtemps ! Une prison pour mineurs, sur une île, loin des rues de Naples. Zeno a été condamné au maximum pour homicide. Mais Zeno ne regrette rien, c’était lui ou Michele, donc valait mieux que ce soit Michele ! Zeno est devenu le petit caïd de la prison. Il suit les cours proposés d’abord pour gagner quelques sous qui améliorent le quotidien et surtout parce que la prof, s’il écrit son histoire, a promis d’intervenir pour qu’il ait une permission, Zeno n’attend que ça ! Revoir sa mère, son quartier... Alors il se lâche, se confie sans retenue, avec ses mots, son langage, ses images, sa naïveté, sa violence, sa lucidité (« Moi, j’suis très méchant. Mais pas à l’intérieur... Moi j’suis né très normal. J’suis né juste un peu erroné. Mais malheureusement, mon cœur est correct. »), un long flux rythmé qui nous fait rire ou pleurer d’un gamin sans enfance au destin hélas tout tracé : « Ou en tous cas, j’voulais naître un poil plus chanceux qu’ça. Sinon pas naître du tout. Mais surtout, moi j’voulais naître gamin. Alors qu’à moi on m’a fait grand direct. » Eu égard au style calqué sur la parole de ce gamin, il faut noter le gros travail de traduction et la postface de l’autrice singulière et percutante bien loin des longs remerciements habituels.
Premier roman
Fiche #3232
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Audrey Richaud
Frieda est aujourd’hui âgée. Elle a vécu toute sa vie avec Louis. Ils ont eu un fils, Tobias. Et brutalement, Louis vient de mourir. Il est tombé dans le jardin et ne s’est pas relevé. Frieda est perdue, Tobias prend tout en charge et elle se retrouve dans une chambre dans un établissement spécialisé. Plutôt que les moments de vie avec Louis, c’est son premier amour dans les années 60 qui lui revient en mémoire. La toute première rencontre avec Otto, le coup de foudre. Le texte alterne entre le récit de son quotidien dans cette triste chambre interrompu par les visites et les chamailleries avec Tobias et le récit de son passé avec Otto, homme marié, passionné de papillons de nuit. Leur idylle va totalement être bouleversée par une grossesse inattendue : un couple illégitime avec un enfant dans des Pays-Bas encore très religieux reste inconcevable. La douleur enfouie depuis plus de cinquante ans resurgit au crépuscule de sa vie, Frieda aura le courage de l’affronter pour enfin refermer la page d’un amour total, d’une grossesse et d’une naissance qu’on lui a enlevées. Un texte d’une sensibilité aiguë, superbe et poignant portrait d’une femme d'un passé pas si lointain.
Ecouter la lecture de la première page de "Au crépuscule"Fiche #3233
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Guillaume Deneufbourg
Ils ont un an d’écart et ne se quittent pas à Thetford Mines, ville de l’industrie québécoise de l’amiante dans les années 80. Steve, neuf ans, et le petit Poulin, dans un environnement évidemment impacté par les mines, jouent, partent à l’aventure, courent sur les terrils, construisent des cabanes, partagent leurs BD et magazines. Ensemble, ils ont créé un cocon de bonheur dans l’insouciance qu’ils ne retrouvent pas à la maison, tout du moins Steve qui a une mère malade en retrait et un père mineur dur, sans bienveillance, tendresse ni amour : « Mon père ne me détestait pas : il ne m’aimait pas spécialement. Je pouvais le comprendre – ainsi que ceci : moi, je le détestais. Moi j’en avais peur. ». Une relation qui va peser davantage après le drame : un jeu qui tourne mal et Steve reste seul avec sa culpabilité, perdu sans son ilot de bonheur disparu. Il déborde de douleur, de mélancolie et de colère et aura constamment du mal à mobiliser son « bon feu ». Deux enfants qui se créent un paradis mais espace fragilisé par des vies familiales impactées par un monde déjà percuté par moult catastrophes. Un premier roman avec un style très maîtrisé tant dans les descriptions des sentiments et des émotions, des relations humaines que de la nature.
Premier roman
Fiche #3230
Thème(s) : Littérature étrangère
Un récit qui s’étend depuis le XVII ème, portraits de femmes qui disent non, non au patriarcat, non aux croyances, non aux coutumes. Des femmes libres, des femmes qui n'auront de cesse de convaincre que le savoir et la réflexion ne sont pas l’exclusivité de la gent masculine. Au centre du récit, un philosophe, Descartes, qui a traversé les siècles mais dont quelques idées-forces ont aujourd’hui pris la poussière. Christine de Suède règne, domine à sa façon, gère sa vie à sa guise et libre en amours, refuse d’enfanter. Hélène Jans, herboriste passionnée persiste dans l’étude des plantes et de leurs pouvoirs, endosse dangereusement la réputation de sorcière, se place à l’opposé de la pensée de Descartes, « ... rendre maître et possesseur de la nature... ». Descartes se rangera du côté de la religion, Hélène s’en affranchira. Inès Andrade, étudiante espagnole, est certaine de tenir un sujet philosophique dans la relation entre Hélène et Descartes grâce des documents rapportés par la fille d’Hélène. La place des femmes accordée par les hommes accompagne évidemment les trois portraits. Le récit érudit alterne avec justesse le combat de ces femmes pour se découvrir et devenir elles-mêmes et le revendiquer et des informations sur les plantes, leur histoire, et leurs pouvoirs souvent niés. Evidemment, gagner un espace de liberté et d’indépendance a parfois un prix.
« Elles mangèrent des pommes de terre et burent de la bière, elles pleurèrent comme des madeleines, rirent de bon cœur, se débarrassèrent de leurs peines, tissèrent des idées. En deux mots : elles philosophèrent. »
« La vieillesse est la fin des illusions. »
Fiche #3231
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Marielle Leroy
En 2019, la jeune Toya Gardner quitte Atlanta pour revenir à la source (« Ici, se frayer un chemin dans la vie avait toujours été une question de savoir qui était qui. Savoir de qui descendait et d’où venait quelqu’un vous disait tout ce que vous aviez besoin de connaître. »), une petite ville des montagnes de Caroline du Nord : « Elle était venue dans les montagnes pour retrouver ses racines, savoir d’où elle venait et de qui elle descendait. ». enfant, elle voulait être artiste et déterminée, elle continue son chemin. Son retour la replonge dans l’histoire esclavagiste de la région et des symboles qui subsistent. Elle se lance dans des performances artistiques provoquant débats, questionnements et bien plus chez certains... Dans le même temps, Ernie, un policier du comté, appelé pour un état d’ébriété sur la voie publique, contrôle un voyageur armé (évidemment) mais aussi en possession d’un carnet avec une liste de coordonnées de notables de la région et de vêtements caractéristiques du KKK. Le KKK s’infiltre partout, même ici, tire les ficelles en sous main : « Nous avons troqué nos tuniques contre des costumes d’hommes d’affaires. » A peine une nuit en prison, le mystérieux et inquiétant voyageur est relâché et le carnet disparu. Ernie subit des pressions de sa hiérarchie mais l’homme est entêté et intègre... Les actions de Toya (« ... c’est qu’elle était belle. Et quand je dis ça, je l’entends au sens le plus profond du mot. Il y a très peu de personnes qui naissent avec un tel esprit. ») entraînent tensions et manifestations, « Elle sut que ce monde ne pouvait durer. », idéalisme de la jeunesse... Le récit croisent deux enquêtes qui révèlent les sentiments les plus personnels et intimes derrière les apparences face à la ségrégation d’hier et au racisme ordinaire, rampant ou exacerbé d’aujourd’hui. Profond, percutant, terriblement efficace et noir !
« ... les gosses s’associent à tout un tas de choses qu’ils comprennent pas totalement juste parce qu’ils trouvent ça a l’air cool, que ça fait gros dur, ou je sais pas quoi. »
« L’histoire d’un lieu quel qu’il soit était celle d’un remplacement... »
Fiche #3227
Thème(s) : Littérature étrangère Polar/Thriller/Noir
Traduction : Jean-Yves Cotté
Roman inspiré d’une histoire vraie, après un an de dialogue, Mathieu Palain dresse le portrait de Jessy, une femme à bout, qui n’y arrive plus. Aucune confiance, aucune estime de soi, prof de maths, son fils Marco lui échappe : il sèche les cours du collège, fume et fume encore du shit. Aucun dialogue, aucune écoute, pas de partage. Un soir, il l’appelle depuis une soirée et lui demande de venir le chercher. Jessy comprend qu’il est passé dans le camp des hommes qu’elle connaît bien, violents, violeurs, méprisants. Alors ils partent en voiture et enfin parlent. Elle se confie : « A 18 ans, j’ai eu mon bac, mes parents ont divorcé, j’ai été violée, j’ai intégré Louis-le-Grand. Dans cet ordre. ». La débandade commencera là, « ... j’étais devenue une autre personne, je ne me ressemblais pas. ». Les expériences traumatisantes, dégradantes s’enchaînent. Elle oublie son corps, elle collectionne sans envie, subit les hommes, devient escort. « Les histoires de famille, ça ne prend pas l’air à force d’être tues, et ça moisit. » et elles se transmettent d’une génération à l’autre.
Deux souffrances, deux handicapés des sentiments qui à défaut pour l’instant de se comprendre font un premier pas vers le dialogue.
« ... une classe c’est la société à petite échelle : il y a les populaires, les différents, et le ventre mou, les sans colonne vertébrale, pas de principes, pas de convictions, ça flotte dans le sens du vent. »
Fiche #3228
Thème(s) : Littérature française
Roberta RECCHIA
La vie qui reste
Istya & cie
27 | 398 pages | 11-08-2024 | 22€
en stockIl y aura la vie d’avant et la vie d’après.
Dans la vie d’avant, après des débuts difficiles, Marisa, Stelvio et leurs enfants sont heureux. La famille Ansaldo s’installe à Torre Domizia : ce bord de mer cossu près de Rome convient mieux à l’asthme de Betta qui, à 16 ans, est déjà une femme, extravertie, bruyante, effrontée.
La vie d’après commence après une nuit d’été tragique. Avant le drame, Marisa, la mère, a su survivre au déshonneur, à la dure réprobation de sa mère pour se marier sans entacher la réputation de sa famille. Enfin heureuse et apaisée l’âge venant, la mort brutale de Betta la plonge dans la sidération. Celle qu’on appelait Boucle d’Or s’était aventurée avec sa cousine Miriam dans une promenade nocturne. Miriam, plus timide, avait finalement accepté de partager avec Betta les plaisirs interdits des feux de joie qui réunissent les jeunes sur la plage, la nuit. En chemin, les deux jeunes filles sont violemment agressées. Betta ne reviendra pas. Miriam tait l’horreur de ce qui leur est arrivé, rentre seule, et tente d’enfouir le souvenir de la douleur et de la honte. Personne ne sait rien, sauf sa grand-mère, peut-être ? Personne ne se préoccupe d’elle. L’enquête est bâclée. Oublier arrange tout le monde.
Miriam brisée, s’enfonce dans l’addiction et l’anorexie. Elle subit la peur, le poids de la culpabilité des survivantes. Mais elle va rencontrer Leo, dealer au grand cœur puis sa sœur aînée Corallina (autrefois Pietro) qui a vécu humiliations et violences, comme Miriam. Deux êtres fragiles, en marge de la société mais toujours bienveillants.
Leo perd ce qui lui reste de candeur en enquêtant sur ce qui a amené au drame. Jusqu’où ira-t-il pour venger Betta et surtout Miriam ?
Avec ce premier roman qu’on lit d’une traite, entre polar noir, saga à l’italienne et roman psychologique, le lecteur s’attache aux personnages. Marisa, Miriam, Corallina, Stelvio et Leo dont on suit le parcours de vie, difficile mais plein d’espoir et de résilience au fil des années nous accompagneront longtemps après que le livre soit fermé. Sauront-ils trouver le chemin de l’oubli, du pardon, de la résilience ?
Christine J.
Premier roman
Fiche #3229
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Elsa Damien
Astrid est au fond du gouffre. Elle a tout perdu, ses trois amours disparus (le récit nous fera découvrir très progressivement leur histoire), elle reste inerte, sans envie, sans vie. Alors elle part. Elle achète une maison au fond d’une vallée du Mercantour. Elle s’y installe avec quelques cartons renfermant son passé et redécouvre la poésie comme bouée de sauvetage. Elle est seule mais Jibril, Tom, Kamal continuent d’être en elle, de vivre en elle, « myriade de souvenirs, flashs, intonations... » émaillent le récit au gré de ses rencontres, de son quotidien. Loin de cette vallée, la jeune Soraya quitte tout en empruntant le chemin de l’exil avec sa tante Ibtissam. Elle abandonne son pays, la Syrie, les bombes ont eu raison de sa vie, de son quartier, de ses proches. Rapidement, la famille est séparée et elle se retrouve seule avec sa tante. Le chemin est long, ardu et surtout dangereux et la vie qui naît dans son corps et qu’elle abhorre le démontre. Elle atteindra finalement seule, dans le froid et la neige, la France. Astrid sauvera Sorya et l’accueillera, pour ces deux femmes, « ... la vie normale a foutu le camp. », a disparu. Sorya reste dans la peur et découvre que les portes de la France ne s’ouvrent pas autant que dans ses rêves. Les deux sœurs de souffrance vont apprendre à se connaître, à s’apprivoiser, à partager et exprimer leurs douleurs, à rompre leur isolement. « Combien de gens ont traversé l’Europe à pied, sans bagage ni argent ? A part les exilés comme elle, les chassés de Syrie, du Mali ou d’Afghanistan ? Pourquoi ceux qui accordent les papiers ne mesurent-ils pas le courage nécessaire ? » A l’heure où la commémoration est devenue un sport national, il est peut-être temps d’accorder les actes aux paroles, de reconnaître les Justes d’aujourd’hui, et donc de soutenir sans retenue les personnes comme Astrid et Cédric Herrou plutôt que de les traîner devant les tribunaux, d’accueillir avec humanité les personnes comme Soraya plutôt que de continuer de les traquer. Ces deux femmes exceptionnelles et rattrapées difficilement par quelques instants fugaces de vie et ce récit poignant débordant d’émotion et d’humanité nous le rappellent douloureusement.
« Où Astrid a-t-elle lu que la colère n’est pas une émotion ? Plutôt un paravent, une illusion derrière laquelle se cache une autre émotion, réelle celle-là – peur, tristesse. »
« Soraya préfère le hasard. Il est capricieux mais innocent, une créature puissante dansant sous le clair de lune. »
Fiche #3225
Thème(s) : Littérature française
Paul était monté à Paris pour devenir un vrai et grand écrivain. Il n’est qu’écrivain. Machin, son éditeur, l’emploie pour lire et corriger ses ouvrages pratiques. Alors Paul, la cinquantaine, décide d’entreprendre le voyage à Arles, sa ville d’origine, pour enfin écrire son premier roman. Il y retrouve les traces de sa jeunesse, les quartiers, les bistrots et les personnages bigarrés qui les habitent mais pas l’inspiration. Dans le même temps, Machin, secondé par la fidèle et dévouée Séverine, supporte mal la faillite annoncée de sa maison, donc n’est pas d’une grande aide pour Paul malgré le contrat signé. Une double identification éditeur-auteur trouble la relation, qui est qui ? Ils semblent même parfois ne faire qu’un. Paul trouve son personnage grâce à sa rencontre avec une poétesse de renom mais peine à le faire progresser. Ce trio troublant vit donc des moments cruciaux : Paul voudrait réaliser son rêve de jeunesse, Machin doit assumer sa faillite et le départ de Paul, Séverine voit sa relation avec Machin s’orienter différemment. Un texte et des personnages qui jouent habilement avec le lecteur tout en proposant une réflexion sur l’écriture romanesque.
Premier roman
« Car à quoi sert un roman, si ce n’est recommencer la vie que l’on a ratée et rendre ainsi cette dernière un peu supportable ? »
« Aimer son personnage quand il se met à exister devant vous, c’est un grand bonheur et un peu d’inquiétude. On l’a fait à son image, on pense en connaître tous les détours mais il s’agite et prétend le contraire. Quelque chose, imprévu, dépasse son maître et lui dicte la suite. »
« Un personnage peut-il prendre en charge son créateur ? »
Fiche #3226
Thème(s) : Littérature française
Olivier NOREK
Les guerriers de l'hiver
Michel Lafon
24 | 448 pages | 08-08-2024 | 21.95€
en stock« Imaginez un pays minuscule. Imaginez-en un autre, gigantesque. Imaginez qu’ils s’affrontent. ». Aujourd’hui, ce pourrait être l’Ukraine et la Russie mais nous sommes en 1939, et il s’agit de la Finlande et de la Russie. Hier, comme aujourd’hui, c’est l’horreur. La Finlande n’est pas aussi armée, la Finlande dispose de moins d’hommes, Staline et les Russes (« Quand Staline dit de danser, l’homme avisé danse. ») pensent que tout va être réglé très vite, et ils se trompent. Ils mobilisent des jeunes de toute la Russie qui se retrouvent, prêts à mourir, sur le front sans comprendre la réalité, les morts sont tus, le mensonge omniprésent. Face à eux, les Finlandais se regroupent, font corps. Parmi eux, un groupe de jeunes dont Simo, tireur d’élite hors pair surnommé la mort blanche, qui deviendra une légende. Les évènements cruels et la guerre le transformeront : « Il ne s’agissait plus de savoir faire la différence entre pouvoir et devoir tuer. Il voulait tuer. ». L’hiver est terrible, les pertes en hommes sont colossales, même la forêt et les arbres que les Finlandais vénèrent paient un lourd tribu. Les Finlandais appellent en vain à l’aide mais restent seuls face à l’ogre russe. « Cédons un peu pour ne pas tout perdre. », hier, et aujourd’hui ? Une question hélas cruellement d’actualité ! Un roman (très documenté) qui dresse un pont évident et percutant entre hier et aujourd’hui, il parait qu’on apprend de l’histoire...
Ecouter la lecture de la première page de "Les guerriers de l'hiver"Fiche #3224
Thème(s) : Littérature française
C’est l’histoire d’un mec de 42 ans qui monte dans sa 207 blanche avec l’essentiel, ses papiers, ses clés, et ses clopes. Il invite le lecteur à s’asseoir à ses côtés et à l’écouter, il saura tout. Il reprend tout depuis le début, de son enfance à ses 40 ans, pour expliquer ce qui l’a amené vers ce voyage. Le récit est rythmé, le propos direct, le langage très oral. Mickaël nous parle de sa mère, de ses potes (notamment du foot), de ses soirées, de ses nuits, et puis de Clara, son amour, et enfin de l’arrivée de son fils qui dérègle son couple. Il se sent éloigné de ce fils, se questionne, jusqu’au jour où il le découvre sur la plage avec un Hollandais. Tremblement de terre (« ... j’aurais préféré avoir un nazi chez moi qu’un gros gay. »), catastrophe ! Clara ne sourit plus, l’atmosphère se tend, Mickaël attend les dix-huit ans de son fils pour le virer. En réalité, c’est lui qui se fait jeter ! Quand il réussit enfin à se confier à un de ses amis, il lui conseille ce voyage, de ne pas se retourner et de faire le premier pas : « Je sais pas toujours très bien pourquoi on en a fait mais ça c’est sûr, c’est pas pour se prolonger soi-même, c’est pas non plus pour les haïr. Ils peuvent aimer Cendrillon ou Mowgli finalement on s’en bat les couilles c’est leur délire, c’est pas au gamin de s’adapter au daron c’est l’inverse. ». Avec une liberté de ton, un langage jeune et un flux soutenu, Michel Bezbakh nous offre pour son premier roman le portrait d’un jeune avec une vie bien ancrée dans notre temps et un chemin tortueux vers la paternité.
Premier roman
« La solitude à la limite c’est pas tellement ça le problème, le problème c’est d’y tomber. »
Fiche #3223
Thème(s) : Littérature française
Jérémy à cause d’un cordon récalcitrant est né différent avec « un cerveau cerf-volant », il a aujourd’hui dix-sept ans, en a marre qu’on « lui parle comme à un bébé », mais son handicap mental n’a guère évolué. Or ses parents, sa soeur, Mélanie son AMP préférée, les médecins n’auront peut-être la chance qui vous est offerte : accéder aux pensées de Jérémy. Car comme il ne peut s’exprimer (à part quelques grognements et crachats, « Un Playmobil qui grogne comme un animal. »), personne ne sait ce qu’il comprend et le bougre, il comprend, il a même l’œil affûté (en période de COVID, Jérémy –et le lecteur– se demande qui sont les vrais handicapés !), une sensibilité à fleur de peau, et il rage intérieurement que ses proches ne le comprennent pas. Sa parole intérieure est différente, imagée, poétique, décalée, le flux est permanent, un bavard le Jérémy, et aucun sentiment ne lui est étranger. Nous partageons ses colères, ses joies, ses envies, c’est direct, sans fioritures, parfois naïf. Son état impacte naturellement la vie familiale mais les parents n'abdiquent pas, entre espoir et désespoir, et malgré quelques propositions du corps médical que Jérémy juge malhonnêtes jamais n’envisagent un placement. Le jour où Jérémy s’apercevra que sa sœur trafique et rencontre discrètement un homme casqué qui lui donne des enveloppes mystérieuses, il va bien falloir qu’il trouve un moyen de prévenir ses parents ! Original, touchant et drôle.
Ecouter la lecture de la première page de "J'ai pas les mots"Fiche #3222
Thème(s) : Littérature française
Youssef vit et enseigne en France depuis plus de vingt ans. Il rentre au Maroc, à Salé, sa ville d’origine, pour vendre un appartement qu’il a conservé de l’héritage de sa mère, depuis dix ans déjà. La famille était nombreuse, six filles, trois garçons, une mère comme chef de clan. Youssef déambule dans Salé, croise des visages connus ou non et surtout les souvenirs remontent. Enfant, malgré la pauvreté, il a partagé de beaux moments avec ses sœurs, mais il s’apercevra adulte, quand elles le connaîtront, sauront qui il est, que ce n’était qu’illusion, sa différence n’était et n’est toujours pas acceptée. Son amant de jeunesse, Najib, l’a profondément marqué. Najib l’avait quitté pour rejoindre un militaire loin de Salé. Un militaire qui l’avait protégé à tous points de vue et notamment dans ses trafics. A sa mort, Najib reviendra à Salé, riche donc aimé de tous... Youssef dresse un portrait cru et direct de la société marocaine, violence, religion et hypocrisie omniprésentes. « Ici, les enfants appartiennent à tout le monde. », et ainsi, tout est permis, surtout le pire, avec ses enfants. Pour Youssef, le pardon, à ce jour, reste impossible.
« Allah est leur propriété, leur logo, le hashtag qui les rassemble et les protège. Allah est le chemin sur lequel ils peuvent continuer de nous tuer chaque jour et chaque nuit impunément. Ils ont kidnappé Allah. Ils le tiennent en otage. Quand il leur arrive de nous croiser, toi et moi, ils invoquent ce même Allah pour nous condamner, nous exiler, nous exploiter, nous violer. Même morts, nous violer. »
Fiche #3220
Thème(s) : Littérature étrangère
2022, Paris, Thomas peine à parler avec sa mère Dorothée de son pays d’origine : « Mon passé est un abyme dont j’ignore le point d’ancrage. ». Dorothée a effacé son pays d’origine alors Thomas cherche, « J’avais mon histoire à éclaircir autant qu’à inventer, vaste entreprise où l’art, plus que jamais, prenait tout son sens. ». Thomas sent qu’il va devoir partir, retourner en Pologne, vers ses origines. Remontée dans le temps, jusqu’en 1926. Immersion dans l’histoire agitée et souvent tragique de la Pologne, découverte d’une lignée (de femmes) entre Pologne et France, impactée par des choix douloureux, par l’exil, le tiraillement entre deux pays, deux langues, par les guerres, par les invasions, par l’histoire de la Pologne. Face à ces tragédies et ces destins entravés, l’art reste un espoir, un rêve, une béquille, « Il faut vivre, mes enfants. Vivre et créer. ». La quête de Thomas nous offre une plongée passionnante dans l’histoire du Pays blanc et de sa diaspora, un pays souvent éprouvé, parfois impitoyable mais toujours inquiet.
« La peinture, comme la poésie, doit ravir et ravager avant tout. »
« Tout le monde a son propre génie, tout le monde est important. »
Fiche #3221
Thème(s) : Littérature française
Belles retrouvailles avec la Brigade Criminelle de Versailles et la fine équipe du commandant Cérisol : Grospierres, aussi affûté pour le taekwondo que pour les enquêtes, Nicodemo, vieux portugais ronchon et ami protecteur de Cérisol. L’équipe s’est enrichie d’une femme au nom imprononçable notamment pour Cérisol, Krzyzaniak, une femme au caractère bien trempé qui va trouver sa place dans l'équipe. Cérisol est toujours aussi amoureux de sa femme Sylvia, aveugle, kinésithérapeute et sportive de haut niveau, partie pour une compétition au Japon et qui tarde à donner des nouvelles. Inquiet, Cérisol a en outre deux enquêtes à gérer en parallèle : le corps d’un inconnu a été retrouvé dans une tombe versaillaise et une jeune femme qui semblait heureuse, débordant de projets, semble s’être suicidée sans raison. Deux intrigues rondement menées accompagnées des trajectoires personnelles de l’équipe bien ancrées dans les problématiques de notre société, une équipe attachante, un commandant emblématique débordant d’humanité et des réflexions sociales, sociétales voire politiques qui font tilt.
« Mais la vie s’accroche malgré eux aux humains qu’elle malmène... »
Fiche #3217
Thème(s) : Littérature française Polar/Thriller/Noir
Masao, ce soir là en sortant de l’usine sur l’île de Naoshima, ne s’attendait pas à retrouver sa fille Harumi. Quatorze ans qu’il ne l’avait pas vue. Architecte, elle participe à un projet sur l’île voisine. Alors, naturellement, en parallèle de leurs retrouvailles qui l'enchantent, le passé et les regrets resurgissent : son amour absolu pour Kazue, sa femme, la mère de Harumi, et sa culpabilité de ne pas avoir su la protéger. Sa disparition provoquera des éclairs de folie qui entraîneront l’éloignement avec sa fille. Masao se souviendra de ses années de gardien de phare, puis ses travaux dans les déchets toxiques de l’île de Teshima et en usine. Mais surtout, de sa barque, une barque qu’il a fabriquée de ses propres mains, qu’il a fignolée, qu’il a vendue pour que Harumi prenne son envol et retrouvée des années plus tard, comme Harumi aujourd'hui. La barque est superbe, œuvre d’art ou artisanat ? Masao pense ne pas appartenir à la famille de l’Art, contrairement à Kazue et Harumi, sentiment d’infériorité qui l’anime depuis longtemps. C’est dans sa barque qu’il assistera à la cérémonie officielle du projet de Harumi. Le style de Choplin est en parfaite adéquation avec une certaine vision du Japon et une relation père-fille éprouvée, les sentiments comme les paysages, sont décrits et ressentis par petites touches, tout en retenue, avec délicatesse, tendresse, douceur et pudeur.
Ecouter la lecture de la première page de "La barque de Masao"Fiche #3218
Thème(s) : Littérature française
L’enfance de deux frères, de jumeaux, Jérémie et Noé (le narrateur). Ils ont grandi sans mère, face à un père, dur, silencieux, violent, un homme qui en impose, à ses enfants et aux autres. Ils ont grandi dans une maison isolée, proche de la nature, au cœur d’une foret, avec rivière et arbres comme terrain de jeu. Une liberté surveillée, avec l’audace de Jérémie devant la timidité de Noé. Noé, en retrait, n’est pas le préféré du père, mais se sent protégé par son frère. Le monde les rattrape une première fois : l’école, dix ans s’achèvent avec la découverte de l’extérieur. La fratrie se retrouve confrontée à l’autre, au monde. Puis le territoire de leur enfance est menacé, construire plutôt que conserver. Jérémie mourra en voulant le protéger. Après le procès, avant de retrouver son père, Noé se confie, nous raconte leur histoire, son histoire, ses regrets, le manque d’amour de son père (« ... mon père... l’autre nom de ma colère...), la part de lui qu’il a perdu avec la mort de Jérémie, son manque de confiance. Il aurait voulu être danseur, mais ne peut affronter le regard des autres. Disparition de son double, absence d’amour paternel, colère, comment Noé pourra-t-il continuer de forger son identité et continuer son chemin d’adulte ?
Ecouter la lecture de la première page de "Cette vieille chanson qui brûle"Fiche #3219
Thème(s) : Littérature française
Un roman qui débute avec un prologue intitulé Patrick Dewaere, « Vous êtes, nous sommes, Patrick Dewaere. », puis qui référence plusieurs fois Jim Thompson ne peut que susciter curiosité et envie : totalement satisfaites après lecture (d’une traite, on ne le lâche pas !) de ce court roman noir. Un looser qui rate tout ce qu’il entreprend, mais entreprend-il vraiment quelque chose ? Pas d’enfance, et la ligne est tracée ! Il vient d’être arrêté pour meurtre, un juge en fin de parcours s’apprête à le recevoir et nous fait partager la lecture du journal de N. entre Lille et Paris. Il faut dire que N. s’est pensé écrivain maudit (« faire semblant de ne pas être une épave ordinaire »), des nouvelles, presqu’un roman et surtout un journal où il se confie franchement. Une vie en solitaire même si les rencontres sont nombreuses (notamment sexuelles), de soirée en soirée, de comptoir en comptoir, sans jamais le sou et sans travail. Et puis, il croise Irène : une prof de musique, riche, cultivée, seule, plus âgée, qui lui ouvre ses portes et son corps. Sauvé ? On n’échappe pas à son destin chez Jim Thompson ni chez Nagui Zinet.
Premier roman
« Vous êtes, nous sommes, des putains sans trottoir. ».
« Un jour, on vous a humilié, et ce jour est sans fin. ».
« Tu te demandes si l’amour n’est pas une invention humaine pour ne pas dîner en solitaire. ».
Fiche #3212
Thème(s) : Littérature française
Un paisible petit village montagnard, un lieu retiré, isolé où « Des humains se racontent des histoires » bien loin de l’agitation et la folie du Monde. Un col interdit, le col de la Passe, pour descendre vers le Monde, une Montagne Lumineuse, un Alpage maudit où disparaissent bêtes et humains, une brume omniprésente, une forêt qui bruisse, des ombres et des histoires, des légendes et des croyances : beaucoup vivent « comme emmurés en elles, sans jamais chercher à les comprendre. » Et les légendes découlent souvent de l’histoire passée. En ce lieu, vivaient les siffleurs, bergers capables de communiquer de vallée en vallée, disparus, ils hanteraient aujourd’hui l’Alpage. Est-ce lié à cette disparition, mais les enfants naissent souvent sans la parole : « Mais rien ne s’oublie et rien ne se nie ! Rien ne s’enterre et rien ne se perd ! Si on ne soigne pas les plaies, elles gonflent en silence, si on retient les larmes, elles finissent par former un puits, si on étouffe les cris, ils ressortent sous la forme de flammes de dragon ! Si on ne reconnaît pas les morts, ils reviennent hurler dans les rêves ! enfin, si on empêche une langue de se dire, on coupe la parole à nos enfants ! » La jeune Gayané (muette) après un rêve décide de partir vers cet Alpage, à la rencontre de son histoire, sur les traces de leur histoire commune. Elle sera accompagnée par Hélias son ami, par Maniolos le doyen des bergers, par La Mule une brigande accompagnée de son âne. Maniolos, « passeur de mémoires », sera le guide de cet équipage, assurera la transmission, de son passé et d’un secret qui expliqueront les causes de son mutisme à Gayané et transfigurera la vie du village. Une prose poétique pour un conte puissant et exceptionnel sur fond de secret, de silence et de vengeance, une douce plongée dans un monde merveilleux.
« Mais le monde ne tient pas en carte. »
Fiche #3213
Thème(s) : Littérature française
Grand-mère et grand-père habitent une maison bourgeoise. Ils ont les moyens, ils les ont toujours eus. Ils ont toujours privilégié leurs envies, leur plaisir à la famille, une descendance beaucoup moins aisée. Mais aujourd’hui, Grand-mère et grand-père divaguent... Et même s’ils n’ont jamais demandé de l’aide, même si un gouffre les sépare du reste de la famille, Petit-fils est envoyé en éclaireur. Petit-fils va parcourir pièce après pièce la maison, se remémorer quelques souvenirs et découvrir l’état de ses grands-parents, l’évolution de cet état et mais aussi leur caractère inchangé : Grand-père semble déjà parti ailleurs alors que Grand-mère limite paranoïaque reste très active ! Une construction et un style très personnels pour le portrait percutant d’une famille fracturée par les inégalités sociales que même la démence ne pourra réconcilier.
Ecouter la lecture de la première page de "Les mains pleines"Fiche #3214
Thème(s) : Littérature française
Londres, 1938. Déjà l’exil pour certains. Zweig, Dali et Freud se retrouvent accompagnés de Gala, l’épouse de Dali, et de son agent. Anna la fille de Freud les accueille. Ces personnages illustres dialoguent sur les derniers évènements avec Hitler en arrière plan, de Vienne, de leurs départs. Chacun arrive avec son caractère, son passé, Dali pérorant parfois, souhaitant avant tout présenter une toile particulière à Freud. Réflexions profondes, et même parfois loufoques, Clémence Boulouque rend parfaitement plausible ces dialogues, certains restant cruellement d’actualité.
« L’humour allemand, c’est comme l’humour juif mais sans l’humour. »
« ... c’est en ayant conscience de notre bave que nous pouvons glisser dans le monde sans trop nous faire mal. »
Fiche #3215
Thème(s) : Littérature française
Un roman qui relate une séquestration singulière. Une nuit de neige, une vieille femme écrivaine retient un pianiste, spécialiste de Bach, d’habitude toujours en errance. Deux solitudes un instant réunies. Elle vit une double attirance, pour ce pianiste, ce qu’il est, ce qu’il représente, sa musique, mais aussi pour un renard, quasiment pour les mêmes raisons, pour ce qu’il est, sa beauté, sa sauvagerie, sa liberté, sa solitude, toujours en mouvement. Des solitudes en quête de vie, en quête de beauté dans un monde où elle continue de disparaître. Un superbe texte aux thèmes multiples : odes à la nature, à la forêt, à la musique, questionnements sur la vieillesse, la solitude et l’exil, l’ordre du monde avec la beauté pour nous sauver. On ressent clairement la passion de l’auteure pour les mots, pour tous les sons, sons des mots, sons de la nature, sons de la musique. Doux, beau, attirant, étonnant et poétique.
« Si on ne se soumet à rien ni à personne, il reste l’expérience vécue. Personnelle. Il reste la singularité d’un individu semblable à nul autre dans sa solitude effrayante et exquise. Il reste la solitude. »
Fiche #3216
Thème(s) : Littérature française
Emma Fulconis est originaire de l’Escarène dans l’arrière-pays niçois. Dès qu’elle le put (« Toujours, on l’a connue qui courait. »), elle se mit à courir, un véritable petit cabri, aérien, fou, libre : « Elle va comme le vent, elle file comme une flèche, c’est ça, elle est une flèche. Athlète. Zèbre. Flèche. ». Véritable athlète (on la surnomme l’athlète), en dehors du monde, au-dessus du monde et le bonheur de courir, loin de toute compétition, aucune envie d’être première : « Elle ne courait pas relativement, mais absolument… elle était ailleurs… elle courait de tout son cœur. ». Jusqu’au jour de bascule : elle s’arrête chez son ami Stéphane, et dès la porte franchie, un molosse se jette sur elle, lui lacère la jambe, déchire les chairs, atteint le péroné appelé aussi l’agrafe. Hôpital, douleurs, rééducation… Emma a alors du temps pour penser aux paroles du père de Stéphane : « Mon chien n’aime pas les Arabes. ». Comme le chien blanc de Romain Gary, ni excuse, ni justification, juste une terrible réalité. Alors Emma, volontaire comme toujours, veut comprendre, passer outre les silences, remonter l’histoire, son histoire, l’histoire de la France, et de l’Algérie. Les faits, rien que les faits : l’histoire d’Emma et des siens, des habitants de l’Escarène, l’accueil des Harkis et « l’agrafe » qui n’existera pas entre eux et les autochtones. La blessure d’Emma met à jour celles de la région, en acceptant la sienne, sans la nier, elle fera tout pour qu’elle cicatrise, mais qu’en sera-t-il pour la seconde ? Un texte aérien tout en maîtrise, sans parti pris, juste une réalité à hauteur d’homme.
« Les chansons déhanchent les mots, les font boiter, divaguer. »
Fiche #3210
Thème(s) : Littérature française
Une balade familiale en forêt : la petite Rose (un an) et ses parents, Camille et Thomas. Thomas porte Rose, ils sont devant Camille, semblent ne faire qu’un (« Ils se ressemblaient, cet homme et ce bébé. »), elle les regarde, se ressent isolée, enfermée et s’imagine disparaître. « Elle était à la traîne, comme toujours. », elle se cache, ils la cherchent, elle résiste. Evaporée. La fuite débute. Sans se retourner, elle part, libre, vers l’aventure, vers le Nord, solitude des grands espaces, dans le froid et le blanc, au pied d’un volcan. Elle s’installe, seule, isolée, ne parle pas d’elle, de son passé, de son histoire. Progressivement, la vie, plus forte, renaît. Des amitiés d’abord, l’amour ensuite. Mais les fantômes du passé laisseront-ils cette nouvelle vie s’élancer ? Un parcours de femme intrigant, femme incertaine de trouver sa place dans une famille, femme libre (quel est le prix de cette liberté ?) écrasée par les rôles à tenir, femme attachée à son métier, femme hippocampe (« … ce sont les pères qui portent les enfants, la mère dépose les œufs dans leur poche et s’en va. ») mais au cœur brisé.
Ecouter la lecture de la première page de "L'éclipse"Fiche #3211
Thème(s) : Littérature française
Justin MORIN
On n'est plus des gens normaux
La Manufacture de Livres
9 | 250 pages | 31-07-2024 | 16.9€
Justin Morin, journaliste, a couvert le procès de P. qui en 2017 a délibérément foncé sur la terrasse d’une pizzéria : des dizaines de blessés et une morte, Angela, 13 ans. Justin Morin devient romancier pour nous rendre compte du procès et surtout nous placer au cœur de la famille, qui, en un instant, est violemment expulsée de la normalité, une seconde et tout change : une famille unie et aimante, une famille percutée, traumatisée, blessée, torturée, amputée, pulvérisée. Comment survivre ? Chacun endosse ses propres blessures physiques et psychologiques mais aussi celles des autres membres de la famille. Pour retracer le parcours de P., Justin Morin imagine sa relation avec sa sœur Lisa consciente de ses dérives mais impuissante à le sauver. Un texte bouleversant pour tenter d’appréhender l’immense peine familiale après l’assassinat de l’un d’eux.
Premier roman
Fiche #3207
Thème(s) : Littérature française
Le Buzuk est composé du journal de Joséphine complété par celui de Jade, sa petite-fille. Joséphine vient de se retrouver veuve et seule avec le teckel de son époux. Cette année, ses petits-enfants ne viennent pas, il lui reste son journal pour s’adresser à Jacques son défunt mari et les balades avec Buzuk en bord de mer (« Oui, j’ai encore cette chance de sentir les caresses du vent, du crachin et du soleil sur ma vieille carcasse. »), un environnement menacé par l’implantation d’un golf. La résistance s’organise, des jeunes débarquent, s’installent, une nouvelle zad est née. Les jeunes bohêmes l’accueillent avec plaisir, elle prend sa part à la résistance et Buzuk devient la mascotte du combat. Son journal relate les évènements, les conflits avec les bien pensants, l’entraide sur la zad, ses actions mais lui permet aussi peut-être de retarder les conséquences déjà visibles de la vieillesse. C’est aussi une histoire de transmission, puisque Jade, de passage de son internat, va être directement impactée par l’engagement de sa grand-mère et décider une première fois peut-être de son destin. Frais, joyeux, imagé et imaginatif, humour et ironie, rythmé et combatif, un vrai bonheur que d’avoir rencontré, Joséphine, Jade et... Monsieur Buzuk !
Premier roman
Fiche #3208
Thème(s) : Littérature française
Un homme, la quarantaine, célibataire, se rend dans la maison de son père qui vient de décéder. Leur relation a toujours été distendue (« Je lui faisais honte et lui en voulais. »). Il retrouve des textes annotés qu'il a écrit à ses débuts : portraits de femmes et d’hommes modestes tous marqués par la solitude, des destins orientés souvent par des évènements dès l’enfance. Les portraits sont séparés par ses propres réflexions sur son environnement, ses souvenirs, son parcours, son rapport avec ce père qu’il va progressivement (re)découvrir. Un texte sensible, délicat et pudique, des portraits réussis de vies en retrait et isolées.
Ecouter la lecture de la première page de "Parmi d'autres solitudes"Fiche #3209
Thème(s) : Littérature française
Notre antihéros du jour n’est pas au mieux de sa forme : liquidation de son entreprise, liquidation de son couple. Josefa vient en effet de lui annoncer son intention de divorcer et il attend le courrier du liquidateur qui mettra un point final à son entreprise d’ambulances. Il continue d’errer dans sa maison, l’âme en peine, quand sa voisine tente une première approche, puis une seconde. Sally insiste, il plie. Sally s’ennuie à la maison, son mari Miko est un gagnant mais la délaisse. L’argent coule à flots et échoue même en espèce dans un coffre-fort caché dans la maison. Sally rêve d’autre chose, d’une nouvelle vie et notre antihéros fait (peut-être) partie de ses plans... Les évènements s’enchaînent et il les subit, presque impuissant. Sally le transformera-t-elle en gagnant ou le looser l’entrainera-t-il dans sa chute ? Après Taormine, Yves Ravey nous entraîne à nouveau en tension dans les pas d’un destin non maîtrisé, que les évènements percutent, dans une impuissance maladive, jusqu’au couperet définitif n’empêchant pas la vie de continuer.
Ecouter la lecture de la première page de "Que du vent"Fiche #3205
Thème(s) : Littérature française
1986, en Ecosse, en plein thatchérisme, ils ont dix-huit ans, filles et fils d’ouvriers, fougueux, ils embrassent la vie à pleines dents. Ils partent fêter la fin du lycée dans un grand festival à Manchester : la Mecque de la New Wave et du Punk Rock. Au cœur de cette bande figure l’amitié : « Les amis qu’on a quand on est jeune peuvent s’avérer être les meilleurs qu’on ait jamais eus. », une amitié forte, indestructible qui les soude, eux que les adultes jugent souvent trop exubérants, mal coiffés, mal habillés, bruyants. La vie familiale est souvent compliquée, intimement et socialement, mais l’entraide est une vraie valeur du groupe. La fin du lycée marque l’éloignement, les chemins se séparent, l’adolescence se termine, l’amitié résistera-t-elle ? Nous le saurons trente plus tard. La société a bien changé, eux aussi peut-être, lorsque Tully appelle Noodles pour lui annoncer une terrible nouvelle et lui demander une aide et un engagement qui questionneront son amitié. Deux parties pour ce magnifique roman avec l’amitié comme liant. La première est explosive, comme la jeunesse, comme la musique des années 80, la seconde en reliant amitié et fin de vie bouleverse et interroge chaque lecteur.
« Cela fait partie du rêve de l’adolescence, de trouver un pote qui fait véritablement attention à vous. »
« Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux. »
« On dit qu’on ne sait rien à dix-huit ans. Mais il y a des choses qu’on sait à dix-huit ans et qu’on ne saura jamais plus. »
Fiche #3206
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Céline Schwaller
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques
Liana Levi
4 | 240 pages | 29-07-2024 | 22€
en stockJustin Sykes est avocat, il a eu son heure de gloire comme lanceur d’alerte, mais les puissants et leurs subordonnés l’ont vite ramené à la raison. Il est maintenant commis d’office et passe principalement son temps à défendre des clients pour de petits délits, des clients souvent récidivistes et écrasés par la société. En amont, il négocie avec le procureur-adjoint Dick Farell Junior (fils du célèbre procureur Dick Farrell Senior) pour éviter les procès et réduire les peines : « S’il y a bien une chose sont d’accord les avocats commis d’office et les procureurs, c’est qu’il faut faire en sorte d’éviter le procès. », petites et rapides magouilles internes entre gens autorisés. Quelque peu désabusé et lassé de la misère humaine, légèrement naïf, Justin Sykes accepte une proposition bien singulière : passer une heure par semaine dans une boîte de striptease pour conseiller juridiquement les stripteaseuses, dormir dans un motel et repartir le lendemain matin avec mille dollars, bien payés les conseils ! Justin découvre le monde de la nuit, les danseuses, et sans s’inquiéter quelques comportements et faits étranges... tout en affrontant Dick Farell Junior qui semble vouloir gagner un procès pour lancer sa campagne électorale et un pauvre bougre risque de six à dix ans de prison pour pas grand-chose... Avec cette fois les arrières cours de la justice et de la police, Iain Levison, son ironie joyeuse et son humour (malgré la lourdeur et la tristesse de l’arrière-plan) continue pour notre grand plaisir de dresser le portrait de la société américaine avec une efficacité remarquable.
« Et le système n’obéit qu’à une seule et unique règle incontournable : l’injustice ne peut être flagrante. »
Fiche #3203
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Emmanuelle Aronson,
Philippe Aronson
Jean-Pierre MONTAL
La face nord
Séguier
3 | 152 pages | 29-07-2024 | 19€
Tout part d’une rencontre fortuite à l’issue d’une séance de cinéma : Elle et lui le film de Leo McCarey avec Cary Grant et Deborah Kerr. Aujourd’hui, elle, c’est Florence, soixante-douze ans et lui, c’est Pierre, 48 ans. Une rencontre troublante puis amoureuse. Pierre est touché, ils multiplient les rencontres, parlent des différentes versions du film puis se confient. Il reste à l’écoute, attentif à ses idées, ses convictions, découvrira un livre qu’elle a écrit et son histoire, sa vie, son histoire d’amour total, la bague qui ne la quitte jamais : voyage dans le temps, l’après-guerre, les années 70, Vienne et son monde intellectuel. Un court roman d’une extrême sensibilité que l’on lit d’une traite.
« Son mélange de mélancolie et de volonté m’a paru admirable. C’est ainsi qu’il faudrait aborder tous les emmerdements de l’existence. »
« C’est précieux, les pessimistes. Je parle des vrais : ceux qui annoncent le pire avec le même enthousiasme, la même conviction qu’un optimiste. »
Fiche #3204
Thème(s) : Littérature française
La mer, le vent, la brume, la lande, les falaises, un phare, des habitants, des femmes, des enfants, une île, une disparition : pas un ingrédient ne manque pour un conte qui vous habitera longtemps. Les hommes sont pour la plupart en mer ou sur le continent. Les femmes et les enfants restent sur l’île. La nature peut être aussi sublime que violente, tout comme la vie. Mais toutes et tous semblent l’apprécier, un refuge, des vies malgré tout protégées loin du marasme citadin. Lors d’une sortie habituelle d’une classe, une brume épaisse s’abat sur l’île et Raph disparaît. Elle connaît parfaitement tous les recoins de l’île, alors l’inquiétude laisse place dans un premier temps à une tension devant l’inhabituel. La brume s’estompe, la petite reste introuvable. Alors la peur grandit, les femmes organisent une battue, les langues se délient, de nouvelles relations se nouent, d'autres se tendent. Un premier roman parfaitement maîtrisé sur tous les plans : roman choral, style poétique très imagé, doux et sensible, atmosphère, descriptions de la nature et de la psychologie des personnages, une réussite !
Premier roman
« Je veux tendre les bras sans me demander comment c’était hier, ce qu’il y aura demain, comment on fait pour que ça dure. Il construit le château de sable sans en avoir l’air, et je soulève chaque seau pour savoir ce qu’il y a dessous. »
Fiche #3202
Thème(s) : Littérature française
Un enfant abandonné sur les marches d’une église vénézuelienne marque le début de la nouvelle saga familiale de Miguel Bonnefoy : Antonio avec comme seul signe distinctif un machine à rouler les cigarettes, en fer-blanc, décoré de fines arabesques sera recueilli par une mendiante qui y voit rapidement son intérêt. Antonio est né débordant de vie, d’espoirs, de rêves, courageux, combatif et entêté, rien ne l’arrêtera. Le chemin sera parfois dangereux et violent mais l'issue lumineuse. Parti de rien il deviendra l’un des plus illustres chirurgiens de son pays. Mais le serait-il devenu sans sa femme Ana Maria ? Une femme de la même trempe, aussi persévérante que son époux, première femme médecin, toujours prête à s’engager pour les causes qu’elle juge juste. Un couple engagé au cœur d’une Amérique Latine toujours secouée par des soubresauts politiques. Naturellement, leur fille, Venezuela et leur petit-fils Cristobal ne dépareilleront pas et seront dignes de la lignée ! Quel immense bonheur que de retrouver ce conteur hors pair qu’est Miguel Bonnefoy, retrouver ses personnages denses, humains, attachants, retrouver sa fougue pour un récit virevoltant, flamboyant, foisonnant sur un rythme effréné entre Amérique Latine et France. Avec Miguel Bonnefoy, on rentre dans la danse dès les premiers mots pour ne s’arrêter qu’à regret au point final !
« … on est esclave de ce qu’on dit et maître de ce qu’on tait. »
Fiche #3201
Thème(s) : Littérature française
Nouvelle consultation des comptes-rendus de lecture
Les comptes-rendus de lecture de l'année précédente (2023-2024)
- Jacques - Montazami - Naspini - Dawson - Seyvos - Vallejo - Benameur - Bofane - Butler - Wojcik - Devèze - Parlange - Meltz - Mathot - Brenman - Bordier - Cranor - Hjorth - Hazan - Josse - Favier - Terraqué - Minoui - Cayrel - Reyboz - Brocas - Feertchak - Demange - El Aswany - Ferrari - Vernot - Frankel - Wassmo - Lerner - Dietrich - Khabushani - Lacombe - Le Goff - Villiot - Collette - Caro - Portela - Chabaud - Jonah - Di Meo - Ardone - Magee - Zeniter - Haddad - Biberfeld - Pimiento - Gallay - Pavloff - Briche - Faas - Lamoureux - Rodolphe - Rodriguez - Pichat - Mason - De Meeûs - Paulin - Vingtras - Cavatz - Olivo - Garma-Berman - Egloff - Zerán - Benvenuto - Robben - Dulude - Moure - Joy - Palain - Recchia - Pavlenko - Bard - Norek - Bezbakh - Seyer - Taïa - Tixier - Séverac - Choplin - Lenot - Zinet - Parcot - Collet - Boulouque - Hunzinger - Desbiolles - Bussy - Morin - Kelbert - Harté - Ravey - O'Hagan - Levison - Montal - Rocchitelli - Bonnefoy